5 vertus de la fatigue

On a souvent du mal à accepter nos baisses de régime mais se sentir au ralenti peut constituer un déclic salutaire et… énergisant ! Explications.

Avec le Dr François Baumann, médecin généraliste et Eric Fiat, philosophe et universitaire.

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Un agenda surchargé, du stress en pagaille, et voilà qu’on baille, qu’on somnole, qu’on manque singulièrement d’énergie. Au point de procrastiner, d’être irritable, de devoir se faire violence pour effectuer les tâches du quotidien. Pas de panique ! Si la fatigue peut cacher de vraies pathologies (une dépression, un burn-out, voire une maladie virale…), le plus souvent elle n’a rien d’inquiétant. Qu’elle soit physique ou psychique, elle peut même nous donner l’occasion de réexaminer notre mode de vie. Le Dr François Baumann, médecin généraliste et spécialiste du burn-out, l’affirme : se sentir épuisé nous met dans « l’obligation de réorganiser notre vie, de réévaluer nos priorités. » Et c’est une chance.

Une preuve de notre vitalité

Non, la fatigue n’est pas (forcément) une preuve de faiblesse, de vulnérabilité. Bien au contraire. Philosophe et universitaire, Eric Fiat dirige un master d’éthique médicale à destination des personnels soignants. Parce qu’après les confinements, il les a vus au bout du rouleau, il s’est interrogé. Ses conclusions ? L’épuisement mérite d’être mieux considéré. Voire savouré. De fait, en ces moments où l’on broie souvent du noir, une évidence devrait nous rassurer : la fatigue ne concerne que les plus courageux. Et ceux qui croquent la vie au point de multiplier (trop !) les efforts de toutes sortes.

Le bon réflexe. On intègre une bonne fois pour toutes que comme le dit le spécialiste universitaire, « le paresseux n’est jamais fatigué. Il n’est même pas menacé puisqu’il ne fera jamais rien de peur de l’être ! » Niveau moral, ça rassure sacrément, non ?

Une occasion d’apprendre à se connaître

De fait, c’est bien souvent parce qu’on est allé au-delà de nos ressources physiques et physiologiques que l’on se retrouve dans cet état. « La majorité d’entre nous ne connaissons pas nos limites. La fatigue peut donc être une excellente opportunité de faire le point sur nous-mêmes », explique le Dr Baumann. Pour mieux se découvrir, se respecter davantage. Commençons par écouter les signaux que corps et esprit fatigués nous envoient. La lassitude d’abord, qui soudain nous assaille. Le besoin irrépressible d’aller se coucher, même tôt. Puis une certaine apathie. « Il n’y a plus de désir, plus d’envie, plus de goût à rien. On se sent vidé… »

Le bon réflexe. On tient compte de ces clignotants, et on met en place des réponses adaptées de façon à éviter l’étape suivante qu’est la dépression ou le burn-out. En prime, on y gagnera une meilleure maîtrise de nos besoins et envies.

Une invitation à prendre soin de soi

Une des réponses à la fatigue passe par l’attention que l’on va s’accorder ! Cela vaut la peine de s’interroger sur nos « stresseurs négatifs » qui comptent parmi les premières causes de notre état de fatigue. Bien identifier ce qui nous angoisse va permettre de nous en protéger. « Les techniques de relaxation, le yoga sont très utiles », ajoute le Dr Baumann. Sans oublier une simple sieste quotidienne de vingt minutes, histoire de réguler notre sommeil malmené par les insomnies inhérentes à l’épuisement.

Le bon réflexe. Dans un monde idéal, le philosophe Eric Fiat prônerait une déconnexion totale. Il est vrai qu’en éteignant pendant quelques jours les chaînes infos et nos réseaux, on met à distance de gros facteurs de stress.

Une incitation à se dépenser plus !

Si le repos s’impose avant tout, pas question de rester plongée dans l’inertie. Au contraire, voilà une bonne occasion de dire adieu au train-train dans lequel on s’est laissé enfermer. Retrouver le calme et la paix de l’esprit ne suffit pas. Il faut aussi remettre son corps en mouvement ; assainir son hygiène de vie pour retrouver forme et moral, et secréter ainsi les endorphines dont on a tant besoin. Du 100 % gagnant.

Le bon réflexe. « Il s’agit de changer de paradigme en se disant : Je suis fatiguée ? Je vais donc aller faire quelques longueurs à la piscine, une partie de tennis, ou tout simplement marcher en forêt… Certes, vous y arriverez épuisée, mais très vite vous vous sentirez mieux. Car le cérébral vient généralement prendre le relais du physique », explique le généraliste.

Une bonne petite leçon d’humilité !

D’après nos deux experts, nos petits coups de mou devraient nous faire progresser, nous rendre meilleures. À vivre dans une société toujours plus rapide et en mouvement, on s’interdit souvent de montrer notre fatigue alors qu’on pourrait simplement choisir de l’assumer. Voire de la partager ? Eric Fiat en est sûr : « Le simple fait de l’avouer à nos proches peut aider. Du moins si l’on n’est pas seul à la reconnaître. Se dire ensemble que, oui, le monde est épuisant peut créer une sorte de solidarité des fatigués ».

Le bon réflexe. Place à la douceur. « Une personne toujours fraîche et dispo est souvent dans une vision de conquête et de maîtrise. Fatigué, on pose un regard beaucoup plus doux sur nous, et sur les autres ! », rappelle le philosophe. A bon entendeur…

Merci au Dr François Baumann, médecin généraliste, cofondateur de la Société de Formation Thérapeutique du médecin Généraliste (SFTG) et auteur de Épuisements – Comment lutter contre les fatigues du quotidien éd. Josette Lyon) et à Eric Fiat, philosophe et universitaire, auteur d’Ode à la fatigue (éd. Alpha).

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