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Sharon Stone : "Vous imaginez ce que c’était d’être la seule femme nue sur un plateau ?"
Dans La Beauté de vivre deux fois, ses Mémoires qui paraissent ce 1er avril en France, la star américaine se livre sans détour. Sa carrière, le choc Basic Instinct, ses échecs, ses batailles gagnées, son engagement… Extraits choisis en exclusivité.
En quarante ans de carrière, Sharon Stone a tout connu, tout traversé, tout surmonté : les castings galères, les producteurs libidineux qu’il faut repousser, la misogynie endémique du cinéma… Mais elle a aussi tutoyé les sommets, la gloire, les récompenses, dès 1992, avec Basic Instinct – son film iconique qui lui offre le statut de star planétaire et de sex-symbol transgressif. Pourtant, en 2001, sa vie a basculé. Une hémorragie cérébrale, doublée d’une seconde, ont mis en péril sa vie, sa carrière, sa famille. L’actrice nommée aux Oscars (Casino, de Martin Scorsese, 1996) est une survivante. Dans ses Mémoires, qui paraissent en France, La Beauté de vivre deux fois (1), elle raconte son long combat pour revenir à la vie, retrouver ses trois fils et sa place dans une industrie du cinéma oublieuse.
Elle raconte les joies et les traumatismes de son enfance dans une famille très modeste d’origine irlandaise, en Pennsylvanie. Ses débuts de mannequin, son ambition d’être actrice, son amour du cinéma. À 63 ans, elle dresse le bilan de ses combats personnels, d’une vie dédié à l’engagement aussi. «Je pense qu’en vieillissant, je me rapproche de ce que je suis, pour en atteindre le cœur. […] Il m’a fallu des années, et avoir frôlé la mort, pour savoir qui j’étais vraiment. Mais maintenant que je suis de nouveau moi-même, j’ai une maison heureuse pleine de rires et de joie. Certes, je n’ai pas vécu un conte de fées, mais j’ai vécu une vraie vie.» Morceaux choisis.
En vidéo, Sharon Stone rejoue la scène du croisement de jambes de « Basic Instinct »
« On m’a collé une étiquette du star du sexe »
«Quand je suis partie pour New York, mon père m’a dit : “Assure-toi d’être toujours prête à frapper la balle, ma chérie.” […] Je suis la fille de Joe Stone, et il m’a appris comment me faire respecter ; il m’a appris que pour obtenir le respect, je devais l’exiger. Non pas le demander ni l’espérer, mais l’exiger. À dire vrai, ça ne s’est pas toujours bien passé : j’ai parfois été virée, rejetée et blackboulée ici et là. On a répandu des rumeurs à mon sujet, on s’est moqué de moi et, pour finir, après avoir joué dans Basic Instinct, on m’a collé une étiquette de star du sexe.»
« J’ai giflé le réalisateur Paul Verhoeven »
«Après le tournage de Basic Instinct, j’ai été invitée à voir les rushs. Je pensais être seule avec le réalisateur, mais la salle était remplie d’agents et d’avocats, dont la plupart n’avaient rien à voir avec le film. C’est donc dans ces conditions que j’ai vu mon vagin à l’écran pour la première fois, longtemps après qu’on m’avait dit : “On ne verra rien. J’ai juste besoin que tu enlèves ta culotte car le blanc réfléchit la lumière et on saura que tu en as une, contrairement à ton personnage.” […] Je suis d’abord allée dans la cabine de projection, j’ai giflé Paul (Verhoeven, réalisateur du film, NDLR), je suis partie et j’ai appelé mon avocat, Marty Singer. Marty m’a dit qu’ils n’étaient pas autorisés à sortir le film tel quel. […] Mais j’ai ensuite réfléchi.
Et si je me mettais à la place du réalisateur ? […] Et si c’était aussi ça le cinéma ? […] Je m’étais battue pour avoir ce rôle et, pendant tout ce temps, seul le réalisateur m’avait soutenue. Il fallait que je trouve un moyen d’être plus objective. […] Je savais que j’avais le choix. J’ai décidé de ne pas exiger que cette scène soit coupée. Pourquoi ? Parce que ça convenait au film et au personnage ; et aussi parce que, après tout, j’avais accepté de la tourner. Par ailleurs, vous ne vous en souvenez probablement pas, mais seul le nom de Michael Douglas apparaît en haut de l’affiche, sans que le mien y soit accolé.»
« Tu es une grande star maintenant, ils peuvent aller se faire f… »
«Faye Dunaway m’a accompagnée le soir de la première (de Basic Instinct, NDLR). […] Nous étions donc dans une immense salle de projection ; la fin du film a été accueillie dans un silence complet. Faye m’a attrapé le bras et m’a dit à voix basse : “Ne bouge pas. Reste où tu es”, ce que j’ai fait. Pareil pour Michael, assis le rang devant moi. Il s’est contenté de jeter un coup d’œil à droite et à gauche, aux producteurs et à Paul. Finalement, après ce qui nous a semblé une éternité, les spectateurs ont commencé à acclamer et à applaudir. «Et maintenant ?», ai-je demandé à Faye. Ce à quoi elle a répondu : “Maintenant, tu es une grande star, et ils peuvent tous aller se faire foutre.” Basic Instinct était mon dix-huitième film. […] Je savais que c’était ma dernière chance – je commençais déjà à être trop vieille avant même d’avoir commencé. J’avais besoin de remporter un gros succès.»
« La seule femme nue sur un plateau »
«Roy London (son coach et ami, NDRL) m’a souvent conseillé d’approcher les hommes qui m’employaient avec mes “émotions”, afin qu’ils ne se sentent pas menacés. Il m’expliquait que je représenterais moins une menace si j’arrivais avec des “émotions” et non des “opinions”. J’ai essayé pendant très longtemps sans me compromettre. À l’époque, on disait : “Sharon Stone a les plus grosses couilles de tout Hollywood.” Ce n’est pas un hasard si j’ai été la première femme à être rémunérée en conséquence – toujours beaucoup moins que les hommes, mais plus que les femmes ne l’avaient été par le passé.
Les gens me critiquent et disent que j’intimide les hommes. Ça me donne juste envie de pleurer. Je me suis souvent retrouvée seule sur un plateau au milieu d’une centaine d’hommes. […] Quand j’ai commencé à tourner, même l’équipe de la cantine n’était, le plus souvent, composée que de mecs. […] Vous imaginez ce que c’était d’être la seule femme sur un plateau – d’être la seule femme nue, avec peut-être une ou deux congénères seulement, l’habilleuse et la scripte, dans les parages ? Et on ose dire que c’est moi qui suis intimidante ?»
« Ce métier d’actrice, je l’aime encore plus qu’avant »
«J’en reviens au métier d’actrice : j’aime toujours ça. En fait, j’aime encore plus ça qu’avant. Aujourd’hui, quand je joue, je ressens moins de pression, car mon métier ne représente plus tout pour moi. […] Mon ambition n’est plus dévorante. Les gens savent quand vous êtes affamé, et ils aiment ça. Mon Dieu, ils adorent ça. Hollywood ressemble à un zoo où l’heure du repas servi aux animaux durerait toute la journée. J’imagine que je peux facilement avoir l’air d’être tout le temps affamée. Je pense même que je peux donner à croire que je pourrais vous manger tout cru. Si vous voyez ce que je veux dire. […]
Je suis fière de mes succès professionnels – je les ai obtenus à la sueur de mon front. Ma réussite n’appartient qu’à moi. J’ai gardé la batte de base-ball à la main, prête à recevoir et à lancer, exactement comme mon père me l’avait dit. Tous les films ou téléfilms dans lesquels j’ai joué n’ont pas été des succès, loin de là. Quoi qu’il en soit, pour chaque projet, je me donne à fond.»
La Beauté de vivre deux fois, de Sharon Stone, Éditions Robert Laffont, 286 pages, 21 €. Parution en France le 1er avril.
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