Public Story : Tahar Rahim, la classe internationale

Incroyable dans Le Serpent sur Netflix, Tahar Rahim joue dans la cour des grands, en France comme aux États-Unis. Mais le succès n’est pas monté à la tête du chéri de Leïla Bekhti. Portrait d’un garçon bien élevé qui ne fait de vagues que sur grand écran.


 “Je trouve qu’on accorde aux acteurs un pouvoir illégitime et trop important.” Ça pourrait être la dernière déclaration en date du chroniqueur d’un quelconque talk-show télévisé pour faire le buzz et créer la polémique. C’est pourtant bien un acteur, et pas n’importe lequel, qui a prononcé cette phrase au cours d’une interview au magazine Elle en 2011. À l’époque, Tahar Rahim a tout juste 30 ans et déjà deux césars à son actif. L’année précédente, il a été désigné meilleur espoir masculin et meilleur acteur pour sa performance dans Un prophète, de Jacques Audiard. L’académie des César changera même le règlement un an plus tard pour que ce doublé de trophée ne soit plus possible.

Elle aurait presque pu s’abstenir. Des acteurs qui crèvent l’écran dès leur premier rôle au point d’éclipser des stars confirmées, et qui sont toujours au firmament onze ans plus tard, il n’y en a guère plus d’un par décennie. Tahar en fait sans conteste partie puisque aujourd’hui, le frenchy est courtisé jusqu’à Hollywood.

Une enfance modeste, pour le dernier de dix enfants.

Nommé aux Golden Globes et aux Bafta,

le mari de Leïla Bekhti était même pressenti pour la statuette du meilleur acteur aux Oscars pour sa performance aux côtés de Jodie Foster, Shailene Woodley et Benedict Cumberbatch dans Désigné coupable. Malgré les critiques américaines dithyrambiques, il ne succédera pas à Jean Dujardin cette année, mais il le vit plutôt bien.

Il est comme ça Tahar, positif, modeste et pas bégueule. Son histoire, c’est un mélange de chance, de talent, de boulot et de détermination. Tahar est né le 4 juillet 1981 (le jour de la fête nationale des États-Unis célébrant son indépendance, ça ne s’invente pas) à Belfort, dans une famille modeste originaire d’Oran. En Algérie, son père était professeur d’arabe. En France, il sera ouvrier chez Alstom. Sa mère élève dix enfants, Tahar est le petit dernier, il a presque un quart de siècle de moins que son plus grand frère. Il grandit dans un HLM du quartier des Résidences, où des familles venues de France, du Maghreb, d’Afrique subsaharienne, d’Asie ou de Yougoslavie partagent leur quotidien. Si certains ont du mal à se projeter au-delà des murs de la cité, Tahar, lui, dit que ce mélange de cultures lui a surtout ouvert des horizons et donné des envies de voyage, qui ne l’ont depuis plus quitté.

 Sa carrière

2009 UN PROPHÈTE

Pour son rôle de Malik, jeune délinquant qui apprend vite et devient un caïd dans le superbe film de Jacques Audiard, Tahar obtient deux césars, meilleur espoir masculin et meilleur acteur en 2010.

2012 À PERDRE LA RAISON

Après Un Prophète, Tahar donne une nouvelle fois la réplique au magistral Niels Arestrup dans ce drame inspiré d’un fait divers sur une mère de famille ayant assassiné ses cinq enfants.

2013 GRAND CENTRAL

Dans ce film de Rebecca Zlotowski, Tahar incarne un employé de centrale nucléaire. Il partage l’affiche avec Léa Seydoux, pour la première fois.

2017 LE PRIX DU SUCCÈS

Dans ce film, le comédien joue un humoriste de stand-up en pleine ascension qui va se heurter à l’incompréhension de sa famille.

2018 THE LOOMING TOWER

Tahar tient le rôle principal, celui de l’agent du FBI Ali Soufan, dans cette série américaine qui évoque les ratés de la communication entre la CIA et le FBI, menant aux attentats du 11 septembre 2001.

2020 THE EDDY

Pour la première fois, Tahar joue le mari de sa femme, Leïla Bekhti, dans la série du talentueux cinéaste franco-américain Damien Chazelle, qui a obtenu l’oscar du meilleur réalisateur pour La La Land en 2017.

2021 LE SERPENT

Dans cette minisérie de Netflix coproduite par la BBC, déjà qualifiée de pépite par certaines critiques, Tahar interprète le tueur en série Charles Sobhraj, surnommé le Bikini Killer.

2021 DÉSIGNÉ COUPABLE

Pour son rôle de Mohamedou Ould Slahi, un détenu mauritanien de Guantánamo emprisonné pendant quatorze ans sans inculpation ni jugement, Tahar Rahim a été nommé aux Golden Globes et aux Bafta. Le film devrait sortir en France en juin.

Mais il s’ennuie. Belfort est une petite ville et il n’y a pas grand-chose à faire. “Je me sentais enfermé. À 19 heures, tout s’arrête, le dernier bus passe à 19 h 45. Cela résume tout”, explique-t-il à Libération en 2009.

Rahim Tahar Le discret flamboyant

Pour tuer le temps, il se réfugie dans les salles obscures. Il est capable d’enchaîner plusieurs films d’affilée et de frauder quand il n’a pas l’argent pour s’acheter un billet. Devenir acteur devient une évidence. Après avoir obtenu un bac scientifique, il va pourtant s’inscrire en fac de sport à Strasbourg, spécialité natation. Encore une fois, il s’ennuie. Il quitte l’Est pour Marseille et entame des études de maths et d’informatique.

Il tiendra deux mois. Une de ses sœurs le pousse tout de même à obtenir un diplôme, par sécurité. Il décrochera une licence de cinéma, à Montpellier cette fois. Mais Paris l’appelle. En septembre 2005, il prend la direction de la capitale avec son sac à dos. Il s’installe à l’hôtel, puis dans une chambre de bonne avec des potes et enchaîne les petits boulots. Il sera graveur de logiciels, commis puis serveur à l’ancien bar branché le Man Ray, pour se payer des cours de comédie. La galère, un peu, mais pas trop non plus. Tahar ne lâche rien, se dégote un agent et après avoir participé à un documentaire sur lui, Tahar l’étudiant, il obtient un rôle dans une série de Canal, La commune. Il croise alors la route d’un certain Jacques Audiard.

 Avec Leïla Bekhti, c’est l’amour fou !

“La première fois que j’ai vu Leïla, j’ai su à la seconde qu’elle serait ma femme et la mère de mes enfants. Notre rencontre n’a pas été un coup de foudre, elle était écrite. C’était notre destin”, confiait Tahar il y a quelques semaines à Paris Match. Depuis leur rencontre sur le tournage du film Un prophète, ils forment un couple solide et toujours aussi passionné. Après dix ans de mariage, Tahar parle encore d’“amour fou” pour celle qui partage sa vie. De son côté, elle déclarait sur lui dans Elle en 2014 : “Ce mec est l’une des plus belles personnes que je connaisse. Quelqu’un de profondément gentil. On a vécu des choses qui nous permettent de savoir qui nous sommes vraiment. C’est un ami avec un grand A.” L’amour, le vrai !

 Prêt à tout pour ses enfants !

Pour Tahar Rahim, la famille est une valeur fondamentale. Avec Leïla Bekhti, ils sont les parents de Souleiman, 3 ans, et d’une petite fille, née en février 2020. “Tahar est un père magnifique, très présent”, déclarait Leïla Bekhti dans Version Femina. Le jeune papa est prêt à tout pour préserver le bonheur des siens. “On va se parler franchement : si un jour je suis dans le besoin, je n’hésiterai pas à faire des pubs bidon ou des films pourris pour nourrir les miens. Ils passent avant tout. Si je ne pouvais plus payer le loyer ni subvenir aux besoins de mes enfants, juste pour assouvir ma passion égoïste, alors vraiment ça me rendrait fou”, confiait-il à Paris Match en février.

En quelques mois, Tahar devient prophète en son pays, celui dont il a toujours rêvé, le septième art. Le fi lm et sa prestation sont acclamés au Festival de Cannes, palais du cinéma s’il en est. De quoi lui donner le tournis. La fête, la célébrité…

Il a peur de se perdre. Mais le garçon bien élevé garde la tête froide. Les excès ? Très peu pour lui. Chez les Rahim, on a les pieds sur terre. Ses vices se limitent d’ailleurs à son addiction à la cigarette et, sans doute, à son impatience. Pas de quoi fouetter un chat, donc. Il quitte vite le festival et ses soirées. “Je ne voulais pas rester, explique-t-il au Figaro en 2009. Je me disais : ‘Le monde du cinéma me regarde. Pour peu que je m’emporte dans une fête, après je vais passer pour un tocard.’ Je n’avais pas envie de ça.”

De toute façon, à Paris, une certaine Leïla Bekhti l’attend. En tournant dans Un prophète, Tahar n’a pas seulement gagné la célébrité et une carrière, il a aussi trouvé l’amour. La belle brune partage les mêmes origines algériennes, le même sens de la famille et des valeurs. “Je ne comprends pas comment on peut avoir la grosse tête quand on est comédien. On ne sauve pas des vies !” déclare-t-elle dans Le Parisien en 2019.

Ces deux-là se sont trouvés, comme une évidence (lire encadré). Ensemble, ils vont construire leurs carrières et leur famille. Quand Tahar est courtisé par les plus grands aux États-Unis, elle l’aide à garder son cap. “On m’a beaucoup proposé, à Hollywood comme en Europe, d’incarner l’Arabe de service, le terroriste, le petit ami français ou le méchant mal écrit. J’ai prévenu mes agents aux États-Unis que je ne ferais pas ça. Résultat, j’ai beaucoup attendu… À tel point qu’à un moment, je me suis dit : ‘Lâche l’affaire, ça ne prendra pas”, confie-t-il au JDD en 2021. Aujourd’hui, ça a pris. Mais même en plein rêve américain, le sage Tahar ne lâche pas la proie pour l’ombre. “Je préfère vivre dans le pays où je suis né et où je me sens bien”, dit-il pour clore le débat. Discret sur sa religion comme sur la politique, Tahar n’en fait jamais trop. Trop terne ? Pour les mauvaises langues, peut-être. Qu’importe, c’est à l’écran qu’il brille et c’est tout ce qui compte pour lui.

La fête, les excès, la célébrité… Il en a peur !

 À l’écran, c’est un vrai caméléon !

En 2011, Tahar est méconnaissable en guerrier celte irrésistible dans L’Aigle de la Neuvième Légion, le visage intégralement enduit de boue. Il est capable de se métamorphoser totalement pour un rôle, quitte à souffrir. Pour incarner un prisonnier de Guantánamo, Mohamedou Ould Slahi, dans Désigné coupable, il a fait un régime draconien et perdu 10 kilos en deux semaines ! “Calendrier oblige, je suis passé du Serpent, rôle pour lequel j’avais fait de la muscu comme un fou pendant un an, à celui de Mohamedou, où il fallait que je retrouve ma silhouette originelle, qui n’est pas celle de Bruce Lee !” expliquait-il il y a quelques semaines dans Elle. Tahar va même porter de vraies menottes aux pieds et aux mains, s’affamer et demander à ce qu’on baisse la température dans sa cellule pour ressentir physiquement ce qu’a vécu le vrai Mohamedou.

 L’acteur le mieux sapé de sa génération

Il y a quelques semaines sur le plateau de Quotidien, Yann Barthès s’extasiait devant le carrot pant de Tahar Rahim, jurant qu’il n’y avait que lui qui pouvait porter ça sans être ridicule. Il n’avait pas tort. Le beau gosse, qui déteste se mettre nu à l’écran, arbore toujours un look stylé dans la vie. “J’aime m’habiller. Je sais ce qui me plaît, j’entre dans un magasin, je choisis en cinq minutes, confiait-il à Madame Figaro en 2019. J’aime aussi qu’un homme porte ce qu’on peut appeler une touche féminine dans sa tenue. En fait, c’est le cinéma qui m’a éduqué. Dans ma jeunesse, j’y suis allé cinq fois par semaine pendant cinq ans. Et je voulais m’habiller comme les héros que j’admirais.” La grande classe, what else ?

Louise Monteil

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