Accueil » Célébrités »
Public Story – Mathieu Madénian : Il monte au frond !
Il rêvait d’être profiler ou avocat. Il est finalement devenu vanneur. À 44 ans, l’humoriste est au top de son art. Retour sur la carrière d’un drôle de Catalan qui ne prend pas de gants.
Le 26 mai 1993, au stade de Munich, l’Olympique de Marseille va jouer une finale de Ligue des champions face à Milan. TF1, le diffuseur de l’événement, a repeint les couleurs de la chaîne en ciel et blanc. Au point que l’access prime time de l’époque, Coucou c’est nous !, se tiendra en direct de la pelouse munichoise. Problème : l’animateur, Christophe Dechavanne, a eu la mauvaise idée d’inviter Enrico Macias, notoirement connu pour être un fan du…
“Je faisais déjà le con au centre aéré”
PSG. Un détail qui n’échappe pas à la dizaine d’ultras marseillais postés aux abords du plateau improvisé. En mode sales gosses, ils vont balancer des morceaux de merguez à l’adresse du chanteur, furibard. Parmi eux, un lycéen âgé de 17 ans né à Perpignan et fan de l’OM : Mathieu Madénian. “Ce fut mon premier et pire passage télé”, confessera-t-il, vingt-cinq ans après, dans les colonnes de Télé Star, mi-repenti, mi-rigolard… Toujours aussi sale gosse. Depuis, l’ado fan de l’OM, dont le père lui répétait : “Le temps d’un match, on laisse le cerveau dans la voiture ; en revanche, on se rappelle où elle est garée”, a fait du chemin. Toujours fan du club phocéen, il est devenu un acteur régulièrement convoqué sur le petit écran et un humoriste qui compte dans le circuit. Son ultime spectacle est d’ailleurs diffusé sur la plateforme Amazon Prime. Son nom ? Un spectacle familial, un show réputé moins provoc que les précédents, dans lequel Madénian évoque ses parents et sa sœur cadette. Un spectacle plus personnel, ponctué de quelques saillies olé olé (on ne se refait pas), et dont la principale source d’inspiration, à l’instar de la plupart des humoristes, reste sa vie de famille… La sienne, plutôt heureuse et ensoleillée, débute à Saleilles, un village situé à 10 kilomètres de Perpignan, entre un père vendeur de pneus et une mère assistante sociale. Mathieu est un gamin vif qui se révèle un élève consciencieux, tout en précisant à Libération, en mai 2016, qu’il faisait “ déjà le con au centre aéré”. À l’âge de 15 ans, il va voir au cinéma Le Silence des agneaux, qui agit sur lui comme un choc. Dès lors, Mathieu n’a qu’une obsession : devenir profiler, comme Jodie Foster, bien qu’il réalise plus tard que ce métier n’existe pas en France.
En attendant, ce petit-fils d’immigré arménien entreprend de brillantes études de droit, couronnées par l’obtention d’un DEA en sciences criminelles et d’un DESS en psychiatrie criminelle. Mathieu Madénian vat-il devenir “Maître Madénian”, pour la plus grande fierté de ses parents ? Non, car, tout petit, Mathieu a subi un autre choc artistique : Albert Dupontel dans les émissions de Patrick Sébastien. Entre Jodie Foster et le futur réalisateur d’Adieu les cons, la question sera vite réglée à l’orée des années 2000 : le lauréat en droit refuse de devenir avocat et tente sa chance dans la comédie en montant à la capitale. Comme pour bien d’autres prétendants, cela va prendre un certain temps avant que Madénian finisse par percer. “Seulement deux mois après mon arrivée à Paris, je décroche Un gars, une fille [pour les voix off, ndlr]. Et je me dis que si ça ne dure pas, je retourne à Perpignan et je redeviens avocat. Mais j’ai aussi bouffé du sable, j’ai fait des salles de merde, j’ai galéré pendant sept ans”, se souvient-il dans Entrevue (avril 2012). Le salut viendra avec le producteur Kader Aoun, qui le repère lors d’une prestation au théâtre des Blancs-Manteaux. Il l’engage au sein de son écurie de stand-uppers, et, dès lors, Morandini, Canal+, France Inter ou Michel Drucker s’arrachent ce nouveau comique à l’accent chantant et aux saillies fleuries. Mathieu Madénian, sans filtre, toujours à la limite du dérapage, se révèle un authentique booster d’audimat. Au point qu’arrive ce qui devait arriver : en 2011, sur l’émission Morandini ! (Direct 8), il traite les électeurs du Front national de “fils de pute”, avant de s’excuser auprès… “des putes”. Scandale, procès… il est, à l’arrivée, condamné à verser 1 000 euros de dommages et intérêts au parti politique et 1 500 euros pour les frais de justice. “J’ai eu une période un peu relou avec le Front national. Je n’aurais pas dû dire ça, mais c’est ma façon de parler, c’était trop frontal, c’était abusé”, analyse-t-il avec le recul pour Entrevue (avril 2012). En janvier 2015 survient un autre coup dur, mais nettement plus grave, celui-là : le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo, l’hebdomadaire pour lequel il avait commencé à collaborer en août 2014. “J’ai perdu des potes, comme Cabu, que j’aurais aimé encore mieux connaître, et je garde les messages qu’on s’envoyait avec Charb… Je ne réalise toujours pas que j’ai échappé à la mort à une heure près” (Libération, 2012), se souvient celui qui loupa la conférence de rédaction de l’hebdo satirique ce jour-là… Depuis, l’humoriste, âgé aujourd’hui de 44 ans, bouffe la vie à pleines dents. L’avocat de for-mation s’est mis en business avec Kader Aoun en créant, il y a plus de dix ans, le Paname Art Café, une salle de spectacles dotée d’un restaurant à Paris, qui permet à ce réputé “gros bosseur” de tester ses vannes tout en peaufinant ses spectacles. La télé (à défaut du cinéma) devient de plus en plus son terrain de jeu préféré. Seule sa vie privée semble être en work in progress. “Je ne suis pas facile à vivre, je râle tout le temps, je suis insatisfait, perpétuellement dans le doute, je ne suis pas très présent, et je suis barbu, donc je pique”, expliquait ce cœur à prendre à Cosmopolitan en février 2020. La quête de l’âme sœur reste son ultime challenge à relever. Comme si, derrière le sale gosse lanceur de merguez, se dissimulait l’âme tourmentée d’un type plus complexe.
Sa carrière
2000-2003 : UN GARS, UNE FILLE (série)
Il démarre sur France 2 dans cette pastille à succès avec Jean Dujardin et Alexandra Lamy en assurant la voix off ou en incarnant des personnages secondaires… de dos.
2010-2015 : ONE MAN SHOW (spectacle)
Kader Aoun le repère et l’engage au Jamel Comedy Club. Ensemble, ils écrivent ce One Man Show que Mathieu Madénian va faire tenir pendant cinq ans.
2010-2014 : VIVEMENT DIMANCHE ! (émission)
Madénian se trouve un nouveau boulot : balancer des vannes assis sur le canapé rouge de l’émission de France 2. En parallèle, il officie toujours avec Michel Drucker sur Europe 1.
2014 : CHRONIQUEUR POUR CHARLIE HEBDO
Charb lui propose un billet (non payé) dans Charlie. Madénian accepte tout de suite, à la faveur d’un dîner arrosé. Cinq mois plus tard, des terroristes déciment la rédaction.
2016-2017 : EN ÉTAT D’URGENCE (spectacle)
Dans ce stand-up hyper rythmé, cosigné une fois encore avec Kader Aoun, il s’autorise tout et ne se refuse rien. Y compris le plaisir de passer pour un sale gosse.
2017 : LE MESSAGE DE MADÉNIAN ET VDB (pastille)
Avec son confrère de France Inter Thomas VDB, il signe une pastille sur France 2, déprogrammée au dernier moment par Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions. Les deux comiques rebondissent sur W9.
2018-2020 : LES BRACELETS ROUGES (série)
Dans cette fiction pour TF1, il campe au départ un rôle secondaire, simple caution humoristique, le temps d’une saison. Mais sa prestation est si convaincante qu’on le retrouve au casting des deux saisons suivantes.
2019-2020 : UN SPECTACLE FAMILIAL (spectacle)
Disponible sur Amazon Prime, son ultime spectacle en date parle de ses parents et de sa sœur. Avec toujours des saillies “madénianesques”.
2021 : GLORIA (mini-série)
Avec JoeyStarr et Barbara Schulz, il brille dans cette mini-série de TF1 qui cartonne. La fiction télé, son nouveau kif ? En ces temps de déconfinement/ reconfinement, ça se pourrait bien.
Renaud Leclercq
Source: Lire L’Article Complet