Accueil » Célébrités »
Public Story : Eddy de Pretto, le beau bizarre
Véritable phénomène depuis la sortie de son premier album en 2018, Eddy de Pretto transformera-t-il l’essai avec le second ? Portrait d’un kid ambitieux qui a fait de sa singularité une force à toute épreuve.
Il ne ressemble à personne. Avec sa moue boudeuse, sa frange et son allure de blondinet gringalet, Eddy de Pretto paraît à des années-lumière des Booba, Rohff et Sinik qu’il admire tant. On pourrait lorgner du côté d’Orelsan ou d’Eminem, mais le cliché de rappeur blanc looké street ne lui va pas non plus. Alors quoi ? Un Brel ou un Nougaro version 2.0 ?
Même s’il partage leur amour des textes et la force de ces grandes voix de la chanson française, ce n’est toujours pas ça. Il faut se rendre à l’évidence, Eddy de Pretto est un ovni ou, en tout cas, c’est comme ça que beaucoup voient le rappeur de Créteil depuis qu’il a débarqué dans le paysage musical français avec son EP Kid, en 2017. Lui s’amuse des codes, comme un gamin mutin et joueur. Son âge, d’abord.
Dans ses premières interviews, il est vague. On veut lui faire dire qu’il est un petit génie à peine débarqué dans la vingtaine ? Très bien, il racontera qu’il en a 30. « Il y avait ce truc du il faut qu’il soit très très jeune pour qu’il y ait ce côté : mais regardez, c’est l’enfant prodige ! » explique-t-il d’un ton joueur à Brut en 2019.
En fait, le kid du Val-de-Marne est né le 2 mai 1993 à Créteil. Son père est chauffeur de poids lourds, sa mère, d’ascendance réunionnaise, est technicienne de laboratoire. Le premier rêve que son fils soit une star du ballon rond. « Mon père était comme un coach sportif qui voulait me former, me muscler, me faire devenir un homme en soi », raconte-t-il dans Télé 7 jours en 2019. Eddy, lui, s’extasie plus devant le château de la Star Academy que les pelouses du Parc des Princes. En cachette, il chante les Spice Girls devant le miroir de sa chambre. Son paternel lâche vite l’affaire. « À part me dire : ‘Pleure pas, va jouer au ballon et sois un dur’, il ne m’a pas transmis grand-chose », confessera carrément Eddy dans Télérama.
Quand il a 7 ans, ses parents se séparent. Il accuse le coup et supporte difficilement que sa mère refasse sa vie. Elle est pourtant la seule à tout faire pour l’aider à vivre son rêve contre vents et marées. Pas facile de ne pas rentrer dans le moule de la virilité classique quand on est ado, encore moins quand on vit dans une cité HLM typique des années 70, avec comme ligne d’horizon des barres d’immeubles de cinq étages, quelques parcs mal entretenus au milieu et les galeries marchandes d’un immense centre commercial…
Homme cherche amour
À partir de ses 12 ans, elle inscrit Eddy à des cours de danse, de théâtre et de chant. Il aime les trois, passionnément, alors pourquoi choisir ? Le blondinet rêve déjà d’être une star, paillettes comprises, et de migrer à quelques encablures au nord-ouest de chez lui, dans la capitale si loin et si proche. « J’étais un enfant têtu. Je savais déjà que je parviendrais à mon but. Et que personne ne pourrait m’en empêcher », explique-t-il dans Madame Figaro en 2018. Il est pourtant pétri de trac quand il prend le micro pour la première fois devant un public, celui de la MJC de son quartier, pour chanter I Believe I Can Fly, de R. Kelly. Surprise : les spectateurs adorent ! « À Créteil, tout n’était que rap. J’étais le seul Blanc, petit blond tout fin, terrifié à l’idée de proposer quelque chose de beaucoup plus chanté. Et c’était génial. J’ai reçu beaucoup d’encouragements », confie-t-il dans Grazia en 2018.
Eddy est lancé, rien ne l’arrêtera. Hors de question qu’il lâche l’école pour autant. Sa mère, qui l’a inscrit dans un lycée privé contre son gré, ne peut finalement plus payer sa scolarité. Eddy revient alors dans son quartier, dans le public. Il perd des potes, mais s’en fait de nouveau. La solitude n’est pas son truc et ne le sera jamais, quitte à jouer les caméléons pour faire partie d’une bande. « Avec les nouveaux potes, on fumait des joints. Je séchais beaucoup, et je sortais. Notamment au Gibus. J’ai commencé à faire mes premières expériences sexuelles. Je ne pouvais pas en parler aux autres et je me sentais très seul », confie-t-il au Parisien en 2018.
Il obtient tout de même son bac, mention bien. Refusé dans plusieurs BTS auxquels sa mère voulait à tout prix qu’il s’inscrive, il intègre l’Institut supérieur des arts de la scène comme son coach vocal de la MJC le recommandait et passe enfin de l’autre côté du périphérique. L’école est payante. Alors Eddy va faire des petits boulots. Il tourne une pub, fait des spectacles et, tous les soirs pendant trois ans, il va chanter les chansons des autres sur des bateaux-mouches pendant que les touristes dînent. Jusqu’à un jour de 2016 où il a un coup de génie. Eddy doit se produire à Paris, seul, sur la mythique scène des Trois Baudets où Brassens et Brel ont fait leurs débuts en 1952-1953. Malin, il va rameuter ses copains pour remplir la salle. Le concert affiche complet et les professionnels de la musique, intrigués, accourent. En une seule soirée, il va réussir à les conquérir. Le kid est lancé. Il enchaîne les scènes où il excelle, seul avec son iPhone.
Un an plus tard, en avril 2017, il remporte le prix Inouïs, décerné chaque année lors du Printemps de Bourges. Ses mots crus et son timbre grave évoquent le diktat de la masculinité obligée, les excès, les obsessions charnelles ou encore la violence homophobe d’une banlieue qui l’a construit tout autant qu’elle aurait pu le détruire. Il ose afficher son torse nu et glabre dans le clip de Kid. Son album Cure se vendra à 300 000 exemplaires. Le nouveau, À tous les bâtards, connaîtra-t-il le même succès ? Un critique avait dit du premier qu’il était « en tout point monstrueux ». Succès ou pas, ce second essai démontre qu’il est surtout monstrueusement talentueux.
Un look qui tranche
« Eddy, le visage de l’époque » :c’est avec ces mots que Grazia Hommes célèbre Eddy en le mettant carrément en couverture. À l’intérieur, il pose, icône de mode et de son temps. Anneau à une oreille, casquette ou bonnet souvent sur la tête, baskets aux pieds : Eddy de Pretto arbore un style street avec un supplément chic que lui confère son sens de la mode singulier. Son air nonchalant associé à ses vestes de jogging et ses bermudas lui donnent un look hors cadre mais reconnaissable entre mille. Vous avez dit inclassable ?
Ex-addict à la drogue
« J’ai pris des rails en avance », scande Eddy dans sa Fête de trop. Le chanteur n’a jamais caché son addiction à la fête et aux substances qui peuvent y être associées, alcool et drogues comprises. Jimmy sur son premier album parle de son dealer et dans son dernier single Désolé Caroline, il évoque une nouvelle fois la cocaïne.
Mais maintenant, c’est pour dire adieu à sa dépendance avec ce : « Je crois bien qu’c’est fini ». Désormais, Eddy a opté pour un mode de vie plus sain, il jure se coucher tôt et éviter l’alcool et la drogue, même si on le voit encore parfois une cigarette à la main. « C’est fini, les tournées rock, c’est une autre génération maintenant. Je me demande comment faisaient les Amy Winehouse et Freddie Mercury pour se droguer et chanter ensuite. Moi, je suis à l’aromathérapie », s’amuse en 2018 dans Le Parisien celui qui ne se sépare désormais plus de sa thermos de thym, miel, gingembre et citron pour protéger sa voix !
Homo et alors ?
« Je reçois des culottes de filles sur scène, j’en ai une dizaine dans le bus », raconte Eddy de Pretto amusé lors de sa tournée en 2018. « La première, c’était à Toulouse, au Bikini. Il y avait le numéro de la meuf. C’est très surprenant. Elle n’a pas dû bien comprendre l’artiste qu’elle aimait. Elle entend les mélodies et les sons, mais le texte clairement pas. Je m’attendais plus à avoir des slips de garçons, des trucs qui font culture gay ». Eddy rappe sur son homosexualité, mais pour autant il ne se voit pas en porte-drapeau. « Je pense que c’est prétentieux de pouvoir dire : je suis le représentant LGBT », explique-t-il dans une interview pour Brut. Pas encore officiellement casé, il souffre parfois de sa célébrité, mais s’en amuse aussi. « Même les rendez-vous sur Tinder s’en trouvent biaisés », plaisante-t-il dans Libération.
Ses débuts dans la pub
Oui, oui, c’est bien Eddy de Pretto ce gamin à mèche qui se réveille entre deux jeunes filles dans son lit et se prend pour Jules César à son balcon dans cette publicité pour Canalsat qui date de 2010. Une pub prémonitoire puisque depuis, il s’est en effet produit devant des milliers de personnes et il arbore régulièrement son torse glabre nu dans ses clips !
Sa carrière
AVRIL 2017 : PRIX DU PRINTEMPS DE BOURGES
Eddy n’a encore sorti aucun disque et il se fait déjà remarquer en obtenant le prix Inouïs, décerné aux jeunes talents lors du Printemps de Bourges.
MARS 2018 : CURE
En une semaine, l’album se classe numéro un des meilleures ventes. L’album sera certifié en France triple disque de platine.
FÉVRIER 2019 : VICTOIRES DE LA MUSIQUE
Eddy a beau être le grand favori de la cérémonie avec trois nominations, il repart bredouille et se fait damer le pion par Bigflo et Oli, et Orelsan.
MARS 2021 : À TOUS LES BÂTARDS
Plus chanté et mélodieux que Cure, ce second album est toujours aussi vif et percutant en termes de textes.
OCTOBRE 2017 : KID
Ce tout premier EP est salué dans la presse, de la plus pointue à la plus populaire, des Inrocks à Elle, Le Monde et Paris Match.
NOVEMBRE 2018 : NRJ MUSIC AWARDS
En obtenant les trophées de révélation francophone de l’année et chanson francophone de l’année pour Kid, Eddy prouve qu’il plaît autant au grand public qu’aux critiques.
À voir également : Eddy de Pretto : Avant la musique, il a joué dans une pub célèbre !
Louise Monteil
Source: Lire L’Article Complet