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On a vu la série "Formula One" avec la pilote Inès Taittinger
Depuis le lancement de sa saison 3, le 19 mars sur Netflix, la série documentaire Formula One, véritable plongée dans le monde de la course automobile de haut niveau, passionne même les plus réfractaires aux grosses cylindrées. Pilotes starifiés, suspense, courses folles et millions de dollars : la pilote Inès Taittinger nous apporte son éclairage.
Avouez-le : si , il y a quelques jours, on vous avait dit que vous vous passionneriez pour la Formule 1 durant vos (longues) soirées confinées, vous ne l’auriez pas cru. Et pourtant : depuis le lancement de sa troisième saison le 19 mars sur Netflix, la série documentaire Formula One : Pilotes de leur destin scotche à leur écran celles et ceux qui la suivent depuis ses débuts, en 2019, et les autres, à qui il n’aura fallu que quelques jours pour rattraper les précédents épisodes. Les raisons d’une telle addiction : une narration façon Game Of Thrones, dans laquelle les «maisons» (Targaryen, ou Stark) seraient remplacées par les écuries (Mercedes, Renault, Ferrari), et les héros, comme Jon Snow, par Lewis Hamilton ou Fernando Alonso. Leurs dragons, par des moteurs de 1.000 chevaux.
Chaque année, de mars à décembre, ils ne sont que vingt, deux par écurie, à s’affronter pour le titre de champion du monde et à défendre les couleurs d’un constructeur (et de sponsors) qui misent sur eux des millions. Pression, vitesse, danger, victoires et coups bas : nous avons interrogé la pilote Inès Taittinger sur les dessous de la série. À 30 ans, la Française court au niveau européen et a participé aux 24 heures du Mans en 2016. Cette année, elle s’apprête à filer à près de 270kmh dans sa Porsche GT sur le circuit de l’Ultimate Cup, course d’endurance à laquelle elle participe au sein de l’équipe Martinet by Alméras. Elle nous apporte son éclairage sur la série, dont elle vient de dévorer la troisième saison.
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L’envers du décor
Madame Figaro. – Comment expliquez-vous le succès de Formula One auprès d’un public qui, jusqu’ici, ne s’intéressait pas aux sports automobiles ?
C’est une série qui a su s’adresser aux novices parce qu’elle explique parfaitement de quoi est faite la Formule 1 : elle donne beaucoup de détails très clairs sur les rythmes de travail, la préparation sportive, les relations avec les sponsors… C’est beaucoup plus intéressant que de regarder des voitures tourner en rond. Mais c’est également passionnant pour les pros, parce qu’elle montre l’envers du décor : les négociations de contrats, les discussions sur la stratégie, ou avec les ingénieurs… Tout ce qu’on ne voit pas à la télévision quand on regarde un Grand Prix.
Mais nous montre-t-on vraiment tout ?
Non, on ne voit rien de tout ce qui a trait à la construction des voitures : les usines, les souffleries, les essais des voitures sur piste, les recherches aérodynamiques… Des secrets industriels qui évoluent d’une saison à l’autre, et que les écuries ne peuvent pas dévoiler.
Ce qui frappe, c’est à quel point les pilotes et leurs directeurs d’écurie exposent leurs doutes, leurs frustrations et assument leurs échecs face à la caméra. Cela vous a-t-il surpris ?
Non, car leur état d’esprit évolue beaucoup pendant la saison de Formule 1 : il ne sera pas le même de la course numéro 1 à la course numéro 30, selon les victoires ou les défaites. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit certes d’un sport automobile, mais pratiqué par des êtres humains, dont l’humeur fluctue selon les résultats. Et surtout, d’un sport d’équipe : dans la série, l’accent est mis sur l’énorme pression que subissent les pilotes et les directeurs, parce que ce sont eux qui sont mis en avant dans la série. Mais tout le monde la subit, personne n’est à l’abri d’une erreur.
Les séquences de la course en caméras embarquées, qui nous placent littéralement dans le cockpit, transcrivent-elles bien les sensations que l’on peut ressentir sur la piste ?
Oui, même si l’on ne ressentira jamais la puissance des «G» (unité de mesure de l’accélération, NDLR) que ressentent les pilotes.
Il y aussi des images d’accident très impressionnantes. Est-il vrai, comme l’affirment les constructeurs dans la série, que l’on risque moins de mourir en Formule 1 qu’auparavant ?
Oui, car il y a eu de grosses évolutions dans la conception des voitures, plus solides, et des pistes, plus sûres. Mais en tant que pilote, on ne pense pas à l’accident, cela ne nous vient même pas à l’idée : on a conscience de prendre des risques, mais contrôlés. Dans la voiture, on ne réfléchit pas. Si l’on commence à se dire «je pourrais me tuer», ce n’est pas la peine de prendre le volant.
En vidéo, la bande-annonce de « Formula One », saison 3
Un milieu masculin
Formula One met également l’accent sur l’extrême jeunesse de la nouvelle génération de pilotes comme le Français Charles Leclerc, engagé chez Ferrari à 21 ans, ou le Britannique Lando Norris, qui fait ses débuts chez McLaren à 19 ans. Quelle était leur vie, avant d’en arriver là ?
Ce sont des sportifs de haut niveau : ils commencent leur formation très tôt, font du kart de manière intensive vers 8 ou 9 ans et suivent des cours par correspondance. S’ils arrivent aussi jeunes dans le championnat de Formule 1, c’est parce que les écuries mettent de plus en plus de moyens dans leur formation. Mais il faut beaucoup rouler pour en arriver là : même un enfant doué n’y arrivera pas sans énormément travailler. C’est un petit milieu : comme ces jeunes pilotes le disent dans la série, ils se retrouvent dans les mêmes équipes, les mêmes compétitions, et donc grandissent et évoluent ensemble. Difficile de dire s’ils continuent à se voir ensuite : certainement pas durant les weeks-ends de Grand Prix, où ils restent concentrés sur leur course. C’est un milieu professionnel dans lequel on se fait peu d’amis véritables, même si je crois que les français Charles Leclerc et Pierre Gasly sont assez proches.
La série manque cruellement de présence féminines… Pourquoi n’y-a-t-il pas de femmes en Formule 1 ?
Parce qu’elles ne sont pas encore au niveau : leurs performances, même dans les catégories inférieures, ne leur ont pas encore permis d’y accéder. Mais la Formule 1 ne leur est pas interdite. Maya Weug, qui vient de devenir la première à entrer, à 16 ans, dans la filière de formation de pilotes de l’écurie Ferrari, n’a pas été sélectionnée parce qu’elle est une femme, mais parce qu’elle a eu de bons résultats. Elle a été repérée dans le cadre d’un programme de détection à destination de nouveaux talents auprès de filles âgées de 12 à 16 ans, mené avec la Fédération internationale de l’automobile : cela prouve que cette dernière veut montrer que ce sport est accessible aux femmes. Comme il s’agit de voitures, la Formule 1 a une image très masculine, testostéronée… De la même manière que la danse classique est associée à un univers féminin. Mais il y a des femmes dans ce milieu : des pilotes d’essai, comme Tania Calderone chez Sauber (aujourd’hui Alfa Romeo Racing, NDLR). Ou Claire Williams, de l’écurie du même nom, qu’on voit peu dans la série, parce qu’il s’agit d’une petite équipe. Quand au machisme, il existe probablement mais je n’en ai personnellement jamais souffert. Dans ce milieu, on est pilote avant tout.
Des super-héros
Les pilotes sont présentés comme de véritables héros, qui font rêver les plus jeunes. Lequel vous a donné envie de pratiquer ce sport ?
Michael Schumacher ! Avec ses sept titres de champion du monde, c’était mon idole. Aujourd’hui, son record a été égalé par Lewis Hamilton, et même si l’on n’a pas envie de voir perdre ce dernier, on sent que le Hollandais Max Verstappen, qui est un excellent pilote, peut changer la donne : peut-être cette année. Pour ma part, j’admire beaucoup Charles Leclerc : son parcours est exemplaire, il a réussi tout ce qu’il a entrepris, toutes catégories.
Leurs personnalités sont très accentuées dans Formula One : Daniel Ricciardo est drôle et cool, Max Verstappen sans pitié, Magnussen un peu retors… À quel point est-ce fidèle à la réalité ?
C’est difficile à dire, je ne les connais pas personnellement. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une production calibrée pour la télévision : il est évident qu’il faut qu’il y ait du storytelling. Mais chacun a son caractère. Par exemple, je n’ai rencontré Ricciardo que deux heures, mais il était très sympa, c’est vrai, toujours de bonne humeur.
Ils manient l’art de la punchline, savent parler aux fans… Dans quelle mesure est-il indispensable d’être un «bon communiquant» pour arriver à ce niveau ? Cela fait-il partie des critères de sélection dans une écurie ?
Je ne sais pas si cela en fait partie, mais on a tous besoin de sponsors, et le charisme compte. La Formule 1 a été un sport très médiatisé dans les années 1980, avec Alain Prost, Ayrton Senna… On en parlait au journal de 20 heures. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Formula 1 peut contribuer à renouveler cela. Comme les pilotes commencent de plus en plus tôt, ils peuvent aussi apprendre à soigner leur communication très jeunes, et se faire également repérer pour cela. Mais ce qui compte, ce sont les performances, avant tout.
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