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Nora Hamzawi : "J'ai la chance d'avoir un amoureux très présent qui est un super père"
La Revue du Madame. – Dixième invitée de notre podcast «Revue», Nora Hamzawi est impatiente de retrouver la scène. En attendant, elle continue les sketchs sur France Inter et publie son deuxième livre.
Décapante et volubile, elle est celle qui excelle dans l’art de décrypter nos névroses sur scène, et à laquelle on s’identifie volontiers au gré de ses chroniques, mordantes, distillées sur les plateaux de France Inter ou de «Quotidien». À 37 ans, Nora Hamzawi nous a habitué à s’auto-psychanalyser sur l’autel de sa génération, née dans les années 1980. Cinq ans après 30 ans (10 ans de thérapie), dédié à son bordel intérieur, elle a publié 35 ans, dont 15 avant Internet (éd. Mazarine). Un ouvrage dans lequel elle se souvient de la vie avant les portables, avant Instagram, avant les bouées licorne et l’invasion des Spritz.
Madame Figaro. – On s’est amusés à revenir sur les premiers pas sur le tapis rouge des César. Sophie Marceau, Guillaume Canet, Charlotte Gainsbourg… Vous vous souvenez de votre premier tapis rouge ?
Nora Hamzawi. – Je pense qu’officiellement ça devait être à Venise pour le film d’Olivier Assayas, Double vie. Et c’était dingue, quoi, ça n’avait aucun sens. C’était assez merveilleux, déjà parce que c’était la première fois que j’allais à Venise, et qu’il y avait quelque chose de ludique et magique en plus du trac. Je portais une robe extrêmement décolletée et j’avais mis des petits scotch pour que ça tienne et donc j’avais vraiment ce stress de me dire «il faut pas que je me retrouve nue en fait pour mon premier tapis rouge».
La cheffe Anne-Sophie Pic nous disait que pour se détendre, elle fait une «cérémonie du thé». Qu’est-ce qui vous apaise, vous donne de l’énergie ?
Cuisiner m’apaise beaucoup. C’est marrant parce que le rapport à ces questions-là a changé avec tout ce qu’on vit. Avant, j’aurais dit être à la maison, en famille, cuisiner… Sauf que ça fait un an que je fais ça… Donc ça commence à me tendre et ça ne m’apaise plus. Mais en règle générale, je dirais quand même écouter de la musique, la radio, tout ce qui m’empêche d’être face à une image m’apaise pas mal. Même si évidemment j’aime beaucoup le cinéma et que j’ai regardé beaucoup de films pendant cette période. Et cuisiner quand même. Je cuisine beaucoup végétarien, je mange vraiment de moins en moins de viande, ça me dégoûte d’en cuisiner chez moi, les odeurs me dégoûtent notamment. Là, ma grande recette c’est un curry de lentilles aux épinards. Un chili sin carne, aussi. Je cuisine plutôt bien.
« Le truc qui change vraiment, c’est le rapport au temps »
La professeure de pédopsychiatrie Marie Rose Moro nous a alertées sur la vulnérabilité des adolescents après un an d’une pandémie. Elle était comment, votre vie, quand vous aviez 15 ans ?
Beaucoup plus dans l’insouciance que les adolescents d’aujourd’hui, parce qu’on était beaucoup moins informés et stimulés et connectés. Le truc qui change vraiment, c’est le rapport au temps, à la temporalité, à l’attente, au temps long, et même à l’amour. Quand on tombait amoureux en croisant un regard, ça nous faisait battre le cœur et on avait potentiellement des nouvelles que le lendemain ou deux jours après si c’était le week-end. On avait tout un temps long pour l’imaginaire et pour se projeter des choses. J’étais beaucoup dans cet imaginaire, j’étais sans doute moins militante et moins consciente que les ados d’aujourd’hui. En réalité, moi, depuis que j’ai 4 ans et demi, je rêve d’indépendance et d’autonomie. À 15 ans, je pense que j’étais au max étant donnée la crise d’adolescence. J’avais très envie d’être libre, de partir de chez moi. Je mettais un peu de sous de côté en me disant que je m’achèterai ca ou ça, j’imaginais mon futur appart’, là où je pourrai mettre des vases, des fleurs… J’avais très envie d’être adulte en fait.
Fatigue, stress, insomnie, perte de contrôle… On a beaucoup écrit sur les incroyables pouvoir de la respiration sur l’endormissement et le sommeil. Vous dormez bien, vous ?
En règle générale, je suis quelqu’un qui dort hyper bien et qui peut s’endormir n’importe où. Vous savez, cette personne agacante qui dort en deux secondes. J’ai aucun problème et je peux dormir plusieurs fois par jour. Mais dernièrement j’ai eu une phase de trois semaines où je dormais très mal et où j’avais l’impression d’être toujours en train de penser, d’être dans un sommeil superficiel et de réfléchir en boucle. J’ai vu sur les alertes que je reçois sur mon téléphone que c’était une tendance liée au Covid, ça m’a rassurée. Je prends des petits produits naturels du coup, et je crois que ça marche. Je crois que depuis je suis privée de mon boulot principal, à savoir la scène, le temps est devenu tout le temps le même, et l’heure du coucher ça veut plus dire grand chose. On sait pas de quoi on se repose, et on n’arrive pas non plus à se projeter.
Tilda Swinton nous confiait récemment : «Chez Almodovar, je me sens chez moi». Tout simplement. Où sentez-vous chez vous, par-dessus tout ?
Chez moi (Rires). Non mais vraiment, je me sens chez moi chez moi. J’adorerais dire chez Assayas, ce serait hyper chic. Et ceci dit, je me suis sentie beaucoup plus chez moi que ce que j’aurais pensé avant le tournage. Mais en réalité, je me sens chez moi peut-être sur une scène. Si se sentir chez soi c’est se sentir légitime, alors oui, la scène. Je sens que l’endroit m’appartient et quand je «reçois» le public, j’ai l’impression de les inviter à découvrir une partie de mon chez-moi. Et un autre endroit qui n’a rien à voir, un endroit dans lequel j’ai régulièrement besoin d’aller et qui me fait du bien : c’est la maison de ma meilleure amie, enfin, de ses parents, près de Figeac, dans le Lot. Il y a quelque chose de familier sans doute lié à l’enfance et aux souvenirs. Chez moi, on n’avait pas de lieu de vacances où on allait chaque année en famille, cet endroit a toujours remplacé un peu ça.
« Je me sens prête à faire attention »
Pamela Anderson se dit prêt à avoir un enfant à 54 ans. Qu’est-ce que vous vous sentez enfin prête à faire à 37 ans ?
J’ai l’impression d’avoir toujours été prête à tout. En tout cas, j’ai pas l’impression, avec les années, d’avoir plus de désirs ou d’être plus prête pour quelque chose qu’avant. Très jeune, je voulais vivre la grande aventure et faire plein de choses. À 37 ans, disons que je me sens prête à reprendre le spectacle s’ils veulent bien qu’on rouvre. Je me sens prête à reprendre la vie normale. Mais j’ai pas de gros défis pour l’âge adulte. On ne change pas vraiment à l’intérieur. On est tout le temps la même personne mais c’est le monde autour qui évolue, on constate qu’on vieillit parce qu’on voit que le monde change autour de nous, mais à l’intérieur on est les mêmes. Les trucs qui changent avec l’âge, c’est juste les contraintes. C’est que je ne me peux plus manger tout ce que je veux, je ne peux plus boire comme je veux. Disons que je me sens prête à faire attention.
Dans une interview, Charlotte Gainsbourg évoquait sa détresse après la mort de son père. «C’est Yvan qui m’a ramassée» sont ses propres mots. Y a-t-il un moment dans votre vie où vous n’auriez pas pu vous relever seule ?
J’ai été plutôt chanceuse dans les petites comme dans les grands épreuves. J’ai toujours été hyper entourée. J’ai aussi fait une thérapie très jeune. J’ai eu mon docteur Dayan à moi de mes 15 ans à mes 30 ans. J’ai fait 15 ans de thérapie. Mais je n’aurais sans doute pas pu monter sur scène sans mes amis, aussi pour des raisons techniques qui sont que c’était mon seul public au début.
Dans une enquête Société, on a décrypté le quotidien des couples trentenaires, ces couples qui se sont construits sur l’idée de l’égalité hommes-femmes en théorie, mais qui en pratique n’échappent pas aux inégalités et à cette fameuse charge mentale. Votre charge mentale à vous, elle se situe où ?
J’ai fait tout un sketch sur France Inter sur la charge mentale, c’est un sujet qui me passionne. D’ailleurs quand je l’ai fait, j’ai eu beaucoup de réactions, de mecs évidemment qui disaient «son pauvre mec, qu’est-ce qu’il doit se prendre…». Mais déjà, dans le processus créatif, le but n’est pas d’écrire sa vie mais d’inventer et de transformer des choses donc je ne raconte pas mon quotidien mot pour mot, et surtout j’ai eu la bonne idée de sortir avec quelqu’un qui est intelligent et qui a de l’humour, et de l’auto-dérision. Ce sketch-là est d’ailleurs le sketch préféré de mon amoureux. J’ai la chance d’avoir un amoureux qui est très présent et qui est un super père, et on ne fonctionne pas en mode répartition des tâches. On mise plus sur l’anticipation, le fait de penser aux choses plus vite que l’autre. Souvent, la réponse d’un conjoint à une plainte qu’on vient d’exprimer, c’est «mais fallait me dire si t’avais besoin !». Ce qui serait idéal, en fait, ce serait de ne pas avoir besoin de le dire. C’est quelque chose qui est assez lié à l’autonomie, en fait.
« Je fais la voix des verres, des couverts, je fais la voix du chat »
En marge de la journée de la femme, on s’est attachées à mettre en lumière ces femmes pionnières et premières, la vice-présidente Kamala Harris, la pilote de F1 Maya Weug, la navigatrice Clarisse Crémer, qui ont ouvert la voie aux autres. Quelle femme, quelle icône, vous a particulièrement inspiré ?
Dans mon livre, je parle d’Angela Bower (l’héroïne de Madame est servie, NDLR). J’avais vraiment une fascination pour cette femme qui travaille, je trouvais qu’elle était hyper chic, avec des beaux trenchs. Elle vivait dans une maison, elle était indépendante, elle était mère célibataire tout en ayant une vie joyeuse et pas chaotique. Elle cassait complètement les codes sociaux en se retrouvant à avoir une romance avec son homme à tout faire. Et en moi je me disais, si je suis indépendante, je peux faire les choix que je veux et tomber amoureuse de qui je veux. Il y avait quelque chose d’assez moderne dans cette série, qui passait aussi par le personnage de Mona, la grand-mère hyper-sexualisée alors qu’encore aujourd’hui, la sexualité des grands-mères on en parle rarement.
Après avoir converti des millions d’adultes au rangement, Marie Kondo s’adresse maintenant aux enfants. «Range ta chambre et remplis-toi de joie», leur dit-elle. Qu’est-ce que vous dites, vous, à votre fils pour l’éduquer au bonheur ?
Si je lui disais «range et remplis-toi de joie», il me croirait pas déjà. Il voit bien que je me plains à chaque fois que je vide le lave-vaisselle, que je passe la serpillière. On joue beaucoup, nous. Il y a un truc d’imaginaire très fort. Je me suis vraiment fait prendre à mon propre piège, c’est-à-dire que je fais vraiment beaucoup de voix. Je fais la voix des verres, des couverts, je fais la voix du chat… Je me suis retrouvée dans un épisode très embarrassant chez le vétérinaire, quand mon fils a demandé à mon chat comment s’était passée l’anesthésie et que j’ai répondu «oui ça va, tu m’as manqué» avec la voix du chat. Avec lui, je développe beaucoup le «pour de faux», j’aime bien l’idée de croire au père Noël même si on se doute que c’est pas forcément vrai. Dans le livre, je parle de ces parents d’élèves qui disent que ça les ennuie de mentir à leurs enfants, mais moi je ne pense pas que ce soit ça un mensonge. Ca, c’est «pour de faux», c’est comme un jeu. Moi, j’ai jamais cru au père Noël par exemple, ma mère nous disait «faites-moi votre liste, je vais chez Euromarché». Mais mon frère me faisait croire à des histoires étranges de lutins que je nourrissais aux pépins de pommes ; et je croyais aussi en Alf, et évidemment que je n’y croyais pas complètement, c’est aussi ça l’enfance. Et puis, étant assez épicurienne – même si je déteste ce mot -, j’ai un goût prononcé pour les ambiances, j’aime bien le sensibiliser au beau, à ce qui est bien décoré, aux lumières tamisées, à une jolie table, un espèce d’art de vivre.
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