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Nicolas Maury : "Arrivé à 40 ans, je ne veux plus vivre les choses du cœur tragiquement"
Podcast. – Huitième invité de notre podcast « Revue », Nicolas Maury a sorti en octobre Garçon Chiffon, nommé au César du meilleur premier film. Il nous a parlé du pouvoir de l’imaginaire, de sa tenue d’intérieur, de l’amour et de sa mère. À savourer sans modération.
Il nous a fait mourir de rire en assistant infernal et touchant dans la série Dix Pour Cent. Ému au cinéma dans Un Couteau dans le cœur, de Yan Gonzales, aux côtés de Vanessa Paradis. Touché dans Perdrix, de Erwan Le Duc. Et même fasciné en homme-oiseau dans un clip de Calypso Valois. Acteur devenu principal, Nicolas Maury est, depuis, passé derrière la caméra. À 40 ans, il réalise et joue dans son premier film, Garçon Chiffon, avec Nathalie Baye ; l’histoire d’un prétendu acteur en crise, bouffé par son narcissisme et sa jalousie. Sorti fin octobre, juste avant un second confinement, le film a tout juste eu le temps de faire un bout de chemin. Il a cependant fait partie de la prestigieuse sélection officielle du Festival de Cannes 2020. Nicolas Maury, lui, est un garçon dont on sait qu’il ira loin. Dans le huitième épisode de notre podcast «Revue», il se confie sur le pouvoir de l’imaginaire, sa tenue d’intérieur, ses amours et sa mère. Morceaux choisis de notre entretien.
Madame Figaro. –Le philosophe Frédéric Worms nous éclaire en nous disant qu’ «avoir besoin de se voir et de se parler est aussi vital qu’un médicament». Si on s’éloigne de l’ère Covid, qu’est ce qui est vital pour vous ?
Nicolas Maury. -Le besoin d’imaginaire, de fiction. Il est vital que l’être humain se regarde lui-même au travers de fictions. C’est un miroir de nos sociétés. Sinon, on a des vies «métro, boulot, dodo», collées à notre réalité. Alors que le temps fictionnel, qu’il soit cinématographique, romanesque, musical, opératique ou pictural, contredit, épouse et réinvente le temps. C’est vital pour moi, parce que je pense que les fictions sont ce qu’a inventé l’homme de plus réparateur : ça répare des deuils, ça répare des traumas, cela fait qu’on se sent moins seuls. Ça console, ça peut aussi nous réinventer.
Dans notre enquête «Mère et mentor», on a parlé de femmes au parcours exemplaire et écouté leurs enfants, devenus adultes, saluer le rôle moteur qu’elles ont joué dans leur accomplissement. Lequel a joué la vôtre ?
Une basse continue. Je m’en suis rendu compte récemment : c’est magnifique de se dire qu’il y a un être qui est là, tout le temps, même quand il n’est pas là physiquement. C’est comme un secret que possèdent les mères, une grâce aussi. Certaines ne l’ont pas, mais en tout cas, ce lien si puissant, ça a été cela, ma mère. C’est un exemple de douceur, de discrétion, une combattante qui ne s’affiche pas comme telle. Elle a pris des chemins sûrement très ombrageux, sans que je le sache. Elle a toujours eu cette grâce de pas avoir mis en scène à quel point ça avait été compliqué, après le divorce de mes parents, de nous assumer, ma sœur et moi. Ce sont des combats qu’on pourrait dire ordinaires, mais qui sont très modélisants : voir comment une mère passe ses 40 ans, refait sa vie, se reconstruit. J’ai récemment lu un texte magnifique de Déborah Lévy, Le coût de la vie, qui retrace cela, ce que ça veut dire, de retrouver une vie quand un mariage s’effondre. Cela peut paraître commun, dans la mesure où ça appartient à plein de de femmes et d’hommes. Mais c’est aussi très particulier dans une vie. Une force discrète, pas d’apitoiement : c’est ce que représente ma mère.
Kate Moss nous a confiés très simplement que son meilleur souvenir d’était d’avoir rencontré la reine d’Angleterre. Et vous, quelle est la rencontre qui vous a le plus impressionné?
Vanessa Paradis, parce que c’était un conte de fée pour moi. Je l’ai rencontrée pour le film Un couteau dans le cœur, dans un restaurant, un midi, avec le réalisateur. Et je l’ai prise dans mes bras : c’était très fort. Elle voyait qui j’étais parce qu’elle m’avait vu dans un autre film, je n’étais donc pas uniquement le «fan» d’elle. Mais ça a été très fort de se rendre compte que j’ai quand même voulu maintenir une image d’enfant avec elle, comme si ça m’était obligatoire. Quand je suis avec elle, je suis presque dans un «faux temps» : il y a le réel, c’est une femme réelle, magnifique. Mais il y a aussi ma fiction à moi, l’image qu’elle a provoqué et que, j’avoue, je garde encore. Ça, c’était incroyable. J’ai pu rencontrer des gens que j’admire, mais là, c’était très différent : c’est vraiment quelqu’un qui était dans ma chambre d’enfant. La voir ainsi, ça a été très important dans ma vie.
En 2020, toutes les marques ont réfléchi à des collections de vêtements plus ou moins luxe pour rester chez soi. Si l’on toque chez vous, un samedi à 10h, vous nous ouvrez dans quelle tenue?
Avec un gros pull puisqu’en ce moment, j’ai un radiateur un peu pété (rires). Et un pantalon d’intérieur en soie, parce que ça tient très chaud et que c’est une matière magnifique. Donc oui, comme ça : assez chic, mais dépeigné.
Dans notre rubrique psycho, on s’est aussi demandé si on n’était pas trop exigeant en amour. Quel genre d’amoureux êtes-vous? Etes-vous le jaloux de Garçon Chiffon ou pas du tout?
Je l’ai été. Dans mon film, j’essaie de définir la jalousie quand elle n’est pas maladive, pathologique. Mais je suis un amoureux inquiet, intranquille. Parce que je crois que j’ouvre tout. J’ai toujours le sentiment d’être un peu à terre et sans défense. C’est peut-être une illusion, un rôle que je me donne. Mais cet été, je me suis réveillé un jour et une phrase m’est apparue : je ne veux plus vivre les choses du cœur tragiquement. Je crois que j’ai donné. Je suis arrivé à 40 ans, j’ai beaucoup aimé la tragédie, le tragique. Je crois que j’ai trop épuisé mon cœur dans cela et je pense que cela ne m’a pas forcément rendu heureux. Comme on dit, genre la peur n’évite pas le danger : moi j’étais un grand peureux, mais je crois que ce n’est pas bien de l’être en amour. Je pense qu’il faut laisser aller, c’est comme un état de de grâce qu’il faudrait trouver dans tout. Il ne faut pas se dire qu’on va être potentiellement trahi. Et moi j’ai toujours peur de l’être.
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