"Ne vous épanchez pas, je suis trop chère" : Laura Wasser, la reine du divorce à Hollywood

Kim Kardashian contre Kanye West, c’est son affaire. Au tableau de chasse de cette redoutable avocate en droit de la famille, on trouve aussi Brad Pitt et Angelina Jolie, Britney Spears, Johnny Depp… Plongée dans les coulisses du secret-défense californien.

Depuis le 8e étage des Century Plaza Towers, à Los Angeles, son cabinet donne directement sur les collines de Hollywood. C’est ici qu’elle reçoit ses clients, sur les deux sièges en cuir vert vif qui font face à son bureau, près d’une boîte de mouchoirs ; ou sur le grand canapé crème au-dessus duquel on peut lire en grosses lettres : The End. Les deux mots ne sont pas dénués d’humour quand on sait que Laura Wasser est la plus célèbre avocate en droit du divorce de la côte Ouest. «The Disso Queen» (la reine de la rupture, en VF), comme l’a surnommée le site people américain TMZ. Un accessit de plus pour cette petite brune d’1,62 m au sourire ultrablanc (nous sommes en Californie) qui, en vingt-cinq ans de carrière, a entre autres défendu les intérêts de Britney Spears, Johnny Depp, Heidi Klum, Jennifer Garner, Ashton Kutcher, Melanie Griffith, Ryan Reynolds, Christina Aguilera, Maria Shriver, Gwen Stefani…

Des ruptures médiatiques

Angelina Jolie et Brad Pitt se livrent une bataille judiciaire depuis 2016. (Londres, le 13 juin 2014.)

En 2011, elle a obtenu 425 millions de dollars pour Robyn Moore lorsque celle-ci s’est séparée de Mel Gibson, père de ses sept enfants, scellant le divorce le plus coûteux de Hollywood. En 2017, c’est elle qui a négocié les termes de la rupture entre Jennifer Garner et un Ben Affleck en proie à son addiction à l’alcool. Plus récemment, elle a défendu Angelina Jolie dans sa bataille juridique pour obtenir la garde exclusive des six enfants qu’elle partage avec Brad Pitt, avant de jeter l’éponge, les parties devenant trop agressives. Mais, surtout, elle est l’audacieuse qui a accepté l’épineuse mission : encadrer la procédure de divorce de Kim Kardashian et Kanye West, la diva de la téléréalité et le rappeur mégalomane, tous deux milliardaires. En jeu, quatre enfants et les millions de dollars accumulés depuis 2014 par le couple le plus scruté de l’entertainment 2.0.

950 dollars l’heure

Si tout se passe comme prévu, la procédure se fera à l’amiable et sans esclandre. Laura Wasser, 52 ans, a l’habitude de ne jamais commenter une affaire en cours. Nous ne saurons même pas à quoi ça ressemble de travailler avec l’incroyable famille Kardashian (dont elle a déjà défendu les trois sœurs dans de précédents divorces). L’efficacité et la discrétion, c’est pour cela que les fortunes de Hollywood viennent jusqu’à elle. Et la payent si bien : 950 dollars de l’heure très exactement. Plus les 25.000 d’avance sur honoraires. «Ne vous épanchez pas, je suis trop chère», a l’habitude de dire la Californienne pure souche, perchée sur de vertigineux stilettos Louboutin. Charmante façon de dire qu’elle est avocate, pas psy.

Tel père, telle fille

Laura Wasser a officié durant la procédure de divorce de Ben Affleck et Jennifer Garner. (Hollywood, le 24 février 2013.)

Ses parents l’ont baptisée Laura Allison Wasser rien que pour ces initiales : LAW (loi, en français). «Pourtant, je ne pensais pas devenir avocate avant de découvrir les cours d’éloquence à l’université», nous raconte cette diplômée de la prestigieuse faculté de Berkeley, puis de la Loyola Law School, où sont aussi passées les stars du barreau Gloria Allred et Robert Shapiro (respectivement avocate de l’accusation et avocat de la défense dans le procès O.J. Simpson). LAW : le clin d’œil vient de son père, Dennis Wasser, lui aussi célèbre avocat des stars divorcées en son temps, le XXe siècle, de Steven Spielberg à Clint Eastwood, en passant par Tom Cruise (avec Nicole Kidman). En 1976, il a fondé Wasser, Cooperman & Mandles, le cabinet dont sa fille est aujourd’hui l’étoile, bien qu’il y exerce toujours.

Le premier dossier que Laura Wasser a eu à défendre, c’est son propre divorce, à seulement 26 ans. «Je me suis mariée en deuxième année de fac de droit. Une fois diplômée, j’ai vite compris que nous ne finirions pas notre vie ensemble.» En stage dans le cabinet familial, elle s’est naturellement spécialisée dans la rupture. «Honnêtement, c’est passionnant. Il n’y a pas un domaine du droit où l’on entre si intimement dans la vie des gens. J’en apprends tous les jours davantage sur la nature humaine.» Depuis son divorce, elle n’a jamais redit «oui» à un homme.

Des clients capricieux

À ses deux fils, âgés aujourd’hui de 11 et de 15 ans, elle prend soin d’enseigner qu’il n’est pas capital d’avoir la bague au doigt pour être solidement engagé dans une relation amoureuse. Le conseil maternel vaut d’autant plus que l’on est en Californie, un état qui obéit avant tout au régime de la communauté des biens, et qui impose donc un partage parfaitement égal des gains du couple. Autrement dit, le jour où vous divorcez à Los Angeles, chaque dollar gagné après votre mariage devient copropriété de votre conjoint. D’où les procédures parfois interminables chez les puissants de Hollywood et les additions salées qui en découlent. Humainement, pourtant, les désunions des personnalités ne sont pas si différentes à gérer que les autres.

«Le divorce est un formidable « égaliseur », résume Laura Wasser. Mes clients éprouvent tous la même souffrance, tous la même incertitude.» À une différence près cependant : «Les plus riches et célèbres sont sans doute moins habitués à entendre le mot « non ». Il n’est alors pas inutile de leur rappeler que ce mot existe, et que leurs attentes sont tout sauf réalistes.» N’empêche. Laura Wasser s’est déjà retrouvée à mettre en place la garde partagée d’une œuvre d’art (son client l’a une année sur deux). Elle a aussi déjà expliqué à un basketteur qu’il n’était pas légal d’imposer un délai de perte de poids à sa femme après une grossesse. Aux rancuniers qui n’ont qu’un seul objectif, ruiner leur conjoint ou simplement faire du mal, elle fait gentiment comprendre qu’ils n’ont pas frappé à la bonne porte.

De bons conseils en ligne

Derrière ses robes-tailleurs Oscar de la Renta et son attaché-case Prada, cette surfeuse à ses heures rêve de transformer nos manières d’aborder la rupture du mariage. «C’est réellement mon but dans la vie : l’évolution du divorce», affirme-t-elle. En 2013, elle a publié It Doesn’t Have to Be That Way : How to Divorce Without Destroying Your Family or Bankrupting Yourself, un recueil de conseils pour réussir son divorce sans détruire sa famille et finir sur la paille. Il y a deux ans, elle a lancé It’s Over Easy (c’est trop facile), une plateforme en ligne dont l’objectif est de faciliter l’accès au divorce dans un pays où celui-ci coûte en moyenne 15.000 dollars, soit cinq fois plus qu’en France. «Pas d’avocat. Pas de rendez-vous au tribunal. Pas d’ennuis», lit-on sur la homepage du site, sorte d’anti-Kramer contre Kramer à l’ère d’Internet… qui risquerait de nuire à son propre cabinet ? Laura Wasser ne paraît pas s’en soucier. Une chose qu’elle exècre qu’on dise sur les avocats en droit de la famille, c’est qu’ils sont «là uniquement pour l’argent». «Nous ne causons pas les divorces, nous essayons au contraire de les résoudre !»

Un style cinématographique

Telle Amal Clooney, infatigable défenseuse des droits de l’homme, Laura Wasser est devenue une icône en son domaine. Au point d’intéresser les studios de cinéma. Elle a été consultante sur les tournages de Menteur, menteur (1997), dans lequel Jim Carrey joue un avocat sans scrupules, et de la série Girlfriends’ Guide to Divorce, qui suit la rupture mouvementée d’une mère de famille quadra. En 2019, Noah Baumbach, le réalisateur de Marriage Story, qui l’a rencontrée à plusieurs reprises lors de son propre divorce (elle défendait les intérêts de son épouse, l’actrice Jennifer Jason Leigh), s’est librement inspiré d’elle pour façonner le personnage joué par Laura Dern, avocate au sourire carnassier et aux tailleurs hors de prix. Et tant pis s’il s’agit d’une vision caricaturale d’impitoyable et sexy femme de droit…

En vidéo, les divorces ruineux des « rich and famous »

Dîner avec Kamala Harris

Avocate débordée, consultante très prisée, mère de deux ados en pleine poussée… Pour venir à bout de ses journées, Laura Wasser se lève à 5h30 chaque matin avec une seule idée en tête : «Café !» Alors que West Hollywood dort encore, elle est déjà dans la rue pour un jogging matinal avec ses deux chiens, un labrador et un pitbull. Un moment rien que pour elle avant d’avaler ses vitamines B12, C et E, et d’être absorbée par l’ouragan du quotidien. Le soir, elle sort dîner avec des amis, qui ne sont pas ses clients, aime-t-elle préciser. Kamala Harris compte parmi ses vieilles connaissances, soit dit en passant.
Et comble d’une spécialiste du divorce, Laura Wasser adore se rendre à des mariages. Peut-elle prédire les unions qui vont durer et les autres ? «Pas vraiment. On ne sait jamais ce qui se passe derrière les portes closes.»

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