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Monica Bellucci : “Quand j’ai débuté, je n’aurais jamais imaginé être encore sur les plateaux à 50 ans"
Une sorcière dans un film pour enfants, Anita Ekberg, La Callas, une série… Pas de temps mort pour l’ardente “Bellucci” qui enchaîne les tournages. Confidences de l’actrice italienne la plus indispensable du cinéma français.
Monica Bellucci est pressée. Elle est de passage à Paris, chez elle, mais prend bientôt l’avion pour l’Italie. Elle part «faire la sorcière», confie-t-elle mystérieusement. «Je dois préparer ma valise», ajoute-t-elle avec ce petit accent latin tonique et chantant qui donne un charme inouï à la moindre de ses réponses. Crise sanitaire oblige, l’interview de l’une des plus belles femmes du monde a lieu par téléphone. Un peu frustrant, forcément, de ne pas avoir la possibilité de contempler son visage de madone éclairée, ses yeux profondément noirs et cette bouche en cœur naturellement si bien dessinée.
Tant pis, on écoutera sa voix cadencée, tour à tour enfiévrée et veloutée, et on retiendra surtout l’extrême gentillesse de celle qui, malgré le timing serré, prend toujours le temps de parler avec patience, courtoisie et égards. Monica Bellucci part faire la sorcière ? «Une sorcière bienveillante qui sauve des enfants», précise-t-elle. C’est pour le film La Befana vien di notte, de la cinéaste Paola Randi. «Je n’avais pas tourné en Italie depuis 2014, et cela me fait vraiment plaisir d’y retourner. C’est mon premier film pour enfants, je m’amuse beaucoup.»
En vidéo, retour sur la filmographie de Monica Bellucci
Sans répit
L’actrice italienne, qui vit en France, a enchaîné les tournages. Pour elle, pas d’immobilité forcée, même si elle est partie l’an dernier se confiner quelque temps sur la côte basque avec ses deux filles – Deva, 16 ans, et Léonie, 11 ans. Rentrée depuis à Paris, elle détaille un agenda 2020 qui n’a rien d’une sinécure. Premier tournage avecThe Girl in the Fountain, d’Antongiulio Panizzi, où elle interprète la cultissime Suédoise Anita Ekberg (La Dolce Vita), qui fait partie des actrices de l’âge d’or d’un cinéma italien qui a bercé son enfance : Silvana Mangano, Gina Lollobrigida, Sophia Loren, Monica Vitti et Anna Magnani, «des noms que la jeune génération ne connaît pas mais qui m’ont tellement inspirée», souligne-t-elle.
Ensuite, elle a rejoint le plateau des Fantasmes, des frères Foenkinos, où elle forme un couple avec Carole Bouquet, puis a tourné la série L’Amour flou, une création de Canal+ tirée du film de Romane Bohringer. «C’était tellement émouvant de retrouver Romane. C’est avec elle que j’ai tourné il y a vingt-six ans mon premier film français : L’Appartement.» Autre actualité trépidante : L’homme qui a vendu sa peau, le long-métrage qu’elle a tourné avec la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania, nominé pour les Oscars 2021 comme meilleur film étranger.
Sur les planches
Dès que les théâtres rouvriront, la Bellucci reprendra aussi sa pièce La Callas, mise en scène par Tom Volf, où elle lit, seule en scène, les lettres intimes de la diva grecque. Elle l’a jouée successivement à Paris au Théâtre des Bouffes Parisiens, puis au Studio Marigny. Une première pour cette actrice qui n’était jamais montée sur les planches. Pourquoi ? «En lisant ses Mémoires, j’ai été littéralement envoûtée. Cette dualité entre l’immense artiste et la femme forte qu’elle était, et sa sensibilité à fleur de peau d’amoureuse impuissante, m’ont bouleversée. C’est une femme qui a eu le cœur brisé par Onassis, et en est probablement morte. Sa plus grande souffrance, disait-elle aussi, était de ne pas avoir eu d’enfants…»
Un sujet qui lui parle, elle qui affirme volontiers que ses deux filles sont la chance de sa vie, sa priorité absolue, et que ses maternités successives – à 39 puis 45 ans – lui ont fait découvrir une autre part d’elle-même. «Mais attention, précise-t-elle, ce n’est pas pareil pour toutes les femmes. J’ai plein d’amies qui n’ont pas d’enfants et qui expriment leur féminité tout aussi puissamment.»
53e édition du Festival de Cannes : présentation du film Suspicion par Stephen Hopkins. (Cannes, le 11 mai 2000.)
Conférence de presse lors du 53e Festival de Cannes. (Cannes, le 15 mai 2000.)
Photocall pour le film Irréversible réalisé par Gaspar Noé pour le 55e Festival de Cannes. (Cannes, le 24 mai 2002.)
Monica Bellucci lors de la projection du film Irréversible réalisé par Gaspar Noé pour le 55e Festival de Cannes. (Cannes, le 24 mai 2002.)
Le glamour à l’italienne, le chic à la française
«La Bellissima», comme on l’appelle, a 56 ans. Gloria Swanson avait seulement 50 ans quand elle a fait son come-back dans Boulevard du crépuscule, de Billy Wilder. L’Américaine y jouait une vieille gloire du cinéma muet tombée dans l’oubli. Une autre époque. La Bellucci, elle, a passé le cap de la cinquantaine en incarnant, entre autres, une James Bond Girl (la veuve sexy et tragique de Spectre) et en posant, magnifiquement sensuelle, en couverture de Lui. Le glamour à l’italienne, le chic à la française : elle est d’ailleurs l’ambassadrice de la maison Cartier depuis de nombreuses années. Quand on lui fait remarquer sa longévité dans le cinéma, milieu pas toujours tendre avec les plus de 30 ans, elle répond simplement : «Quand j’ai débuté, à 25 ans, je n’aurais jamais imaginé être encore sur les plateaux de cinéma à 50 ans. Mais les femmes de ma génération ont eu accès à une vie sociale et à des opportunités dont nos mères et grands-mères ont été privées. Je crois qu’on doit vraiment remercier toutes celles qui se sont battues pour nous, avant nous, afin que nous puissions voter, avoir des droits, travailler, libérer notre parole… Et puis aujourd’hui, on vit tellement plus longtemps…»
La vamp attendrissante peut témoigner d’un temps passé, elle qui a déjà eu plusieurs vies derrière elle. La première, c’est celle d’une fillette italienne, née à Città di Castello, en Ombrie. Son père dirige une entreprise de transport, sa mère s’occupe de la maison. «J’étais fille unique, mais entourée d’une grande famille de cousins. Mon enfance est celle d’une gamine de province, simple, rassurante et tranquille. Au bout d’un moment, on se sent à l’étroit et on a envie d’aller voir ce qui se passe ailleurs.» Acte II : un ami de son père, qui dirige une agence de mode, lui propose un shooting. Monica, 16 ans, démarre en trombe une carrière de mannequin tout en continuant ses études : elle s’inscrit même à l’université de droit de Pérouse. «Et puis j’ai commencé à travailler de plus en plus, alors bye-bye l’université…» La suite ? On la connaît. Top-modèle, elle devient l’égérie de Dolce & Gabbana, Dior, Revlon… et surtout un emblème universel de beauté. On la remarque dans une courte scène du Dracula de Coppola.
« Une vraie punk »
Acte III : le cinéma. Elle a 25 ans, a déjà voyagé dans le monde entier et ne dépend de personne. «Faire du cinéma, c’était mon rêve de petite fille. Avoir eu une première expérience de vie trépidante m’a beaucoup aidée à franchir le pas. J’imagine que cela aurait été plus compliqué si j’avais démarré à 18 ans en arrivant tout droit de Città di Castello…» Elle prend alors des cours de théâtre à Rome, puis avec une coach à Paris où elle enchaîne les castings, est finalement retenue pour L’Appartement, de Gilles Mimouni. Ce film de 1996 lancera sa carrière et marquera le début de sa grande histoire d’amour avec Vincent Cassel, son partenaire et futur père de ses deux filles.
Ils tourneront cinq films ensemble, dont Irréversible, de Gaspar Noé. La déflagration de l’année 2002, œuvre scandale du Festival de Cannes. Monica Bellucci y incarne Alex, une beauté voluptueuse, violée et défigurée par une brute dans un tunnel lors d’une scène anthologique de neuf minutes. Sans aucun doute le rôle le plus choc de sa longue filmographie. Elle y joue avec un naturel impressionnant cette héroïne fracassée. «Aucune autre actrice n’aurait pu l’interpréter», nous confie Gaspar Noé, dont le film est ressorti cet été dans une version montée à l’envers. «Qu’est-ce qu’ils étaient beaux Vincent et elle ! Je les revois se câlinant entre les prises, c’était vraiment un couple aimant, et cette tendresse se voit à l’écran, souligne le cinéaste. Monica est l’actrice la plus audacieuse que je connaisse. Elle a foncé dans ce rôle sans se poser de question. Je me souviens de son aisance face à la caméra… Je ne connais personne de son envergure qui aurait pu porter le film aussi loin. Elle se fichait du qu’en-dira-t-on, c’est une vraie punk.»
«J’ai accepté ce rôle car je me sentais dans une situation de protection absolue, remarque Monica Bellucci. Aussi bien avec Gaspar, dont je connaissais le talent, qu’avec Albert Dupontel, pour qui j’avais une immense admiration, et qu’avec Vincent, bien sûr. Joe Prestia, qui joue l’agresseur, était aussi très à l’écoute. Il y a énormément de violence dans ce film, mais aussi beaucoup d’amour et de poésie, deux composantes sans lesquelles il ne serait pas devenu culte partout.»
L’actrice se souvient aussi de l’adrénaline distillée par le cinéma de cette décennie. «C’était la grande période des Kassovitz, Kounen, Noé. On était jeunes, transgressifs et pleins d’énergie», souligne-t-elle comme pour signifier son attachement à ce clan. Pourtant, l’actrice qui a tourné une soixantaine de longs-métrages assure n’appartenir à aucune famille de cinéma, ayant toujours oscillé entre les films d’auteur et les superproductions mondialisées, citant aussi bien Malèna, Matrix et Astérix et Obélix que La Passion du Christ, remerciant de la même façon Philippe Garrel, Sam Mendes ou Emir Kusturica. De son Italie natale, elle dit aussi avoir gardé un tempérament volcanique et un instinct à fleur de peau «qui s’est cependant beaucoup adouci en France. J’ai appris l’art français de la maîtrise», ajoute-t-elle en riant. D’ailleurs, il est l’heure de s’envoler. Direction Rome et son destin de cinéma. Avanti Monica !
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