Michel Drucker : "Mon retour à la vie"

Malgré une hygiène de vie irréprochable, l’animateur a subi à la rentrée dernière un triple pontage. Il a appris la solitude, la patience. Et la souffrance. De retour chez lui, Michel Drucker suit une rééducation draconienne. Et espère revenir à l’antenne fin mars. Ses confidences en famille.

Ses médecins sont unanimes : le patient Michel Drucker fait montre d’un courage et d’une détermination sans faille. Sa rééducation dans une clinique de l’Ouest parisien, trois fois par semaine, se déroule sous les meilleurs auspices. Au point d’estimer ses facultés de récupération en avance d’un mois. Un patient impressionnant. Un homme pressé d’aller mieux. Et de revenir au plus vite à sa vie d’avant. « Mes cardiologues m’ont demandé de lever le pied. Je leur ai fait cette promesse, mais je l’avoue : je n’ai qu’une envie, revenir travailler dès la fin mars », nous confie-t-il, au téléphone, de son domicile parisien. Pourtant, l’homme doute, cogite. « Il y a des jours avec et des jours sans. Pas tant sur le plan physique, mais au niveau du moral. Je suis encore amaigri, j’ai repris 5 kilos sur les 10 perdus. Mais il faut que je me retape encore. Entre confinement et couvre-feu, je n’ai pas fait 100 mètres dans la rue depuis quatre mois. Je ne sors pas, il ne faudrait surtout pas que j’attrape une bronchite, la Covid. Je n’ai pas remis les pieds à mon studio Gabriel depuis un an. Je ne sais pas si j’aurai la même pêche qu’avant, mais j’espère que le public me comprendra. » N’en doutons pas… Grâce au dévouement et au professionnalisme du personnel de santé qui l’a veillé jour et nuit, Michel Drucker revient de loin. De très loin même. De là où les pronostics vitaux sont souvent engagés. Et que rien, ni personne n’a vu arriver.

« A la fin de l’été dernier, j’étais en Provence et j’avais de la fièvre toutes les nuits, ça montait à 39, 40, puis plus rien le matin. Sans explications », se souvient-il. « On ne comprenait pas », ajoute sa fille. “On a tous eu peur de le perdre. Le temps était suspendu, c’était le vide”, se souvient sa fille Stéfanie Jarre-Drucker. « Il était toujours fatigué, et un teint qui ne nous indiquait rien de bon. » La décision est prise avec les médecins : Michel Drucker quitte son Sud en urgence et rejoint Paris pour effectuer un bilan sanguin. Le couperet tombe : il a un foyer infectieux, à la suite d’un soin dentaire. La bactérie a touché la valve mitrale, le rein et la rate. Hospitalisé dans un hôpital parisien, il est alors mis sous antibiotiques en intraveineuse à fortes doses pendant trois semaines. Sa rentrée télé est reportée, son moral en dents de scie mais ses patrons à FranceTélévisions lui assurent tout leur soutien et gardent cette information, classée « confidentielle » au sein du groupe public.

Mais très vite, les choses s’accélèrent sur le plan médical. Le traitement ne produit pas l’effet escompté, il faut l’opérer. « Contre toute attente, ils se sont aperçus que j’avais les artères bouchées et qu’il fallait faire un triple pontage. Je suis resté neuf heures et demie sur la table d’opération, avec une anesthésie de quinze heures. Et surtout, la bactérie, quelques jours avant l’opération, avait déjà touché une artère de la jambe droite. Je ne pouvais plus marcher. Si on avait attendu plus longtemps, on aurait été obligé de m’amputer du bas de la jambe droite », avance Michel Drucker. Sa famille reçoit un coup de massue. Un choc d’autant plus rude que l’animateur, connu pour son hypocondrie, possède une hygiène de vie irréprochable. Il ne fume pas, ne boit pas, mange équilibré, pratique le vélo et opère des bilans de santé très très réguliers. Et pourtant… Le monde s’écroule ce jour-là. Sa vie ne tient qu’à un fil. Des heures insoutenables. De souffle coupé.

« Une semaine en réa durant laquelle on ne vivait plus, on ne dormait plus, redoutant chaque appel extérieur. On a tous eu peur de le perdre. Le temps était suspendu. C’était le vide », se souvient sa fille Stéfanie avec une émotion encore palpable. « Tout le monde traverse cette épreuve avec son lot d’angoisses et de silences. La peur de perdre un être aimé est commune à tous… Et nous avons beaucoup appris : quand on passe tout près de la mort, on relativise beaucoup de choses, on fait le bilan d’une vie et on ne privilégie désormais que l’essentiel : la vie de famille et l’amour qui nous unit », assure Stéfanie.

Il faudra de longs jours à Michel pour retrouver ses esprits et réaliser que le pire est derrière lui. Enfin presque. Une petite inquiétude sur sa cicatrice oblige les chirurgiens à ouvrir à nouveau son thorax, plusieurs jours plus tard, afin d’éliminer tout risque d’infection. Nouvelle opération. Nouvelle anesthésie avec ses soixante-douze heures d’état critique. Et une souffrance tant physique que morale qui ne le quitte pas. Michel Drucker est encore coupé du monde en réanimation. Même si son frère, Jacques Drucker, brillant épidémiologiste, papa de la comédienne Léa Drucker, veille aussi à distance. « Pendant la phase aiguë, lors du triple pontage, il a appelé tous les matins mon chirurgien pour faire le point. Il ne m’a jamais lâché. »

Mais les médecins lui interdisent d’utiliser son portable dans un premier temps. De toute façon, il n’en a, alors, pas la force. « J’étais une ombre, j’avais les joues creusées, du mal à parler, la cage thoracique douloureuse avec un corset pour maintenir tout ça. J’essayais de m’accrocher, mais j’avais parfois l’impression que je n’allais pas y arriver, que tout était fini. Je pensais à mes parents. A ma femme, ma fille, ma petite-fille. Toutes ces nuits où je ne dormais pas, où je gambergeais et faisais l’apprentissage de la souffrance. Et de la solitude : tout ça, je ne l’oublierai jamais. Je reviens de très loin », assure Michel.

Par la suite, les contacts téléphoniques reprennent à doses homéopathiques. Pour ne pas le fatiguer. Léa Drucker l’appellera tous les deux jours, tout comme sa petite fille Rebecca, « toujours très positive », nous confie sa maman Stéfanie. Et les visites se déroulent au compte-gouttes, en ces temps de Covid-19. Une tous les deux jours pour Dany, le roc de la famille.

A l’antenne fin mars

C’est son vœu et celui de la direction de France Télévisions : « Michel Drucker est un repère fondamental pour les français », a déclaré Stéphane Sitbon-Gomez le numéro 2 du groupe public qui s’entretient régulièrement avec l’animateur-producteur. « A priori, on ne changera pas notre formule de Vivement dimanche mais l’émission se tournera sans public comme c’est l’usage désormais », nous affirme Michel. Et d’ajouter : « Je ne sais pas encore qui sera mon premier invité, ça dépendra de l’actu fin mars, mais une chose est sûre : je veux rendre hommage à toutes les grandes stars qui nous ont quittés depuis un an. Je pense à Rika Zaraï, Christophe, Pierre Cardin, Claude Brasseur, Michel Piccoli, et j’en oublie sûrement. Tous ces départs sont tellement impressionnants ».

Et une seule personne, désignée par la famille, est autorisée à venir tous les soirs pendant une demi-heure, pour l’aider à s’alimenter : Il s’agit de Claude, « Petit Claude » comme le surnomme Michel. Un homme de l’ombre. L’homme de confiance au centre de la famille Drucker. Son ange gardien. Michel l’a rencontré en 1977 à RTL. Claude venait alors assister à La Grande Parade. Il n’avait que quinze ans. D’émissions en émissions, de rencontres impromptues en discussions animées, le courant est passé, et Michel lui a proposé, à 21 ans, de devenir celui qui gère la maison au quotidien. Mais pas seulement : « Petit Claude est un membre de la famille à part entière. Il a grandi aux côtés de ma fille Stéfanie. Ils ont deux ans d’écart. Il nous protège, il sait tout de nous. On est dans sa vie, il est dans ma vie, comme un fils. Il connaît mes angoisses, mes manies, mes TOC et tous mes médecins. Et il est d’une discrétion absolue. » Et cette cohabitation dure depuis plus de quarante ans. Dans les bons et les mauvais moments de la vie. « Petit Claude » a pris naturellement sa place au chevet de Michel, lui a apporté des petits plats dont il a le secret, entendu sa souffrance et tenté de l’aider à surmonter l’adversité de cette épreuve si douloureuse.

Il n’a rien lâché

Les semaines ont passé, les mois même, et le patient Drucker n’a rien lâché. Comme un sportif qui s’entraîne à remarcher, petits pas par petits pas. Sous le regard des infirmières qui n’en revenaient pas. « Je descendais les escaliers de l’hôpital, puis les remontais. Ça me prenait du temps, mais je voulais m’en sortir », nous confie-t-il. Aujourd’hui, la voix s’est éclaircie, les exercices physiques débutés très vite et pratiqués en clinique et à domicile sur un vélo spécialisé, l’ont remis en selle. Plus vite que prévu. Mais les médecins sont formels : il faut savoir s’écouter. S’économiser. Michel revient de l’enfer. A 78 ans, l’infatigable animateur n’a qu’une idée en tête : reprendre sa place sur son canapé rouge. Certes, il s’interroge parfois, redoute de ne pas retrouver ses automatismes d’animateur. « C’est la première fois de ma carrière que je ne travaille pas depuis si longtemps. Près d’un an, car en mars 2020, lors du premier confinement, j’avais des problèmes de thyroïde et je m’étais déjà arrêté. Mon entourage me rassure et me dit que c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas, mais je vous l’avoue : j’ai des doutes. » Pas son public, nombreux à lui avoir témoigné sa fidélité en ces temps si agités. Vivement son retour !

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