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Meghan et Harry à Montecito, ces nouveaux voisins qui encombrent les milliardaires de Santa Barbara
Enclave ultrasélecte de Santa Barbara, cette petite localité tranquille est devenue le refuge doré des dissidents de Buckingham comme de nombreux VIP. Mais ces nouveaux voisins sont loin de susciter l’unanimité. Explosion de l’immobilier, afflux de touristes voyeurs… Un rêve pas si américain.
À peine arrivé au lieu de rendez-vous, la terrasse du café-épicerie fine Pierre Lafond de l’Upper Village de Montecito, le journaliste britannique Richard Mineards, ancien du Sun, du Mirror et autres tabloïds anglais et américains, nous tend un papier plié en quatre sur lequel il a noté une adresse. «Ils habitent là», dit-il avec son accent british, sourire en coin, fort satisfait de partager ce secret (de Polichinelle). «L’ironie du destin n’a échappé à aucun de mes vieux confrères. Pensez : j’ai toujours couvert la famille royale ! Je suis venu prendre ma retraite ici il y a vingt ans. C’est comme s’ils m’avaient suivi. Ils ont ravivé ma carrière. Tous les journalistes du monde qui débarquent ici viennent me parler. Ça n’arrête pas !» Du pain béni pour la rubrique potins que Richard Mineards tient dans The Montecito Journal.
Bien qu’il n’ait cité aucun nom, le journaliste n’a nul besoin de préciser de qui il parle. Quelques jours passés à Santa Barbara au cœur de ce somptueux district bucolique de 20 kilomètres carrés – environ 8000 habitants et 3100 résidences, le quart d’entre elles secondaires ou même tertiaires -, suffisent à saisir la nouvelle réalité des autochtones : malgré la présence de vedettes comme Oprah Winfrey, Gwyneth Paltrow et Katy Perry, ou de titans de la finance (dernier en date, le milliardaire français Philippe Laffont) ou de l’industrie, quand «ils» sont mentionnés, c’est des Sussex – Meghan et Harry – qu’il s’agit. «J’habite en amont du ruisseau qui traverse leur domaine», déclare l’un. «Je vis à 5 minutes de chez eux», précise un autre. «Mon cottage est dans la même rue», se vante un troisième.
En vidéo, les confidences explosives du prince Harry et de Meghan Markle
Jadis village rustique, Montecito fut peuplé de fermiers et d’éleveurs de génisses, puis d’industriels du Midwest qui, au siècle dernier, y acquirent d’immenses terrains pour y faire construire leurs résidences signées d’architectes réputés, suivis par des célébrités fortunées. Aujourd’hui, tout semble n’exister qu’en référence au duc et à la duchesse venus s’y implanter l’été dernier, après avoir fui Los Angeles, qui n’est qu’à 90 minutes de voiture.
Péril au paradis
Pour certains, leur arrivée inopinée a ajouté une touche royale à cette enclave opulente, miraculeusement conservée, qui embrasse, sur ses flancs est, la Sierra et, à l’ouest, l’étendue azur de l’océan Pacifique. Mais, pour d’autres, soucieux de leur tranquillité, le couple représente une plaie. «On ne parle plus que d’eux, c’est fatigant, et je ne suis même pas sûre qu’ils aient un effet positif sur l’économie, sauf que les prix immobiliers ont grimpé…», se plaint Mary Sheldon, septuagénaire propriétaire de la librairie Tecolote, dont la mère acheta une maison sur un demi-hectare de terrain pour 15.000 dollars en 1953. Aujourd’hui, le prix moyen d’un toit est de 6 millions de dollars, en augmentation de 22 % en à peine un an.
Montecito est connue pour l’exubérance de sa végétation. Érables sycomores, eucalyptus, chênes, généreux massifs de fleurs et formations d’agaves géants bordent les rues et les allées délibérément dénuées de trottoirs pour préserver le caractère rural du lieu. Et aussi pour empêcher le stationnement d’indésirables maraudeurs. Mais, aujourd’hui, le «petit mont» (traduction de Montecito) croule surtout sous le poids symbolique du couple royal.
Voir et être vus
«Des touristes nous envahissent désormais le week-end, espérant voir comment vivent Meghan et Harry», se lamente Trish Reynales, auteure installée à Montecito depuis vingt ans. «Ils furètent partout en quête d’on ne sait trop quoi. On les voit marcher de long en large dans le Lower Village, déçus par le faible nombre de restaurants et de commerces. Ils finissent par prendre des selfies, et repartent dépités de l’aspect provincial de Montecito. C’est assez comique, car c’est précisément son attrait principal pour nous.»
En semaine, les stars sortent sans façons de leurs tanières dorées pour aller se ravitailler chez Pierre Lafond, entrer chez Wendy Foster, l’incontournable magasin de prêt-à-porter ou s’installer à la terrasse de l’un des six ou sept restaurants, sachant que personne ne les importunera – les habitants se targuent de leur indifférence totale aux célébrités. Mais, le week-end, elles s’isolent pour éviter tout abordage intempestif. Les milliardaires, pour la plupart inconnus des visiteurs, continuent de pouvoir aller et venir. «On en croise souvent au délicieux fast-food mexicain Little Alex’s, également fréquenté par le personnel de maison employé par les nantis», précise Trish Reynales.
Quant à Harry et Meghan, s’ils occupent l’imagination des habitants, ils restent invisibles derrière les murs de leur domaine de 3,6 hectares. Son prix d’achat ? 14,65 millions de dollars, pour cette résidence comptant neuf chambres, seize salles de bains, un tennis, une piscine et un poulailler. «C’est très Montecito, Meghan veut vraiment s’adapter», badine Trish Reynales. Pourtant, le prince a récemment été surpris dehors, une fois sur son vélo électrique, l’autre en balade sur la plage, flanqué d’un garde du corps et de son labrador, Pula, en bermuda, tee-shirt et casquette de base-ball. «Il est en train de se transformer en vrai Californien», s’amuse Richard Mineards, qui approuve le choix de vie de Harry : «J’imagine très bien son fils Archie sur une planche de surf dans quelques années. Allez faire un tour à l’adresse : des journalistes allemands ont essayé d’entrer la semaine dernière et ont été refoulés par de jeunes gardes très sympas, pas du tout agressifs, à l’image de Harry.»
Le prince Harry et Meghan Markle lors de leur interview accordée à Oprah Winfrey pour la chaîne CBS. (Los Angeles, le 7 mars 2021.)
Dans la rue en question, où l’on devine de grandioses demeures derrière les haies ou les murailles (certaines renforcées de barbelés), un imposant portail métallique interdit l’accès à une large allée, qui disparaît bientôt derrière de bas buissons taillés à la perfection. Elle dessert en fait plusieurs propriétés, elles-mêmes protégées par de hauts murs, qui forment une sorte de lotissement pour happy few comme il en existe plusieurs à Montecito, en particulier dans le Quadrilatère d’or, le plus riche, où l’on cohabite entre soi.
L’ombre des milliardaires
Loin de l’exhibitionnisme de Los Angeles, cette société préfère se recevoir discrètement autour d’un cocktail ou d’un dîner préparé avec les produits locaux et les herbes cultivées dans les potagers privés. D’ailleurs, la confrérie des jardiniers ne chôme pas à Montecito. «L’horticulture est ici une passion», insiste Trish Reynales. «Mais la manie des portails est relativement nouvelle», se lamente Charles de L’Arbre, le PDG du Santa Barbara Travel Bureau, dont la famille, originaire d’Auvergne, est implantée dans la région depuis plusieurs générations. «Pour moi, ils veulent dire deux choses : défense d’entrer, et regardez comme je suis important. Ce n’était pas l’esprit du coin avant.»
Meghan Markle et le prince Harry vivent à Montecito.
Ce phénomène de regroupement de milliardaires dans un lieu donné a été étudié par le sociologue Robert N. Bellah, qui lui a même donné un nom, lifestyle enclaves, et une définition : «On y trouve des gens qui partagent certaines caractéristiques de vie. Leurs membres expriment leur identité à travers des habitudes en matière d’apparence, de consommation et de loisirs, qui les distinguent diamétralement des autres.» Ces enclaves sont à opposer aux «communautés, caractérisées, elles, par l’interdépendance sociale, l’histoire commune et la participation à la vie civique». Autrement dit : les premières tendent vers l’égoïsme, les deuxièmes vers la solidarité.
En 2018, une catastrophe naturelle illustra cette théorie. L’incendie dévastateur de l’année précédente avait calciné la végétation de la Sierra. Aussi, lorsque des pluies torrentielles se sont abattues sur Montecito, elles ont provoqué un éboulement massif qui a fait 23 morts et endommagé 400 maisons. Ce ne sont alors ni les stars ni les milliardaires qui ont participé aux secours. Les plus ardents à l’entraide furent les résidents ordinaires, plus nombreux qu’on ne l’imagine, les «pauvres de Montecito, s’amuse Mary Sheldon, dont les familles sont implantées ici depuis plusieurs générations, désormais cernées par les ultrariches, mais qui n’ont aucune intention de partir».
«Nous avons de nombreuses demeures historiques, mais aussi de simples maisons, si vous regardez bien», confirme l’agent immobilier Joy Bean. Les revenus moyens des habitants sont de 159.706 dollars par personne et de 283.308 dollars par foyer. Plus élevés que dans le reste du pays, mais pas assez pour acquérir l’une des luxueuses propriétés. «Malheureusement, conclut Charles de L’Arbre, Montecito est en train de changer, de devenir plus clinquant. Le secret le mieux gardé de Californie est en train de s’éventer. Le phénomène était déjà enclenché avec la venue de stars. Harry et Meghan n’ont rien arrangé. Ils ont même fait oublier les risques d’éboulement.»
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