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Martin Bashir, le journaliste qui aurait dangereusement manipulé Lady Diana et Michael Jackson
Selon une enquête initiée récemment par la BBC, le reporter de 58 ans aurait usé de «méthodes trompeuses» pour obtenir l’interview de la princesse, en 1995. Mais aussi d’autres scoops qui ont fait de lui une star des médias. Portrait d’un journaliste rattrapé par son passé.
Il fut longtemps le journaliste adulé de la BBC. Celui qui obtint l’«interview du siècle» avec Lady Diana, en 1995 – quand ses pairs n’osaient en rêver. Celui à qui la princesse des cœurs confia pour la première fois, devant 23 millions de téléspectateurs, «Nous étions trois dans ce mariage», évoquant la liaison entre le prince Charles et Camilla Parker Bowles. Celui à qui l’entretien valut une renommée mondiale, et le Bafta du meilleur talk show. Celui dont le fils aîné aurait joué au ballon avec un tout jeune prince Harry lors d’un déjeuner à Kensington Palace. Celui dont le salaire s’élevait ces dernières années à 100.000 livres (115.000 euros) par an. Celui, enfin, dont la chute serait aussi spectaculaire que son ascension.
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Tout commence par une simple missive, postée fin 2020. Dans une lettre adressée à Tim Davie, le directeur général de la BBC, le frère de Lady Diana, Charles Spencer, accuse Martin Bashir de l’avoir manipulé pour obtenir l’interview de la princesse, dans les années 1990. A l’époque, le journaliste aurait en effet montré à ce dernier de faux relevés de comptes, censés prouver que certains proches de Diana étaient payés pour divulguer des informations aux services secrets. Et provoquant chez cette dernière le besoin de se livrer. Le message met rapidement le feu aux poudres : la BBC initie immédiatement une enquête sur les coulisses de l’entretien choc.
L’indignation des princes William et Harry
Après six mois d’investigation, le verdict est sans appel. Oui, le reporter de 58 ans a bel et bien usé de «méthodes trompeuses» pour obtenir l’interview de Diana Spencer, a confirmé le juge John Dyson, chargé de l’enquête, le jeudi 20 mai. Les révélations provoquent un tollé. Au point que le prince William fustige dans une allocution vidéo l’«incompétence lamentable» des dirigeants de la BB : «De mon point de vue, la manière trompeuse dont l’interview a été obtenue a influencé ce que ma mère a dit», poursuit le duc de Cambridge. Il affirme par ailleurs que cet entretien a «envenimé» la relation entre ses parents.
«Cela suscite une une tristesse indescriptible que les manquements de la BBC aient contribué de manière significative à nourrir la peur, la solitude et la paranoïa de ma mère, durant les dernières années de sa vie», a-t-il déploré. Le prince Harry a lui aussi dénoncé le comportement de Martin Bashir. «Notre mère a perdu la vie à cause de ces méthodes, et rien n’a changé», a déclaré publiquement le duc de Sussex. Une colère qui résonne jusque dans la Chambre des communes. Le député conservateur Julian Knight a ainsi annoncé, le lundi 24 mai, l’organisation prochaine d’une séance officielle, dédiée aux questions soulevées par l’investigation de la BBC. La chaîne britannique entend, quant à elle, enquêter sur la manière dont Martin Bashir a réintégré ses rangs, en 2016.
Le quinquagénaire, tenaillé de toutes parts, formule – à demi-mot – son mea culpa. «Il s’agit de la seconde fois que je coopère pleinement à une enquête sur les événements qui ont eu lieu il y a 25 ans, souligne-t-il dans un communiqué. J’ai présenté mes excuses à l’époque, je les réitère aujourd’hui (…) C’était stupide, et je le regrette profondément.» Le journaliste glisse cependant au Sunday Times qu’il n’a «jamais voulu blesser» Lady Diana. Et qu’il serait «irraisonnable et injuste» de le tenir pour seul responsable de «la relation difficile entre la famille royale et les médias».
« L’interview de la BBC a envenimé la relation entre mes parents » : en vidéo, la colère du prince William
Un « faux récit » sur Michael Jackson ?
Seul bémol, Charles Spencer a d’ores et déjà ouvert la boîte de Pandore. Car Martin Bashir n’aurait pas seulement floué Lady Diana. Il aurait également porté préjudice… à Michael Jackson. En 2003, le reporter, qui a quitté la BBC pour la chaîne britannique ITV, a passé huit mois aux côtés du roi de la pop, à Neverland, dans le cadre du documentaire Living with Michael Jackson. Lors de sa diffusion, le programme, qui aborde notamment les accusations de pédophilie formulées à l’encontre de l’artiste, aurait profondément scandalisé le chanteur.
Dix-huit ans plus tard, Tito, le frère de ce dernier, déclare dans les colonnes du Sunday Mirror que Martin Bashir a «créé un faux récit» sur Michael Jackson, et modifié sciemment les séquences du documentaire. «Les images manipulées de Bashir et son journalisme contraire à l’éthique sont l’une des principales raisons pour lesquelles mon oncle Michael n’est plus là aujourd’hui, écrit de son côté Taj Jackson sur Twitter. Ce procès de 2005 l’a brisé. Honte à ceux qui ont couvert Bashir. Honte à ceux qui l’ont récompensé. Ma famille mérite également une enquête et des excuses.»
« Serpent » et « requin »
Jonathan Maitland, ancien collègue de Martin Bashir à la BBC, fut un temps admiratif de ce journaliste «drôle», «ambitieux» et «charmant». Il évoque dans les colonnes du Guardian leur passion commune pour le sport, notamment le rugby. Mais également sa propre «jalousie» à l’égard de celui qui décroche les plus grands scoops de l’époque. La recette d’un tel succès ? «Il avait le don de dire aux gens ce qu’ils voulaient entendre», se remémore Jonathan Maitland.
Ce que confirme Alex, l’ex-épouse du footballeur irlandais George Best. Cette dernière garde un souvenir amer de sa rencontre avec le reporter, en 2000, dans le cadre d’un documentaire ITV. «Il était si manipulateur, relate-t-elle dans les colonnes du Belfast Telegraph, qualifiant le principal intéressé de «serpent» et de «requin». Bashir est entré dans ma vie à un moment terrible, m’a convaincue de lui faire confiance et encouragée à boire à chacune de nos rencontres. Puis, il a réalisé un documentaire dans lequel il disait que je buvais trop et que je finirais par tuer mon époux.»
Babes in the Wood
À l’aune de ces témoignages resurgit celui de Michelle Hadaway, l’une des protagonistes de l’affaire «Babes in the Wood» (traduisez, «les filles dans les bois»). Au cours de sa carrière, Martin Bashir s’est en effet intéressé à plusieurs faits divers. Celui-ci remonte à 1986. À l’époque, deux fillettes sont retrouvées dans les bois, après avoir été agressées sexuellement et étranglées. L’une d’entre elles est l’enfant de Michelle Hadaway.
En 1991, le journaliste aurait convaincu cette dernière de lui prêter un vêtement de la petite Karen, afin d’effectuer des prélèvements ADN. Michelle Hadaway aurait, depuis, perdu la trace dudit vêtement. Elle envisagerait désormais de porter plainte contre le journaliste. Selon elle, la pièce à conviction aurait pu lui permettre d’entamer une nouvelle procédure judiciaire contre le meurtrier présumé de sa fille. Martin Bashir ne se serait, lui, «jamais excusé». La journaliste Rosamund Urwin s’étonne dans le Sunday Times de l’apparente «insouciance» du reporter. Le journaliste lui aurait ainsi confirmé qu’il avait pu perdre le vêtement, mais déclaré «ne pas s’en souvenir».
Une série de scandales
« Nous sommes trois dans ce mariage », confiait Lady Diana lors d’une interview choc accordée à la BBC. (Le 20 novembre 1995.)
Une sérénité des plus surprenantes, à en juger par l’ampleur de l’ouragan médiatique. D’autant que Martin Bashir n’en est pas à son premier scandale. En 2008, il est suspendu de son poste à ABC News, après avoir formulé des remarques «grossières et sexistes» durant un discours à la convention des journalistes américano-asiatiques de Chicago. «Je suis ravi de me trouver au milieu de tant de filles asiatiques, aurait-il lancé. Je suis content que le présentoir me dissimule à partir de la taille.»
Avant d’ajouter : «Un discours devrait être comme une robe sur une belle femme – assez longue pour cacher les parties importantes et assez courte pour éveiller votre intérêt – tout comme celle de ma collègue Juju.» À nouveau, Martin Bashir est contraint de présenter des excuses, pour ces «remarques de mauvais goût». En 2013, le journaliste, devenu présentateur pour MSNBC et correspondant pour NBC, est par ailleurs fustigé pour ses commentaires déplacés sur Sarah Palin. Le reporter qualifie en effet la gouverneure d’Alaska d’«idiote de classe mondiale». Il quitte MSNBC mais trois ans plus tard, réintègre la BBC et devient correspondant spécialisé sur les questions de religions.
Sous les feux des projecteurs
Le petit prodige de la BBC semblait pourtant promis à un destin exceptionnel. Né le 19 janvier 1963, Martin Bashir grandit à Wandsworth, entouré de ses quatre frères et sœurs et élevé par des parents d’origine pakistanaise. Adolescent, le jeune homme intègre le lycée local, avant de se convertir au christianisme. Dans les années 1980, il étudie l’anglais et l’histoire à l’université de Winchester. Il obtient par la suite un master en théologie à l’université de King’s College, à Londres.
Devenu journaliste sportif, il intègre la BBC en 1986. Propulsé sous les feux des projecteurs par l’interview de 1995, le journaliste est courtisé par les plus grands médias. Mais aussi par les mondes du cinéma – il joue en 2001 dans le film Mike Bassett : England Manager – et de la musique – son album reggae, Bass Lion, sort en 2010. En 2019, il intègre même l’édition célébrités de «X-Factor».
L’ambition dévorante de Martin Bashir est née d’un lourd passé familial. Tout juste majeur, le jeune homme doit en effet affronter sa première tragédie : son père, ancien officier de la Navy durant la Seconde Guerre mondiale, manque de succomber à une overdose. En 1991, l’un de ses frères, Timmy, meurt quant à lui d’une myopathie. «À chaque fois que je rencontre des difficultés, je l’entends chuchoter : « Quelle est ton excuse pour abandonner ? Tu n’en as pas. »», confiera Martin Bashir. Dix ans plus tard, son père met fin à ses jours en se jetant dans la Tamise. De là naîtra le combat du journaliste en faveur de la lutte contre les problèmes de santé mentale.
Profil bas
Très discret sur sa vie privée, le reporter ne connaît que trop bien l’importance de préserver son entourage des feux des projecteurs. Tout juste apprendra-t-on qu’il a épousé une certaine Deborah, et donné naissance à trois enfants : Samuel, Phoebe et Eliza. Il célèbre néanmoins, en février 2019, l’arrivée de son premier petit-fils, Nate. Un an plus tard, Martin Bashir contracte le Covid-19. Depuis, le reporter serait en proie à de graves problèmes de santé.
Il aurait ainsi souffert d’un épanchement péricardique, avant d’être victime d’un infarctus, en décembre 2020. Après les révélations sur ses interviews biaisées, il dépose sa démission auprès de la BBC en mai, et entend désormais se consacrer à sa guérison, et à des œuvres caritatives. Sera-t-il capable de se pardonner le scandale de la BBC ? l’interroge Rosamund Urwin. «C’est une question très difficile, car c’était une erreur vraiment grave, répond-il. J’espère que les gens me donneront l’opportunité de montrer que je suis vraiment repentant.»
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