Léa Drucker : drôle de dame

Après de longues années de galères, la comédienne enchaîne les succès, sur les planches, au cinéma et dans les séries. À 52 ans, elle est enfin devenue une actrice qui compte.

Pour arriver au sommet, on peut foncer comme une comète, au risque de se brûler les ailes en allant trop vite. Ou prendre son temps, musarder un peu avant de décrocher le Graal. Léa Drucker a choisi son camp, comme si le dicton “tout vient à point à qui sait attendre” avait été écrit pour elle. Oubliées, les années de galères, la jeune quinqua rayonne. Partout, que ce soit sur scène, sur grand ou sur petit écran…

Le chemin fut long, mais il est d’autant plus beau et, alors que le succès est enfin là, son humilité et son sens de la dérision à toute épreuve lui permettent de puiser une incroyable force en s’appuyant sur son parcours si particulier.

Née le 23 janvier 1972 à Caen (Calvados), elle a grandi entre Jacques, professeur de médecine spécialisé en épidémiologie, et Martine, une enseignante d’anglais qui deviendra galeriste. Une enfance douce, mais un peu particulière car les déménagements sont nombreux, au gré des postes prestigieux de son père, en France comme à l’étranger. “Entre le CP et le lycée, en moyenne, j’ai changé d’école tous les deux ans, confie-t-elle à Madame Figaro.J’étais fille unique, la difficulté était de se refaire des amisAux États-Unis, j’étais l’étrangère, à Paris, j’étais la provinciale.” Mais plutôt que d’en vouloir à ses parents, elle pense que ces déracinements successifs lui ont permis de développer une faculté d’adaptation hors-norme. Positiver, toujours positiver, pour aller de l’avant et ne pas se laisser avaler par les morsures du passé.

Adolescente, elle est en sport-études de patinage artistique, rêvant de médailles olympiques. “J’ai adoré l’entraînement, être sur la glace le matin très tôt, poursuit-elle dans le magazine. Mais les compétitions s’intensifiaient, je n’étais plus au niveau.” Lucide, déjà. Elle arrête la section en classe de quatrième, mais continue encore aujourd’hui d’aimer bouger au son de la musique.

J’adore danser, cela fait partie de ma vie. J’aime laisser mon corps choisir ses pas et s’abandonner au mouvement”, de ses mots à Psychologies Magazine. Après avoir quitté la glace, Léa se tourne vers les planches en découvrant le théâtre, à l’âge de 15 ans, dans un lycée parisien. Elle a le feu sacré, se prend de passion pour les textes et veut devenir comédienne. Mais son père, pour qui les études sont essentielles, tempère ses ardeurs. Après le bac, pour le rassurer, elle s’inscrit en Communication à l’université de Nanterre, mais devient serveuse dans une pizzeria pour se payer, en cachette, des cours de théâtre. Elle finit par réussir le concours de l’école de la Rue Blanche. Pourtant, les débuts sont plus que difficiles.

La jeune comédienne refuse d’utiliser les amitiés de ses célèbres oncles, Jean et Michel, dans le show-business et tient à se débrouiller seule. Elle enchaîne les déconvenues lors des castings, rame pour payer son loyer, mais s’accroche car elle sait, qu’un jour, elle y arrivera. Elle se dit que certaines actrices y parviennent vite, très vite, mais que d’autres ont besoin de plus de temps. “Je ne veux pas me plaindre, assure-t-elle à Libération. Ces frustrations ont été un moteur pour aller chercher les choses et avoir l’énergie nécessaire quand les rôles sont arrivés.”

Pendant vingt ans, elle enchaîne les petits rôles, s’accroche, travaille beaucoup au théâtre et prend son mal en patience devant les rendez-vous manqués… Pour finir par s’imposer à partir de 2015. Elle a 45 ans et prend enfin son envol. Un césar de la meilleure actrice, deux ans plus tard, deux molières de la meilleure comédienne au théâtre en 2016 et 2020 : sa patience est enfin récompensée.

Dans sa vie privée aussi, le bonheur finit par arriver, lentement, après des années de relations qui ne la rendent pas toujours très heureuse. La rencontre avec le cinéaste Julien Rambaldi, déjà père de deux enfants, Dino et Mia, lui ouvre de nouveaux horizons. “Cela a changé ma perception des choses, explique-t-elle à Gala. Je suis devenue plus optimiste sur l’amour et je me suis autorisée à vivre ce que je m’étais plus ou moins interdit. J’ai enfin pu construire.

En ce moment, elle tourne beaucoup, tout le temps (on l’a vue dans sept films différents en 2022 !) presque frénétiquement car elle ne veut rater aucun rôle, elle qui les a attendus si longtemps. Mais elle le fait pour elle, pour assouvir sa passion pour le cinéma et pas vraiment pour les sirènes de la renommée ou pour grossir son compte en banque. “Mes parents sont très ancrés dans le social, analyse-t-elle dans Libération. L’argent n’a jamais été obsessionnel, je n’ai pas l’instinct de propriété.” Ce qu’elle veut, c’est découvrir de nouveaux univers, faire rire, émouvoir ou troubler.

Dans le dernier film de la sulfureuse réalisatrice Catherine Breillat, sorti en septembre dernier, elle joue une avocate militante qui, brutalement, tombe amoureuse de son beau-fils de 17 ans. À l’écran, sans aucun filtre ni artifice, contrairement à la plupart des actrices de son âge, elle est lumineuse et criante de vérité, dans un personnage pourtant si éloigné d’elle.

Une actrice est née, elle a mis le temps, mais aujourd’hui, elle est devenue incontournable dans le milieu du cinéma. Pourtant, elle s’étonne toujours de ce qui lui arrive et assume totalement ce côté midinette qui lui permet de ne jamais se sentir blasée et de conserver la fraîcheur qui la fait avancer depuis ses débuts. Durant l’after show des César, en février dernier, elle rencontre Brad Pitt qui lui dit : “I am a fan. I like the Bureau.” (Je suis un fan, j’adore le Bureau, en vf). Elle comprend alors que la star l’a vue dans la série Le Bureau des légendes. “Je lui ai demandé de faire une photo car je me suis dit que les gens n’allaient jamais me croire”, a-t-elle plaisanté sur le plateau de Clique en racontant l’anecdote. À croire que Léa mesure sa chance sans en faire toute une histoire. Car elle sait que patience et longueur de temps font plus que force ni que rage…

Et aussi…

Une famille en or

©RINDOFF-COLIN / BESTIMAGE

Chez les Drucker, la réussite est presque un art de vivre. Jacques, Léa Drucker son père, a été un professeur de médecine de niveau international et sa mère Martine est une galeriste reconnue. Son oncle Jean, décédé en 2003, a été le président de M6. Sa cousine Marie est animatrice de télévision et son oncle Michel est un monstre sacré du petit écran. Mais Léa affirme n’avoir jamais profité de son patronyme durant sa carrière, bien au contraire. “J’avais un peu honte de porter un nom connu avant d’avoir fait quoi ce soit”, a-t-elle expliqué au Figaro. Aujourd’hui, elle est parvenue à se faire un prénom et, dans les années qui viennent, ce sera sans doute celle qui portera le plus haut le patronyme des Drucker !

Édouard Baer, son sauveur

©RINDOFF-GUIREC / BESTIMAGE

Le début de carrière de Léa Drucker n’a pas été simple, loin de là. Pendant des années, elle enchaîne les castings sans succès, ne décrochant que des petits rôles sans envergure. Alors qu’elle est prête à abandonner le milieu du spectacle, elle croise Édouard Baer et, prenant son courage à deux mains, lui demande s’il n’a pas un job pour elle. Alors animateur sur Radio Nova, le comédien l’engage comme chroniqueuse et lui redonne confiance. Toujours très proche du trublion, avec qui elle adore dîner, elle jouera dans deux de ses films et quatre de ses pièces.

Mère sur le tard

©RACHID BELLAK / BESTIMAGE

Pendant longtemps, la comédienne était persuadée qu’elle n’aurait jamais d’enfant. Mais lorsqu’elle a rencontré le cinéaste Julien Rambaldi, tout a changé. Déjà père d’un garçon et d’une fille, son nouveau compagnon a bouleversé ses certitudes, elle qui pensait ne pas avoir l’instinct maternel. Elle a fini par décider de sauter le pas et, le 11 juillet 2014, à l’âge de 42 ans, elle a mis au monde une petite fille, prénommée Martha. Une révélation. “Cette idée que j’avais, que je ne serais pas assez responsable, s’est révélée complètement fausse. J’ai adoré, j’adore être mère”, a-t-elle expliqué à Madame Figaro.

Une enfance américaine

Durant toute son enfance, la future actrice a déménagé de nombreuses fois, suivant son père qui enchaîne les postes prestigieux en France, mais aussi aux États-Unis. Elle vivra plusieurs années à Boston et à Washington où elle se passionne pour le patinage (elle fera même un lycée sport-études avant d’abandonner la glace). Elle en conserve un excellent niveau d’anglais qui pourrait lui ouvrir les portes des productions internationales pour donner un nouveau coup d’accélérateur à sa carrière. En 2022, elle a d’ailleurs décroché le rôle d’une scientifique dans La Guerre des mondes, une série télévisée franco-américaine, aux côtés de Gabriel Byrne et de Elizabeth McGovern.

Sa carrière

1991 : LA THUNE

©Prod DB / KCS PRESSE

Première apparition à l’âge de 19 ans dans ce film au scénario écrit par Catherine Breillat, qu’elle retrouvera trente ans plus tard. Un galop d’essai sans lendemain…

2006 : L’HOMME DE SA VIE

Zabou Breitman lui offre le premier rôle féminin, aux côtés de Charles Berling et Bernard Campan. Un personnage tout en nuance grâce auquel elle obtient un Globe de cristal.

2010 : LES MEILLEURS AMIS DU MONDE

Elle joue pour la première fois sous la direction de son compagnon, Julien Rambaldi, dans ce film adapté d’une pièce de café-théâtre. Elle tournera deux autres films avec lui.

2015 : LE BUREAU DES LÉGENDES

Dans la série de Canal +, elle campe le rôle d’une psy de la DGSE qui prend de plus en plus d’importance dans la vie des agents. Un rôle fort et marquant pour un show devenu culte.

2019 : JUSQU’À LA GARDE

Grâce à ce rôle d’une mère qui se bat pour ses enfants contre un ex-mari violent, elle obtient la consécration en remportant le césar de la meilleure actrice. Elle devient bankable.

2022 : INCROYABLE MAIS VRAI

Après des films grand public, elle se tourne vers le cinéma d’auteur de Quentin Dupieux et cette comédie loufoque où elle joue la femme d’Alain Chabat.

2022 : COULEURS DE L’INCENDIE

Un rôle de femme forte qui prend en main son destin dans cette fresque adaptée du roman de Pierre Lemaitre, aux côtés de Benoît Poelvoorde et Clovis Cornillac.

2023 : L’ÉTÉ DERNIER

Présenté à Cannes 2023, ce film d’une quadra amoureuse de son beau-fils de 17 ans, de Catherine Breillat, reçoit un très bon accueil critique.

2023 : SOUS CONTRÔLE

Dans cette minisérie sur Arte, elle est une ministre des Affaires étrangères qui fonce pour faire avancer ses idées. Un succès d’audience !

2023 : MARS EXPRESS

Dans ce film d’animation qui se déroule en 2200, elle est la voix d’Aline Ruby, une détective qui enquête sur la planète Mars. Une pépite où elle partage l’affiche avec Mathieu Amalric.

Bruno Godard

Source: Lire L’Article Complet