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Le prince Philip, (presque) un siècle de gaffes
L’époux de la reine, décédé à 99 ans, était réputé pour son sens de l’humour, même s’il frisait souvent le dérapage incontrôlé. Politique, famille, sujets : rien n’est épargné.
«Où avez-vous trouvé ce chapeau ?» Tels sont les mots que le prince Philip aurait adressés à la reine le jour de son couronnement, le 2 juin 1953. Si la citation n’est pas avérée, une chose est sûre : l’époux d’Elizabeth II, âgé de 99 ans, n’a jamais été avare de bons mots, souvent prononcés en public. Parfois aux limites de l’incident diplomatique.
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Le prince Philip a passé une bonne partie de sa vie à voyager autour du monde dans le sillage (voire dans l’ombre) de son épouse. «Franchement, j’aurais dû rester dans la Navy», déclarait-il en 1992. Pourtant, le duc d’Édimbourg a été amené à rencontrer présidents, ministres et autres grands de ce monde durant toute son existence. Mais il n’a pas évité les gaffes pour autant. En 2009, alors que Barack Obama lui raconte qu’il a pris un petit-déjeuner avec les chefs d’États russe, anglais et chinois, Philip lui demande s’il a pu «faire la différence entre eux». Ambiance. Pour s’adresser à Helmut Kohl, qu’il rencontre en 1997, il utilise le titre de «Reichskanzler», qui n’était autre que celui… d’Hitler. Sans oublier cette tirade, lorsqu’un journaliste lui demande, en 1967, s’il aimerait visiter l’Union Soviétique : «J’aimerais beaucoup aller en Russie, même si ces bâtards ont assassiné la moitié de ma famille» (1). Le prince Philip est, en effet, le petit-neveu de la dernière tsarine, Alexandra Feodorovna Romanova.
En vidéo, Elizabeth II et le prince Philip, de 1947 à nos jours
Des animaux aux enfants
Même les plus anodines de ses apparitions peuvent virer au malaise. On lui propose de caresser un gentil koala en Australie ? «Ah non, je risquerais d’attraper une maladie.» En 2000, alors qu’il visite une école pour sourds et muets à Cardiff, il s’adresse innocemment à un jeune élève après un concert de percussions : «Vous êtes sourd ? Si vous vous tenez à côté de ça, pas étonnant.» Non, la parole sans filtre du prince Philip n’épargne même pas les enfants. On ne sait quelle a été la réaction du jeune Andrew Adams, 13 ans, qui lui a confié vouloir devenir astronaute et à qui il à répondu, en toute bienveillance: «Tu pourras y arriver, si tu perds un peu de poids.»
Le prince Philip a tout de même réussi à faire rire la jeune Malala Yousafzai, 16 ans, victime d’un attentat commis par les talibans pour avoir revendiqué son droit d’aller à l’école, en lui glissant, en 2013 : «On envoie les enfants à l’école parce que leurs parents ne veulent pas d’eux à la maison.» Mais on ne sait jamais trop comment prendre les blagues du prince Philip. Comme cette fois où, invité à rencontrer des défenseurs de la nature en 1965, il leur fait une suggestion : «Les chats tuent beaucoup plus d’oiseaux que d’hommes. Pourquoi ne pas en faire un slogan ? « Tuez un chat et sauvez un oiseau » ?»
En deux mots, de souche allemande, Philip de Grèce et du Danemark est né à Corfou sur une table de cuisine le 10 juin 1921. Pour l’anecdote : à l’âge de 18 mois, il est évacué dans un lit fait de cartons d’oranges à bord d’un navire britannique, avec ses parents et ses quatre sœurs aînées, alors que son oncle, le roi de Grèce, est déposé. (1947.)
Son physique avantageux de prince nordique charme les princesses, quoique sa gouvernante note son «attitude légèrement poseuse et désinvolte». Elizabeth a 13 ans lorsqu’elle tombe amoureuse de son grand et blond futur mari. (1947.)
Il l’a demandée en mariage en Écosse, à l’été 1946, mais les fiançailles de la princesse Elizabeth et du lieutenant Philip Mountbatten ne sont annoncées officiellement que le 10 juillet 1947, après un long séjour de la future famille royale en Afrique du Sud. (1947.)
Le mariage a lieu le 20 novembre 1947 à l’abbaye de Westminster. (Londres, 20 novembre 1947.)
Sans filtre
Les Britanniques ne sont pas épargnés. En 1969, lors de la célèbre (et mortifiante) émission spéciale de la BBC dont il avait eu lui-même l’idée, au cours de laquelle les caméras suivent le quotidien de la famille royale dans les ors de Buckingham, il s’inquiète de l’état de ses finances : «Nous serons dans le rouge l’année prochaine… Je devrais probablement abandonner le polo.» Aujourd’hui interdit de diffusion, le programme est étrangement introuvable.
Et lorsqu’il vient saluer les survivants de l’attentat de Lockerbie, en 1993, au cours duquel un avion s’est écrasé sur des habitations, il a ces mots pleins de compassion : «Les gens disent toujours qu’après un incendie, ce sont les dommages causés par l’eau utilisée pour l’éteindre qui sont les pires. D’ailleurs, nous sommes encore en train de faire sécher le château de Windsor» (qui fut la proie des flammes en 1992, NDLR). Quand on lui présente un moniteur d’auto-école écossais, en 1995, c’est avec le sourire qu’il lui demande : «Comment tenez-vous les locaux éloignés de l’alcool suffisamment longtemps pour qu’ils passent leur permis ?»
Son célèbre «les femmes britanniques ne savent pas cuisiner», prononcé dans un institut féminin en 1961, avait navré la plupart de ces dernières. Et nombre de ses saillies ont largement franchi les limites de l’acceptable : «Si ça a quatre pieds et que ce n’est pas une chaise, deux ailes et que ce n’est pas un avion, que cela nage mais que ce n’est pas un sous-marin, les Cantonnais le mangeront.»
Les pieds dans le plat
Sa famille, elle aussi, en a pris pour son grade. En 1976, la princesse Anne participe aux Jeux Olympiques de Montréal avec l’équipe d’équitation. Et c’est un père fier de sa fille qui témoigne : «Si ça ne pète pas ou que ça ne mange pas de foin, ça ne l’intéresse pas.» Sans oublier ses sages conseils pour un mariage réussi : «La tolérance est un ingrédient essentiel. Je peux vous dire que la reine en a en abondance», déclare-t-il en 1997.
En vidéo, le prince Philip, le roc d’Elizabeth II
Et il en faut, pour composer avec l’humour du prince Philip. Qui, heureusement, en a aussi sur sa personne. «J’ai l’habitude de dire quelque chose de flatteur pour commencer, pour que l’on m’excuse ensuite si je mets les pieds dans le plat», expliquait-il en 1956. À l’approche de son 90e anniversaire, il déclarait : «Il y a des morceaux qui commencent à tomber.» Retiré de la vie publique depuis 2017, Philip Mountbatten n’est sorti de sa retraite que pour une poignée d’occasions, notamment les mariages de ses petits-enfants, le prince Harry et la princesse Eugenie. Il coule des jours paisibles entre les châteaux de Buckingham, Windsor et Sandringham, aux côtés de la reine. Laquelle doit souvent repenser, peut-être avec un sourire, à ses 74 ans de mariage… et de grands moments de solitude au bras du prince Philip.
*Cet article, initialement publié le 9 juin 2020, a fait l’objet d’une mise à jour.
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