Le prince Philip, époux d'Elizabeth II, est mort

Le prince Philip s’est éteint ce 9 avril 2021 à l’âge de 99 ans. Celui que la reine Elizabeth II appelait son «roc» aura épousé tous les mouvements d’une famille, d’une nation, et de l’histoire du Royaume-Uni.

Deux pas derrière la reine : c’est ainsi que l’époux d’Elizabeth II aura officiellement passé une partie de son existence. Mais celui qui vient de s’éteindre à l’âge de 99 ans aura été «le roc» de la souveraine, selon les propres termes de cette dernière, pendant plus d’un demi-siècle. Et si Elizabeth II a battu le record de longévité sur le trône d’Angleterre – détenu par sa trisaïeule Victoria -, il a lui-même battu, en 2009, le record de longévité des princes consorts britanniques détenu par Charlotte, épouse de George III. Son décès a été annoncé sur le compte Instagram de la famille royale, le 9 avril.

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Né Philippe de Grèce et de Danemark, le 10 juin 1921 à Corfou, ce descendant de la Maison de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg est le cinquième enfant et seul garçon du prince André de Grèce et de la princesse Alice de Battenberg. Son nom de famille lui vient du père de celle-ci, Louis, né en Autriche-Hongrie mais citoyen britannique par naturalisation, qui, après une carrière dans la Royal Navy, a renoncé à ses titres allemands et adopté le patronyme de Mountbatten – une version anglicisée de Battenberg – en 1917, en raison du sentiment anti-allemand au Royaume-Uni pendant la Première Guerre mondiale.

Une mère schizophrène

Installée en Grèce, contrainte à l’exil en 1922, la famille du prince Philip s’installe en France. Six ans plus tard, Alice de Battenberg se convertit à la religion orthodoxe grecque. Mystique, diagnostiquée schizophrène, elle est envoyée de force dans un sanatorium suisse, en 1930, à l’âge de 45 ans. Le petit Philip a 9 ans, et rentre tout juste d’un pique-nique, lorsqu’il découvre le départ brutal de sa mère. Il ne la reverra brièvement que sept ans plus tard. Menant une vie modeste de religieuse à Athènes, elle s’illustre en sauvant de nombreux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais sera longtemps absente de la vie de son fils, qui entretiendra des relations tendues avec elle jusqu’à ce qu’en 1967, infléchi par la reine Elizabeth, il offrira à sa mère de résider à Buckingham Palace à la suite d’un coup d’État militaire qui l’a forcée à fuir son pays.

En vidéo, Elizabeth II et le prince Philip de 1947 à nos jours

Un mariage et quelques renoncements

Après des études en Allemagne, en Angleterre et en Écosse, c’est à l’âge de 18 ans, en 1939, que le prince Philip débute sa carrière militaire dans la Royal Navy. Et qu’il rencontre la jeune Elizabeth lors d’une visite de la famille royale au Royal Naval College de Dartmouth. La princesse n’a que 13 ans, mais Philip et elle entament une relation épistolaire et se retrouvent ensuite lors des permissions du jeune homme pendant la guerre. En 1943, Philip est invité à passer Noël au château de Windsor. En 1946, il demande finalement la main d’Elizabeth au roi George VI, qui accepte mais à quelques conditions : d’abord, que le couple attende les 21 ans de la princesse pour officialiser son union. Puis que Philip renonce à ses titres royaux, et quitte la religion orthodoxe grecque pour se convertir à l’anglicanisme. Il obtempère, devenant le lieutenant Philip Mountbatten.

L’annonce de leurs fiançailles a lieu le 10 juillet 1947, au retour d’un voyage d’Elizabeth en Afrique du Sud. Ils se marient le 20 novembre à l’abbaye de Westminster, quelques mois seulement après la fin de la guerre. La veille, le roi George VI décerne à Philip le prédicat d’altesse royale et, le matin même, le fait duc d’Édimbourg, comte de Merioneth et baron de Greenwich. Si 2000 personnes se pressent à Westminster et que la cérémonie, diffusée par la BBC, est suivie par 200 millions de téléspectateurs dans le monde, une partie de la famille du prince Philip dont ses sœurs, qui ont épousé des officiers allemands proches du régime nazi, ne sera pas la bienvenue.

En 1952, Elizabeth devient reine à la mort de son père : son époux doit désormais s’incliner devant elle. Elle le fera prince du Royaume-Uni en 1957 (et Lord Grand Amiral en 2011). Il poursuivra son parcours dans la marine avant de mettre définitivement fin à sa carrière active en 1951. Son «premier, second et ultime emploi», dira-t-il ensuite, «sera de ne jamais laisser tomber la reine».

En vidéo, le mariage d’Elisabeth II et du prince Philip: découvrez les archives de la cérémonie

Humour et tempérament

Ensemble, le prince Philip et Elizabeth II ont quatre enfants : le prince Charles (né en 1948), la princesse Anne (en 1950), Andrew (en 1960), duc d’York, et enfin Edward (en 1964), comte de Wessex. Il est décidé (par l’entremise de Winston Churchill) qu’ils porteront le nom de la maison Windsor ; le prince Philip a ainsi déploré être le seul homme du pays à ne pas pouvoir transmettre son nom à ses enfants, et aurait même hurlé devant la reine : «Je ne suis donc qu’une foutue amibe, ici !» Grâce à un décret datant de 1960, les descendants de Philip et Elizabeth ne portant pas de titres royaux peuvent cependant utiliser le nom de famille Mountbatten-Windsor. C’est le cas notamment du fils du prince Harry, baptisé Archie Harrison Mountbatten-Windsor.

En tant que prince consort, Philip assiste son épouse dans ses devoirs de souveraine en l’accompagnant à de nombreux dîners et cérémonies. Féru de polo, de navigation, d’aviation et de peinture, il est également parrain d’environ 800 organisations et associations, notamment dévouées à l’environnement, l’industrie, le sport et l’éducation. Ses apparitions officielles sont souvent marquées par des gaffes et autres traits d’esprits, frisant parfois la crise diplomatique. Mais son humour, apportant un peu de légèreté au sein de la monarchie, lui vaut la sympathie de bon nombre des Britanniques. Quant aux rumeurs de ses infidélités envers la reine, qui reconnaîtra que leur couple a traversé des «tempêtes», elles n’écorneront pas leur union, qui aura duré plus de soixante-dix ans.

En deux mots, de souche allemande, Philip de Grèce et du Danemark est né à Corfou sur une table de cuisine le 10 juin 1921. Pour l’anecdote : à l’âge de 18 mois, il est évacué dans un lit fait de cartons d’oranges à bord d’un navire britannique, avec ses parents et ses quatre sœurs aînées, alors que son oncle, le roi de Grèce, est déposé. (1947.)

Son physique avantageux de prince nordique charme les princesses, quoique sa gouvernante note son «attitude légèrement poseuse et désinvolte». Elizabeth a 13 ans lorsqu’elle tombe amoureuse de son grand et blond futur mari. (1947.)

Il l’a demandée en mariage en Écosse, à l’été 1946, mais les fiançailles de la princesse Elizabeth et du lieutenant Philip Mountbatten ne sont annoncées officiellement que le 10 juillet 1947, après un long séjour de la future famille royale en Afrique du Sud. (1947.)

Le mariage a lieu le 20 novembre 1947 à l’abbaye de Westminster. (Londres, 20 novembre 1947.)

En privé, un homme impliqué

En coulisses, sous les ors des palais, le prince Philip joue aussi un rôle capital dans la vie de la famille royale. Et notamment dans l’affaire qui l’a le plus ébranlée. Début 1981, alors que son fils, le prince Charles, commence à fréquenter une certaine Diana Spencer, il le somme de prendre rapidement une décision : convoler vite, ou rompre avant d’aller plus loin. Charles épouse donc la future Lady Di en février. Leur mariage aura le succès que l’on connaît. Cependant, quand le couple sera au bord du divorce, c’est le prince Philip qui écrira une lettre à Diana, déplorant la liaison extraconjugale de son fils avec Camilla Parker-Bowles mais lui demandant de renoncer à leur séparation. Diana refusera, tout en étant touchée par le courrier. Lors des funérailles de cette dernière, en septembre 1997, Philip marchera derrière son cercueil aux côtés du prince Charles et de ses petits-fils, les princes Harry et William. Ces derniers ayant auparavant hésité à prendre part à la procession, ils les auraient convaincus en promettant à William d’être près d’eux : «Si tu n’y vas pas, je pense que tu le regretteras plus tard. Si j’y vais, marcheras-tu avec moi ?»

La fin d’un autre règne

Le 4 mai 2017, Buckingham Palace a annoncé par communiqué que «Son Altesse Royale le duc d’Édimbourg a décidé de ne plus honorer d’engagements publics à partir de l’automne » et de se retirer de la vie publique. Le prince Philip a ainsi assuré son dernier engagement public le 2 août 2017, à l’âge de 96 ans. Hospitalisé plusieurs fois depuis 2008, il avait défrayé la chronique en étant impliqué, en 2019, dans un accident de voiture en sortant du domaine de Sandringham. Indemne, il avait cependant rendu son permis de conduire. Fin décembre 2019, il avait été hospitalisé pendant quatre nuits à l’hôpital Edward VII pour être «traité en observation en raison de problèmes de santé préexistants». Début janvier, la souveraine de 94 ans et son époux avaient reçu leur première injection de vaccin contre le coronavirus, au château de Windsor, où ils passaient la période de confinement.

En vidéo, prince consort, Philip, le roc d’Elizabeth II

Ces dernières années, le prince Philip s’était malgré tout offert quelques apparitions publiques, notamment lors du transfert de son titre de colonel en chef des Rifles, un régiment d’infanterie de l’armée britannique, à Camilla Parker-Bowles, désormais épouse du prince Charles, en juillet 2020. Mais il n’apparaissait pas sur les dernières photos de la famille royale. On dit qu’il était réticent à l’idée d’une grande fête pour ses 100 ans, en juin 2021. Mais les Britanniques sauront saluer la mémoire d’une figure phare de l’histoire moderne du Royaume-Uni. Et le roc à jamais de leur souveraine.

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