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Le jour où Tina Turner libéra la voie en révélant avoir subi des violences conjugales
- L’enfer du mariage
- Des révélations fracassantes
- "Je n’existais plus, mais j’ai survécu"
- Visage des violences conjugales, malgré elle
Elle avait survécu à tout. Le 24 mai 2023, Tina Turner s’est éteinte paisiblement dans sa résidence en Suisse, des suites d’une longue maladie, mais prête à accueillir la mort, ainsi qu’elle l’avait confié à ses proches. À 83 ans, la chanteuse était considérée comme une source d’inspiration pour sa carrière, mais aussi comme un modèle de résilience, elle qui a vaincu ses addictions, et qui a su se relever en dépit des violences conjugales dont elle a été victime.
L’enfer du mariage
En 1962, la jeune Anne Mae Bullock épouse Ike Turner, de huit ans sont aîné. Tous deux ont fait connaissance cinq ans plus tôt, en 1957, alors qu’elle était encore mineure. Séduit par sa voix, il l’engage d’abord comme choriste, puis l’aide à enregistrer son premier album. C’est sous son influence qu’elle prendra le pseudo de Tina Turner, alors qu’ils ne sont pas encore mariés.
Ike Turner a la réputation d’être un homme violent, égoïste, drogué. Il la convainc de l’épouser pour ne pas que sa propre ex-femme puisse récupérer la garde de ses enfants. Et si leur collaboration sera le début du succès pour la jeune artiste, son enfer personnel débute au même moment. En 1978, après 16 ans à subir des violences conjugales, Tina Turner parvient enfin à quitter son bourreau. Et, avec courage, elle décide de briser le tabou qui entoure à l’époque les violences au sein du coupe.
Des révélations fracassantes
En 1981, trois ans après son divorce, Tina Turner se confie dans les colonnes du magazine People, et l’affirme : « J’étais absolument terrifiée par cet homme. » Dans cette interview, la chanteuse donne des descriptions graphiques de la façon dont son ex-époux l’a forcée à regarder un spectacle sexuel dans un bordel le soir de leur mariage, la façon dont il la frappait avec un élargisseur à chaussures en bois ou avec des cintres alors qu’elle était enceinte, ou toutes les fois où il lui jetait du café bouillant à la figure.
En 1968, dix ans avant leur divorce, l’interprète de Simply the best a même tenté de se suicider pour se soustraire à ces violences. « Je me disais que la mort était la seule issue. J’ai même tenté de me suicider. J’ai avalé tous les cachets, cinquante pilules. Quand je me suis réveillée, j’étais malheureuse. Mais je suis sortie de l’obscurité avec l’envie de survivre. »
« J’avais peur d’en parler », regrette-t-elle. « J’avais peur de ce que Ike pourrait me faire si j’en parlais. Je me sentais obligée de rester, et j’étais terrifiée. »
Dans cette interview, la chanteuse se demande même si elle n’a pas souffert d’un véritable syndrome de Stockholm pendant cette union : « Je ne voulais pas lui faire de mal, et même après qu’il m’ait frappée, bien que je sois couverte de bleus, je me sentais désolée pour lui. Peut-être qu’il m’avait lavé le cerveau », glisse-t-elle, mettant en lumière un phénomène bien connu des victimes de violences conjugales.
« Je n’existais plus, mais j’ai survécu »
Le fait d’avoir pu trouver le courage de partir loin de cette « torture » restait l’une des plus grandes fiertés de Tina Turner : « Je vivais une vie de mort. Je n’existais plus », confiait-elle à People. « Mais j’ai survécu. Et quand je suis partie, je suis partie sans jamais me retourner. »
Sans Ike Turner, qui a toujours démenti avoir été l’auteur de violences contre son épouse, la chanteuse a dû rebâtir sa carrière, se reconstruire en tant qu’artiste alors qu’elle se reconstruisait en tant que femme, et en tant que mère. Un triple challenge dans lequel elle a excellé, prouvant sa résilience et sa force d’esprit.
Et selon le Dr Lenore E Walker, directrice de l’institut des Violences Domestiques aux États-Unis, le comportement de Tina Turner a sans doute sauvé des vies. « En 1981, on découvrait à peine l’ampleur des violences conjugales. Beaucoup pensaient que seules les femmes aux ressources limitées étaient victimes de ces actes », a-t-elle affirmé à la BBC en 2021, dans le documentaire Tina. « Quand Tina Turner en a parlé, ça a prouvé que les violences domestiques étaient partout. Les femmes n’étaient pas crues, aussi, quand une artiste aussi connue et respectée a parlé des violences conjugales dont elle a été victime, elle a donné du courage à d’autres femmes de faire de même. »
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Visage des violences conjugales, malgré elle
Pourtant, ce statut d’icône des victimes de violences conjugales, Tina Turner s’en serait bien passé. « Je n’aime pas ressortir de vieux vêtements, c’est pareil avec les vieux souvenirs, j’aimerais les laisser dans le passé et ne plus avoir affaire à eux », regrettait-elle en 2021 dans son documentaire. Son interview accordée à People en 1981, puis son autobiographie, Moi, Tina, en 1986, avait pour objectif de raconter son histoire une bonne fois pour toutes. Mais à chaque interview, et malgré ses demandes, les questions resurgissaient.
Beyoncé et Jay-Z en ont fait une chanson, Drunk in Love, où le rappeur affirme « Je suis Ike (…), mange le gâteau Anna Mae », en référence au biopic sur Tina Turner où cette dernière est contrainte de manger par son bourreau. Dans ce film intitulé What’s Love Got To Do With It et sorti en 1993, Angela Bassett incarne la chanteuse et vit à travers elle les violences conjugales dont elle a été victime.
Le calvaire de Tina Turner est devenu un morceau de pop culture. Et c’est peut-être Oprah Winfrey, sa grande amie, qui le résume le mieux dans le documentaire Tina : « C’est difficile d’envisager que les pires moments de votre vie puissent être une inspiration. »
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