La folle histoire de Britney Spears

Aux États -Unis, le sort de l’idole pop, sous tutelle de son père depuis 2008, suscite un engouement médiatique exceptionnel. Avant une énième audience au tribunal de Los Angeles, où elle demandera un changement de tuteur, le New York Times produit un documentaire qui tombe à pic.

Le 11 février dernier, une poignée de fans de Britney Spears, vêtus de rose (couleur qui à leurs yeux incarne leur idole, comme si elle continuait, à 39 ans, d’habiter le rôle d’ingénue de ses 16 ans), arpentent le trottoir déserté du tribunal Stanley Mosk de Los Angeles. Comme à chaque audience, qu’ils marquent sans faillir de leur présence, ils brandissent des pancartes «#FreeBritney» et «End the Conservatorship» (Arrêtez la tutelle). S’ils sont moins nombreux qu’à l’accoutumée, Covid oblige, leur mouvement de libération de la pop star a soudain pris une ampleur inespérée.

«J’ai toujours cru que tout finirait bien pour elle, mais je suis quand même soulagé de voir que le soutien apporté à sa cause est désormais mondial», remarque Dustin Strand, 29 ans. De fait, un peu plus de mille fans du monde entier et plusieurs avocats sont au même moment réunis sur Zoom pour parler de l’étrange situation de la chanteuse. «Britney Spears était dans une crise et cette crise s’est transformée en torture. Ils l’ont déchue de tous ses droits, même celui d’élever ses enfants», affirme, bizarrement au bord des larmes, une avocate spécialisée dans le droit de tutelle, Lisa MacCarley.

En vidéo, « Framing Britney Spears », la bande-annonce

Un père tout-puissant

Depuis treize ans, Britney Spears est sous la tutelle de son père de 68 ans, James Spears – ex-entrepreneur en bâtiment et ex-alcoolique d’un bourg sinistré de Louisiane, où Britney a grandi – avec lequel elle serait irrémédiablement brouillée à force d’être à sa merci. Sur les hauteurs de Thousand Oaks, une banlieue nord de Los Angeles, elle vit dans l’enceinte d’une geôle sans grilles ni miradors, mais sous l’œil de gardes du corps qui la surveillent pour la protéger, non seulement des autres mais aussi, affirme sa famille, d’elle-même. Le tribunal ne lui a jamais accordé le droit de choisir son propre avocat.

Celui qu’elle essaya en vain de retenir il y a douze ans, Adam Streisand, déclare aujourd’hui que «depuis 2008, son père et le juge semblent d’accord pour affirmer qu’elle est incapable de prendre des décisions. Si elle m’a semblé agitée lors de notre rencontre, je pense qu’elle avait la capacité mentale de prendre une décision rationnelle». L’avocat note cependant qu’il ignore la teneur du rapport psychiatrique, maintenu secret à la demande de James Spears. Aussi, seuls les médecins, la famille et la justice savent de quel mal souffre Britney. En septembre, une demande d’ouverture de son dossier au public, agressivement contestée par son père, lui a été refusée. Peut-être a-t-il peur d’être à son tour jugé pour le traitement infligé injustement à sa fille et déchu de son statut de pater tout-puissant…

130.000 dollars par an

Britney n’a le droit ni de conduire sa voiture, ni de gérer ses finances ou de prendre des décisions professionnelles, médicales ou familiales. Ses allées et venues sont contrôlées. Son entourage doit être approuvé. Elle ne serait même pas autorisée à acquérir elle-même un portable. Recluse dans son immense manoir, d’où elle ne sort pratiquement plus depuis le début de la pandémie, elle maintient le contact avec son public en filmant des Instagram stories qui font immédiatement l’objet d’analyses minutieuses comme d’interprétations sans fins par ses fans, persuadés qu’elle s’exprime en codes pour lancer des appels au secours.

Gardant un silence obstiné sur sa tutelle, craignant, dit-on, des représailles de son père, qui gère jusqu’aux visites de ses deux fils Sean Preston, 15 ans, et Jayden, 14 ans, Britney ne corrobore ni ne dément. La seule chose qu’elle réclame à cor et à cri par le biais de son avocat commis d’office, Samuel Ingham, est le remplacement de son père comme gardien. «Elle a peur de lui et refuse de retourner travailler tant qu’il gardera le contrôle de sa vie», a récemment déclaré l’avocat. Mais James Spears s’accroche désespérément à son rôle de gardien pour des raisons que d’aucuns jugent bassement matérielles. Il perçoit en effet un salaire fixe de 130.000 dollars par an, mais, en plus, il touche un pourcentage de 1,5 % des recettes générées par sa fille. Quant aux honoraires délirants (on parle de 9 millions de dollars) des avocats des deux parties, ils sont entièrement à la charge de la chanteuse !

Des pétitions pro-Britney

Il y a quelques mois encore, la situation de Britney Spears était largement méconnue du public. Seuls ses plus ardents fans suivaient de près ses tribulations et s’en alarmaient sur le Net, dans des forums de discussion. Leur indéfectible dévotion a fini par rencontrer un écho. Ont vu le jour une série de podcasts (Britney’s Gram, Eat, Pray, Britney), de sites web (Breath Heavy, Britspears.net), de campagnes Twitter et, dernièrement, une pétition réclamant pour Britney le droit de choisir son avocat.

Deux élus républicains influents, Matt Gaetz et Jim Jordan, ont demandé que soit tenue une audition sur la tutelle devant la commission des Affaires judiciaires au Congrès ! Même le New York Times s’y est mis. Sous la pression d’un récent documentaire télévisé du quotidien, Framing Britney Spears (1) (Piéger Britney Spears), le tribunal de Los Angeles a repris le dossier en souffrance. «En général, ce genre de mise sous tutelle est adopté en tout dernier recours dans les cas d’invalidités extrêmes ou de sénilité», s’étonne Lisa MacCarley. La très sérieuse ACLU (American Civil Liberties Union), ONG qui défend la liberté d’expression, vient de prendre publiquement position pour la star, lui offrant son aide.

La descente aux enfers

Le «dossier» Britney Spears est lancé par un juge de L.A en 2008 dans le fracas médiatique d’une spectaculaire descente aux enfers. Traquée sans relâche par un essaim de paparazzis qu’elle mène alors chaque jour, comme pour se divertir ou se repaître du danger, dans de folles courses-poursuites sans but, elle finit un soir par entrer chez un coiffeur choisi au hasard pour se faire raser le crâne sous l’objectif des photographes.

2007 : annus horribilis pour Brit-Brit qui, après s’être rasé la tête dans un salon de coiffure et avoir attaqué une voiture de paparazzo avec son parapluie, part en cure de désintox. (Une du Daily News, 18 février 2007.)

Quelques jours plus tard, elle s’attaque à la voiture de l’un d’eux à coups de parapluie. Son psychiatre s’alarme. Elle est transportée à l’hôpital, sanglée comme une démente sur un brancard. James Spears demande alors au tribunal d’être nommé tuteur légal, le temps que sa fille de 26 ans reprenne ses esprits et mette fin à sa consommation de substances illicites. Plusieurs séjours en centres de désintoxication n’ont servi à rien. Elle en est partie à chaque fois en claquant la porte.

À l’époque, personne ne conteste la décision du tribunal, pas même l’intéressée. Elle est perdue, malade, entourée de sangsues qui s’abreuvent d’elle et de sa fortune. Elle renie l’image qui lui colle à la peau, les mensonges qu’on lui a demandé de débiter, telle sa prétendue virginité quand elle fréquentait Justin Timberlake. Elle n’est pas la good girl que l’on croit. Bien au contraire. Ses fils, Sean Preston et Jayden, sont confiés à leur père Kevin Federline, dont elle a divorcé en 2007. Elle n’a plus aucun droit de visite.

“Il a menacé de me détruire…”

«Superfan de Britney», Jordan Miller suit son idole obsessionnellement depuis ses débuts. En 2009, il lance le mouvement #FreeBritney. Celui-ci retient immédiatement l’attention du patriarche. «Il m’a téléphoné furibond pour me menacer de me détruire, moi et mon site web. Il est vrai que je ne mâchais pas mes mots. C’était effrayant car il dispose de ressources que je n’avais pas. J’ai pris peur et fermé le site, et puis j’ai changé d’avis et l’ai relancé.»

James Spears a été un père absent durant la fulgurante ascension de sa fille poussée par son épouse Lynne, dont il est aujourd’hui divorcé. «Tout ce qui semblait l’intéresser est qu’elle devienne riche et lui achète un bateau», confie Kim Kaiman, l’une des premières agentes de la jeune Britney. «On ne le voyait presque jamais.» «Pourquoi lui ?» est la question que continuent de se poser les fans. «Qu’est-ce que Britney a bien pu faire pour mériter une telle punition ?», conclut Jordan. «Pourquoi le tribunal ne la laisse-t-il pas au moins changer de tuteur ?» Peut-être Jordan recevra-t-il enfin une réponse lors de l’audience du 27 avril prochain.

(1) Disponible en France sur Amazon PrimeVideo.

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