Julie Depardieu : "Je n’ai pas besoin du regard des autres pour exister"

Sur France 3, Julie Depardieu s’impose dans le rôle d’un médecin légiste. Dans la vie elle aime se retrouver dans sa maison et son jardin. Interview.

Paris Match. Depuis deux ans, vous interprétez Alexandra Ehle dans la série du même nom, sur France 3. Pourquoi avoir accepté, vous qui ne regardez aucune série ?

Julie Depardieu. Parce que le personnage me plaît beaucoup. Elle est singulière, un brin décalée. C’est une femme forte, qui suit ses intuitions. Je me régale à la jouer. Mais en tant que téléspectatrice, le principe même des séries m’effraie. Je gère mal mon temps et je peux me laisser aspirer. La vie est déjà suffisamment faite de digressions ! Dans mes groupes d’amis, je suis toujours celle qui n’a rien vu… à part “Dallas”, dans les années 1980 !

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Vous incarnez un médecin légiste. Dans la vie, avez-vous peur de la mort ?

Plus jeune, j’étais cynique. Je ne croyais en rien, persuadée que l’on redeviendrait poussière. Je pense différemment aujourd’hui. Je ne suis pas sûre que l’on s’éteigne complètement. On demeure vivant dans le souvenir des gens. D’ailleurs, je rêve souvent de mon frère, je le sens davantage présent que lorsqu’il était vivant. A sa mort, j’ai perdu ma moitié. Je n’avais plus envie de vivre, ma peine était immense. Maintenant, je suis convaincue qu’il est mieux quelque part qu’ici-bas. Cela me rassure. La mort n’est pas si dégueulasse.

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Vous avez reçu trois César. Que vous reste-t-il à accomplir dans votre carrière ?

Je préfère me focaliser sur mon existence. Plus jeune, lorsque j’étudiais la philosophie, j’ai suivi une analyse : je m’interrogeais sur la notion de “plaisir”. Ça va mieux aujourd’hui, mais je peux m’améliorer. Professionnellement, je suis une éternelle angoissée. Je n’avais aucune ambition, je souhaitais devenir fleuriste… J’ai appris sur le tas, sans certitude ni garantie de succès. Je doute de tout. Je souffre du syndrome de l’imposteur. J’ai été élevée à l’ombre d’un grand chêne, je ne suis pas dingue de soleil. Je suis discrète. Je n’aime pas que l’on me regarde et je n’ai pas besoin du regard des autres pour exister.

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La musique classique m’est aussi vitale qu’un médicament

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Quels films vous touchent ?

Peu me bouleversent. J’aime le cinéma quand il me procure la chair de poule. Dernièrement, je suis tombée en extase devant “Les climats”, de Nuri Bilge Ceylan : une introspection amère d’un couple en déliquescence… A contrario, je n’aime pas les comédies. J’ai besoin d’immensité, de sentir Dieu à chaque seconde, comme une vérité qui me tomberait dessus. J’écoute de la musique classique pour les mêmes raisons : je ne suis pas la fille la plus marrante pour s’éclater en boîte !

Vous vous passionnez pour la musique classique…

Elle tient une place essentielle dans ma vie. A la maison, on a chacun notre coin avec nos disques. J’en ai des centaines dont je ne peux pas me séparer, sans oublier Radio Classique, allumée toute la journée. Cette passion m’a frappée à 15 ans avec un cadeau, “Les trésors de l’opéra”. En écoutant la piste numéro 3, un extrait de “Don Giovanni” de Mozart, j’ai eu un déclic. La musique classique m’est aussi vitale qu’un médicament. Alors, évidemment, je me sens à côté de la plaque avec le style des chansons de Philippe. J’ai essayé de l’éloigner, je lui disais des saloperies, que je ne connaissais rien à son travail, que je préférais Wagner… mais il s’est accroché.

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Philippe me surprend, me chamboule. Je suis ébahie face à lui

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Et vous êtes en couple depuis une dizaine d’années…

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Oui, on s’est connus en 2008, pendant un shooting photo pour un magazine. Durant l’entretien croisé, interminable, on n’était d’accord sur rien. C’était impossible qu’il m’apprécie ! Un an plus tard, on me propose de tourner un film avec lui. D’emblée, j’ai refusé, convaincue que Philippe déclinerait également. Et j’ai su à ce moment qu’il m’adorait. J’étais surprise. Il était en couple et moi je n’étais pas prête, je venais de perdre mon frère. Il a fallu attendre 2010 pour que cela se concrétise.

Vous semblez si différents, Philippe Katerine et vous ! Vos univers ont l’air opposés. Comment expliquer cette alchimie ?

J’ai du mal à analyser ce genre de choses. J’agis à l’instinct. On rigole beaucoup, on s’entend bien. On se ressemble autant qu’on s’oppose. Il est moins bordélique que moi. D’ailleurs, lorsqu’il me dit : “Tu sais, je suis un simple d’esprit”, je réponds toujours : “Moi aussi.” Philippe me surprend, me chamboule. Je suis ébahie face à lui. Ce qu’il écrit est magnifique, sa poésie me touche… alors que je suis plus sensible aux auteurs du XIXe ! On s’aime autant dans notre folie que dans notre simplicité. Au quotidien, il est équilibré. Il met sa folie dans ses créations, le dessin, le chant ou l’écriture. Notre amour est mystérieux. Jamais je n’aurais pensé que cela me tomberait dessus. D’ailleurs, je ne voulais pas d’enfants, l’idée me faisait peur. Je ne pensais pas être faite pour la vie de famille.

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Mes enfants ont chacun leur caractère et, parfois, ils me rendent dingue. Philippe, lui, reste calme

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Pourtant, ensemble, vous avez eu Billy, 9 ans, et Alfred, 8 ans. Est-ce difficile de les éduquer ?

J’essaie de ne pas être leur copine. Ils ont chacun leur caractère et, parfois, ils me rendent dingue. Philippe, lui, reste calme. J’essaie de les responsabiliser, de les préserver de la folie du monde en leur donnant mon avis sur telle ou telle situation. Je ne prétends pas être Madame Je-Sais-Tout, mais je leur explique qu’ils doivent apprendre à réfléchir par eux-mêmes.

Ont-ils hérité de votre côté artistique ?

Billy aime écrire et joue un peu de piano, et Alfred s’est mis à la batterie. Mais nous ne les forçons pas. Nous ne voulons pas que l’apprentissage musical devienne une corvée. Le soir, ils ont un rituel avant de s’endormir : ils me demandent le même morceau de Chopin, “Nocturne op. 9 n° 1”. Ma petite victoire ! Nous avions choisi Alfred comme prénom en référence au pianiste autrichien Alfred Brendel. Quant à Billy, Philippe voulait l’appeler Bibi mais je n’étais pas très enthousiaste… Arielle Dombasle nous a soufflé Billy. J’aimais bien Billy Idol, mon frère aussi. On s’est rendu compte, plus tard, que Bill est le diminutif de William qui est la version anglaise du prénom Guillaume. Le hasard fait bien les choses.

A quoi ressemble votre vie de famille ? On l’imagine foutraque, excentrique…

Détrompez-vous, c’est très classique. On se couche tôt, on galère pour faire faire les devoirs. Le week-end, nous allons au marché. On se balade en forêt avec notre chienne Zouzou : un bon prétexte, car depuis que les garçons ont reçu leur première console de jeux vidéo, ils éprouvent une certaine flemme à sortir. Nous n’envisagions pas de les mettre devant un écran si jeune, mais c’était un cadeau de Noël. J’essaie de limiter leur temps de jeu. Quand c’est trop, j’éteins en débranchant la prise.

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Gérard n’a pas de limites : tout ce qu’ils n’ont pas le droit de dire, il le répète dix fois

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En devenant mère, avez-vous corrigé des blessures de votre enfance ? Gérard Depardieu a souvent confié ne pas avoir été un père présent…

Je ne peux pas me plaindre de mon enfance. Mon père a voulu faire rire ou émouvoir les gens, il ne m’a absolument rien fait. J’essaie d’agir au mieux. Je suis présente pour mes fils.

Quelle relation Gérard entretient-il avec ses petits-enfants ?

Ils sont proches. Il s’en occupe, il leur prépare à manger, ils s’amusent ensemble. Il adore les provoquer, leur balancer des bêtises. On croirait qu’il a 5 ans ! Les enfants sont interloqués. Billy me dit : “Pépé, il est pas cuit !” Gérard n’a pas de limites : tout ce qu’ils n’ont pas le droit de dire, il le répète dix fois. Je ne dis rien, ça reste rigolo. Philippe a insisté pour passer le confinement avec Gérard et les enfants en Anjou. On a adopté notre chienne Zouzou là-bas, on s’est occupés comme on a pu. Pour tenir dans cette période anxiogène, Philippe a organisé une mini-exposition entre nous : nous devions faire cinq dessins chacun et, ensuite, les afficher aux murs. J’ai réussi quelques aquarelles de fleurs et un portrait de Philippe. On a tous joué le jeu, Gérard, les enfants… On les a gardés en souvenir.

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Ma vie mondaine et nocturne est derrière moi

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Vous habitez Bougival. Pourquoi avoir choisi de vous éloigner de Paris ?

Il y a de la verdure, l’horizon est dégagé. Quand j’habitais Paris, avant de rencontrer Philippe, je me sentais oppressée. Je me laissais tenter par trop de sorties, de fêtes. En 2008, j’ai eu besoin de décompresser. Je suis revenue ici, où j’avais grandi. Dire que je m’étais juré, à 20 ans, de ne plus y mettre les pieds ! Ma vie mondaine et nocturne est derrière moi. Et je ne suis pas loin de la capitale si je veux aller à l’Opéra. J’ai planté un potager, je ne vais pas tarder à recevoir du fumier pour l’entretenir. Je m’intéresse à la permaculture, j’aime rêvasser en me promenant en bord de Seine. C’est le coin des impressionnistes, la Grenouillère, Claude Monet… Je suis passéiste. J’aurais rêvé vivre vers 1870, côtoyer Pauline Viardot, Georges Bizet et Guy de Maupassant. A Bougival, je m’imprègne de cette période que je chéris.

Votre frère a laissé une fille, Louise, 20 ans, qui vient de perdre sa mère, Elise Ventre. Comment va-t-elle ?

Elle suit des cours pour devenir comédienne. C’est une jeune fille solaire, drôle et très intelligente. J’admire sa maturité. A l’enterrement de mon frère, alors qu’elle n’était qu’une enfant, elle me disait : “Pleure pas, tata. Il est mieux là où il est.” Elle m’épate. On a une belle relation, elle connaît bien ses cousins. Nous avons passé Noël ensemble et on se voit régulièrement avec ma mère. Louise a une capacité de résilience extraordinaire. Elle atteindra les objectifs qu’elle s’est fixés.

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