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"J'avais ce rêve un peu fou de travailler avec Anthony Hopkins" : Florian Zeller, le Français récompensé aux Oscars 2021
Dimanche 25 avril, il est devenu l’un des Français récompensé aux Oscars avec le prix du meilleur scénario adapté pour son film The Father. Dont l’acteur principal, Anthony Hopkins, est également reparti avec une statuette.
Premier film, premier coup d’éclat. Avec sa première réalisation, The Father, adaptée de sa pièce de théâtre du même nom, Florian Zeller a décroché, dimanche 25 avril aux Etats-Unis, l’Oscar du meilleur scénario adapté. Porté par Anthony Hopkins, récompensé par l’Oscar du meilleur acteur, et Olivia Colman, également nommée, ce drame raconte la trajectoire intérieure d’un homme de 81 ans qui présente les premiers signes de la maladie d’Alzheimer, et de sa fille, Anne, qui tente de l’accompagner dans un labyrinthe de questions sans réponses. Au total, The Father était sur les rangs dans six catégories. Nous avions rencontré son créateur mi-mars, au lendemain de l’annonce des nominations.
Une aventure collective
«Ces nominations représentent beaucoup de joie et de gratitude. D’autant plus que le film devait sortir cette année, et que tout est provisoirement compromis. Mais d’avoir soudain des gens qui l’ont vu et qui l’accueillent avec autant d’enthousiasme, c’est une sorte de cadeau merveilleux. La nomination qui me fait le plus plaisir est celle du meilleur film, car The Father a été une aventure collective et que cette catégorie englobe toutes les personnes qui ont travaillé sur ce projet. Cela me bouleverse et me touche aussi particulièrement en tant que réalisateur, car cette nomination célèbre le film en tant qu’objet cinématographique dans son entité. A l’annonce des nominations, nous nous sommes bien sûr appelés avec Anthony Hopkins et Olivia Colman, parce que faire un film, c’est aussi partager une aventure affective et humaine. Paradoxalement à cette période où tout le monde est éloigné, nous sommes devenus très proches et avons beaucoup parlé virtuellement. L’expérience de ce film nous a amené sur un territoire émotionnel assez fort et j’ai l’impression qu’on s’est connectés les uns aux autres d’une façon assez inédite.»
Un petit déjeuner avec Anthony Hopkins
«Anthony est très doux, très tendre avec moi, et il partage beaucoup son émotion. Je crois qu’il est très heureux parce qu’à 83 ans, il a fait quelque chose de très courageux : je suis allé le voir pour lui demander d’explorer un nouveau territoire émotionnel et de se mettre dans un danger réel, en se connectant presque avec son propre sentiment de mortalité. Il m’a impressionné par son courage, son audace et sa générosité pour le projet. Quant à Olivia Colman, je n’avais pas écrit le scénario en pensant à elle mais c’est une actrice que j’aime depuis longtemps. J’étais même allé la voir jouer au théâtre à Londres. Elle m’a toujours impressionné par son intelligence émotionnelle, et j’ai eu l’intuition, très vite, qu’elle serait la meilleure pour le rôle de The Father. Mais je n’ai pas eu beaucoup de choses à faire pour la convaincre car Anthony Hopkins est une légende en Angleterre et pour jouer sa fille, elle aurait dit oui à n’importe quel scénario !»
Anthony Hopkins et Olivia Colman dans The Father.
«Quand j’ai commencé à rêver à la réalisation de The Father, le visage que je ne cessais de voir était celui d’Anthony Hopkins. J’avais une sorte d’obsession, de désir et d’espérance très grande de travailler avec lui, car je le considère comme le plus grand acteur vivant. J’avais donc ce rêve un peu fou. Comme il ne pouvait pas le faire en français, il fallait que je l’écrive en anglais. Cela a été beaucoup de travail : j’avais conscience que ce projet était légèrement irréaliste mais je me suis dit que tant qu’on ne me prouvait pas que c’était impossible et qu’Anthony Hopkins ne déclinait pas mon offre, il n’y avait aucune raison de ne pas continuer avec obstination.
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Un défi fou
«Le Père, ma pièce de théâtre dont le film est adapté avait beaucoup voyagé et avait remporté un Tony Awards à Broadway, l’équivalent des Oscars pour le théâtre. Sa «réputation» m’a aidé car grâce à elle, j’ai pu travailler avec Christopher Hampton qui a traduit toute mes pièces en anglais, dont The Father. J’ai ensuite envoyé le scénario du film à l’agent d’Anthony Hopkins comme on envoie une bouteille à la mer, c’est-à-dire avec beaucoup d’espérance mais avec la conscience de n’avoir peut-être jamais de retour.
Deux mois après, j’ai reçu un appel d’un numéro que je ne connaissais pas et qui se trouvait être l’agent d’Anthony qui avait lu mon scénario et souhaitait me rencontrer. J’ai pris un avion direction Los Angeles pour prendre un petit-déjeuner avec lui. Il voulait savoir qui j’étais, quelle était ma vision de ce film et si cela justifiait, à ses yeux, qu’il revienne en Europe pour le faire. Il a très vite été d’une grande générosité et d’un grand enthousiasme, m’a posé plein de questions et, à la fin de cette conversation, s’est levé, m’a pris dans ses bras et m’a dit «on fait le film». J’étais incroyablement heureux et soulagé mais il s’agissait que de la première étape : au final, la partie qui s’est révélée la plus compliquée a été de financer ce film indépendant sur le marché anglais. Il est beaucoup plus difficile de financer un film outre-Manche qu’en France car il n’y a aucune aide là-bas. Nous avons dû parcourir un long chemin et une longue année pendant laquelle on m’a annoncé plusieurs fois que le film ne se ferait pas.»
La cérémonie
«Je n’ai jamais assisté aux Oscars. Pour moi, ils font partie de la mythologie du cinéma. Mais d’une mythologie un peu lointaine, ce n’est pas là-dessus que ce sont cristallisés mes rêves. Ce qui m’anime beaucoup plus, c’est ma passion pour les acteurs, c’est aussi ce qui m’a connecté au théâtre pendant des années. J’aime passionnément les comédiens : pour moi, la récompense suprême est d’avoir la chance de partager un moment intense avec Olivia Colman, que je considère comme la plus grande actrice anglaise ou Anthony Hopkins, qui est une vraie légende.
Aux dernières nouvelles, ils vont organiser une cérémonie physique avec les nommés, comme aux Césars, et je serais heureux d’y assister mais tout peut encore changer à cause des restrictions sanitaires. Je n’ai donc pas commencé à réfléchir à un discours mais c’est déjà beaucoup de joie et de gratitude. Il me reste de cette aventure si intense et joyeuse un désir profond de faire d’autres films sans renoncer au théâtre qui est, selon moi, un des arts les plus simples et les plus beaux.»
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