Jane Fonda : "L’activisme est un bon antidote à la neurasthénie, croyez-moi !"

A 30 ans, elle sauvait le monde en tenue de Barbarella. Cinquante ans plus tard, Jane Fonda poursuit sa mission. Dans son viseur : les fossoyeurs de la cause environnementale. En 2019, pendant quatre mois, elle a manifesté chaque vendredi devant le Capitole. Elle publie aujourd’hui « Que faire ? », un livre-plaidoyer pour une planète plus verte. Fière de ses révoltes, lucide sur ses failles. Confidences d’une star qui cultive son feu intérieur.

C’est une inoxydable battante, mais l’année 2019 a bien failli avoir raison de sa résistance. Après une douloureuse opération des hanches, elle perd son frère adoré, Peter, d’un cancer du poumon en août, avant de se faire ouvrir le genou pour y mettre une prothèse. Oui, la plus belle femme du monde a maintenant de l’arthrose. « C’est de famille. Mon père, mon frère. On perd notre cartilage, ensuite c’est os contre os… l’horreur. » Entre son chagrin et les antidouleurs, la vaillante Barbarella est au fond du trou. En plus, Trump dirige l’Amérique !

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D’ailleurs, pendant le mandat de ce président honni, l’invincible a eu d’autres soucis de santé : une double mastectomie en 2016 et un cancer de la lèvre en 2018. Arrivée à un talk-show avec un pansement au coin de la bouche, elle n’en fait pas mystère. « Il a fallu enlever les cellules cancéreuses autour. Bon, j’ai trop célébré le soleil dans ma jeunesse. Conséquence : je dois à tout bout de champ me faire enlever un grain de beauté avant qu’il vire au mélanome. » Et de dédramatiser : « Dans un monde qui part en lambeaux, c’est quoi une lèvre ? » Il y a pire qu’un cancer ? « Oui ! Le dérèglement climatique. »

C’est en refermant le livre de Naomi Klein « Plan B pour la planète : le New Deal vert » que, de sa Californie natale, l’actrice a le déclic. Elle va s’engager de toutes ses forces dans ce combat pour l’environnement. Mettre sa célébrité au service de la cause. Ça commence par quatre mois d’exil à Washington pour les Fire Drill Fridays : chaque vendredi, des manifs et des meetings suivis d’arrestations applaudies, mais aussi quantité de rencontres stimulantes. Comme il faut bien nourrir sa notoriété, l’actrice aux soixante films entrecoupe ses poings levés de retours à Los Angeles pour tourner les épisodes de l’hilarante série « Grace and Frankie » (7e saison !).

Son divorce d’avec Ted Turner en 2001 – après dix ans d’union avec cet incorrigible infidèle – l’a mise à l’abri du besoin : elle aurait empoché 70 millions de dollars. Mais, la divine l’a déjà prouvé, elle peut vivre de peu. Enfin, selon les critères hollywoodiens : elle est passée en 2017 d’une maison à 13 millions de dollars à une plus « modeste » estimée à 5 millions. Dans un sobre décor immaculé et de très bon goût, son assistante peut continuer à travailler au rez-de-chaussée tandis que « Madame » s’isole à l’étage, entre ses livres, ses conversations par Zoom, ses séries télé et son petit chien.

Rien de plus excitant que d’aller militer avec les vraies gens, enroulée dans son manteau acheté en solde. Libérée de ses peines, Jane publie un livre de 350 pages sur ce come-back activiste, « Que faire ? Du désespoir à l’action, sauvons la planète ! ». Ce pourrait être rébarbatif, c’est incroyablement vivant, instructif, plein d’anecdotes, de souvenirs. À l’image de l’auteure, le ton est aussi joyeux et drolatique que poignant et direct sur ces mois si intenses. À 83 ans, la reine du fitness ne cache pas ses fatigues physiques, ses « vieilles copines », ses surprises devant une nouvelle génération qui ne la connaît même pas. Son enthousiasme est communicatif. On rêve d’une Jane Fonda française. Elle nous a accordé une heure d’entretien depuis chez elle, à Beverly Hills.

« J’ai dû attendre d’être célibataire et travailler dur sur moi-même pour enfin me tenir fièrement sur mes deux jambes »

Paris Match. Vous avez quitté votre douce Californie pour quatre mois dans le froid de Washington, les meetings, la foule, les arrestations…

Jane Fonda.Moi, je suis une dure et quand je m’engage, je suis à fond. J’ai horreur du froid, mais mon activisme n’en tient pas compte. Tout le monde est tombé malade là-bas, sauf moi. J’étais déterminée. On ne savait pas du tout s’il y aurait du monde à nos meetings. Les premières semaines, ils n’étaient qu’une poignée de curieux ! Mais il y avait tellement de joie, d’amour, de chaleur, d’embrassades, principalement des femmes.

« Je ne voulais pas être une Américaine se dressant contre mon propre pays depuis la France ! Alors j’ai tout lâché : Vadim, la France pour aller mener mon combat »

Oui, justement, on observe que les femmes sont en première ligne dans ces Fire Drill Fridays.

Les femmes sont les premières à souffrir du climat, ce sont elles les responsables de la cuisine, du bois, de l’eau… Et dans nos pays développés, s’il y a une tempête, une inondation, une sécheresse, un feu, leur travail devient plus dur, ça retombe sur leurs épaules. 80 % des réfugiés climatiques sont des femmes et ce sont les dernières à être sauvées, avec les enfants. Plus de femmes meurent en cas de catastrophes météorologiques, les enfants sont affectés les premiers par la pollution de l’air. Mais c’est aussi en elles que résident les solutions. Quand elles sont chefs d’État, elles sont les premières à signer les traités sur le climat, les protocoles.

Vous êtes convaincante et fluide quand vous parlez au micro. Ça n’est pas un rôle d’actrice ?

Ah non ! Pas du tout. Mais vous savez, j’ai cinquante ans d’expérience militante ! Ma première manifestation date de 1967, et c’était à Paris. Simone Signoret m’y avait emmenée. Il y avait là Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre qui s’exprimaient au micro. Ce fut mon baptême. Ça m’a inspirée !

Simone Signoret fut importante pour vous ?

Essentielle ! J’habitais à Paris avec Vadim. Quand j’ai commencé à comprendre ce qu’était la guerre du Vietnam, je suis allée la voir dans sa maison à la campagne. Elle m’a invitée à déjeuner. Elle m’a ouvert la porte et a lâché : “Comme j’ai attendu ce moment !” Elle voulait dire qu’elle souhaitait ma venue et mes questions ! C’était compliqué pour moi : j’étais mariée, enceinte, et si je voulais me dresser contre cette guerre, je sentais que je devais partir, m’arracher à ma vie en France et rentrer dans mon pays. Simone ne m’a jamais dit : “Tu dois partir”. Mais elle m’a raconté les origines de l’Indochine, le rôle des colons français, ce qu’elle savait des activistes qui luttaient contre le colonialisme. Elle m’a ouvert les yeux. Simone fut pour moi un mentor très important. Et je l’aimerai pour toujours.

Vous êtes allée aux manifestations de mai 1968 avec Vadim ?

Non, je ne pouvais pas. Vadim était progressiste ou anarchiste, je ne sais pas trop. Il savait que la guerre au Vietnam n’était pas une bonne idée mais il n’était pas un militant. Et moi je ne voulais pas être une Américaine se dressant contre mon propre pays depuis ma résidence en France ! Alors j’ai tout lâché : Vadim, la France pour aller mener mon combat, qui était plus important que ma vie privée.

Que pensez-vous du verdict du procès de Derek Chauvin ? Vous attendiez-vous à cette conclusion équitable ?

Je l’espérais de tout mon cœur. Figurez-vous l’horreur : ça n’est déjà pas facile de tenir physiquement neuf minutes contre quelqu’un qui se débat, même de rester assise immobile pendant neuf minutes. Vous rendez-vous compte ce qu’est s’acharner de tout son poids sur le cou de quelqu’un pendant neuf minutes ? Cela signifie qu’il avait l’intention de tuer cet homme. Mais des passants ont tout filmé. Devant de telles preuves, s’il n’y avait pas eu ce jugement “guilty, guilty, guilty” (coupable), je me disais qu’il y aurait une révolution. Oh boy ! J’avais très peur. Quand j’ai entendu le verdict, j’ai pleuré. Mais le travail ne fait que commencer : les gens sont encore sous le choc, nous devons en tirer profit. En tant que Blancs, on doit expliquer que si les Noirs obtiennent leurs droits, ils n’enlèvent rien aux Blancs ! Ces injustices raciales blessent tout le monde.

Avez-vous découvert tardivement ce racisme américain ?

Non, j’ai travaillé pour les Black Panthers dans les années 1970, mais je ne comprenais pas en profondeur l’histoire du racisme. Il a fallu l’élection de Trump pour que je me mette à lire tous les ouvrages sur le sujet. Pour en saisir les racines. J’ai passé ces quatre dernières années à cela. Ma conclusion : sans racisme, il n’y aurait pas de crise du climat. Notre arrogance, notre obsession productiviste nous conduisent à exploiter l’Afrique, l’Amazonie… à raser leurs forêts, voler leurs ressources, les réduire à la misère. Notre mépris pour ces peuples a engendré le bouleversement des écosystèmes, l’acidification des océans, le réchauffement climatique.

Vous avez adopté une petite fille afro-américaine, Mary, quand vous étiez mariée avec Tom Hayden dans les années 1970.

Oui, elle a aujourd’hui le même âge que ma fille biologique, Vanessa, que j’ai eue avec Vadim, la petite cinquantaine.

Avez-vous persuadé vos enfants et petits-enfants de venir manifester avec vous pendant ces quatre mois ?

Non, ils sont venus tout naturellement, par eux-mêmes. Vanessa la première, deux fois. Puis une troisième fois, avec ses enfants, Malcolm et Viva.

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«Que faire?», de Jane Fonda, éd. Albin Michel, 352 pages, 21,90 euros.

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