INTERVIEW – Stromae : « La paternité lui a fait du bien », selon un proche

Phénoménal, Stromae l’est, à plus d’un titre. Un livre, signé par le journaliste belge Thierry Coljon qui le suit depuis ses débuts, décrypte son ascension et son retour sur scène, de façon documentée et passionnante. Entretien.

Multitude. C’est le titre du dernier album de Stromae, sorti le 4 mars 2022. Le nom de la tournée qu’il vient de relancer ce 4 mars 2023, une semaine avant son trente-huitième anniversaire, aussi. Un déploiement de ses multiples facettes – résilient, amoureux, père – et de ses multiples talents – écriture, interprétation, mise en scène –, qui claquera dans la salle Paris La Défense Arena, plus grand stade couvert d’Europe, les 16 et 17 juin. L’éventail du métis belgo-rwandais Paul Van Haver, son nom pour l’état civil, a toujours été vaste. Sa réussite, un vrai plan de bataille, malgré un burn-out en 2015. Thierry Coljon, journaliste du quotidien belge Le Soir, interlocuteur de Paul dès 2010, année de sa révélation, et auteur de Stromae, les dessous d’un phénomène (Editions Margarda), paru ce 14 mars, l’analyse, avec un savoir de… maestro.

Gala : Vous suivez Paul Van Haver, alias Stromae, depuis 14 ans. Pour quelles raisons vous êtes-vous pris de sympathie pour lui, alors qu’il était encore peu connu?

Thierry Coljon : Son premier album n’était pas encore sorti qu’il triomphait déjà avec sa chanson Alors on danse. Ma fille m’a confirmé qu’il résonnait chez les jeunes. Je voulais savoir si ce jeune artiste allait être l’homme d’un seul tube ou d’une plus longue carrière. Ses paroles dépressives, sur une musique enjouée, aiguisaient ma curiosité. Après écoute de son album Cheese, j’ai demandé à le rencontrer, et là, j’ai découvert un jeune homme aussi profond qu’adorable. J’ai proposé au Soir de le suivre sur une journée pour en apprendre plus sur ses origines, sa jeunesse. On ne connaissait pas encore son histoire. Je lui ai proposé deux fois d’écrire sa biographie, en 2011 et 2013, mais il a refusé les deux fois ! La première fois, parce qu’il se trouvait trop jeune ; la seconde, parce qu’il n’était pas encore mort ! Stromae, les dessous d’un phénomène est une demande de l’éditeur Margada, plutôt spécialisé dans les ouvrages de psychologie. Ce n’est pas une biographie à proprement parler, mais une analyse à partir de ce que j’ai déjà pu reporter sur lui, depuis ses débuts.

« Avec Coralie, ils ont quitté leur appartement de Forest pour une maison à Uccle »

Gala : Lorsque vous le rencontrez à l’aube des années 2010, Stromae a-t-il déjà ce rapport très distancié avec la célébrité ?

Thierry Coljon : Oui, et c’est sans doute son paradoxe : il a toujours été très ambitieux, mais il n’a jamais voulu être considéré comme une star. L’exemple le plus parlant est la création de son label Mosaert, avant même qu’il ne devienne célèbre. C’était une façon de prendre sa destinée en main, d’assurer sa liberté créative. Il a tout de suite imposé ses règles avec cette structure. Beaucoup de jeunes artistes, comme Angèle, ont suivi son modèle. Il a toujours décidé de tout. Je me souviens que son premier manager, auquel je voulais consacrer un portrait, m’avait redirigé sur lui, il me fallait son autorisation ! Paul a conçu le personnage de Stromae, c’est une création dont il veut garder le contrôle. Mais son succès l’a dépassé, épuisé physiquement, moralement, lors de son Racine Carrée Tour, en 2015. Stromae, je le rappelle, est belge. Chez nous, dès que quelqu’un commence à se prendre pour une star, on se fout de sa gueule. Maurane ou Arno, vous pouviez les rencontrer à la supérette ou au bistrot du coin. Complexe d’infériorité par rapport à la France, peut-être. Mais la Belgique, c’est tellement petit qu’on ne se la pète pas. Mais cette simplicité, c’est sans doute ce qui plaît à Stromae, la raison pour laquelle il continue de vivre chez nous. Il n’a jamais quitté Bruxelles et ses environs. Avec son épouse Coralie, ils ont quitté leur appartement de Forest pour une maison à Uccle, mais Stromae garde ses bureaux avenue Louise, à Bruxelles. Son seul moteur, c’est de rester créatif.

Gala : A vous lire, on a presque l’impression que le succès de Stromae, c’est celui d’une famille.

Thierry Coljon : Sa mère, ses frères ont été des soutiens, c’est vrai. C’est son grand frère Dati Bendo, photographe de mariage à la base, qui a réalisé la pochette de son premier album. Son petit frère, Luc Junior Tam, est resté l’un de ses plus proches collaborateurs, Stromae n’acte rien sans son avis. Et puis, il y a la maman, très discrète, mais qui était à Kigali avec lui, en 2015, qui prend des photos. Elle est à la base de sa culture musicale, elle l’a initié aux musiques du monde tout autant qu’à la musique classique. Coralie, la styliste et l’épouse de Stromae, est également devenue incontournable. Cet entourage le rassure. Il sait qu’il peut leur faire confiance. Certains magazines belges ont essayé de recueillir des confidences de la famille, mais ils restent bouche cousue et tiennent à leur anonymat. Si Coralie est apparue et montée au côté de Stromae sur scène, lors des dernières Victoires de la Musique, c’est parce qu’il souhaitait honorer son travail, la mettre en avant en tant que contributrice de son succès. A Bruxelles, on peut les croiser dans la rue, dans des restaurants, sans garde-du-corps. Ils ne se cachent pas, car ils savent qu’on respecte leur discrétion. Stromae réfléchit surtout à ses apparitions en tant qu’artiste, il veut que chacune soit originale, comme sa participation au JT de TF1, début 2022.

Gala : A la limite d’être control freak.

Thierry Coljon : L’originalité, la singularité, c’est une obsession, oui. Jean-Jacques Goldman l’a sollicité pour rejoindre la troupe des Enfoirés, il a été touché, mais il a décliné, car il ne pensait pas retrouver ses repères. Stromae est un angoissé qui a besoin d’un cadre très défini. Sur une tournée, ses concerts sont joués à l’identique.

« Emmener son fils à l’école, le ramener sont de nouvelles priorités »

Gala : Stromae a quand même osé quelques élans de spontanéité sur Instagram, en déclarant son amour pour Coralie.

Thierry Coljon : Ça, c’est assez nouveau, oui. Ce n’était pas son habitude avec celle qui a précédé Coralie. Mais s’il le fait, c’est parce que Coralie est indissociable de son succès. Elle co-signe l’univers visuel de Stromae. Ceci dit, ils ne font pas étalage de leur vie privée. Quand ils ont réuni famille et proche pour leur mariage en décembre 2015, tout le monde pensait qu’il s’agissait de fêter la fin du Racine Carrée Tour. Les gens étaient un peu gênés quand ils ont découvert le motif de leur rassemblement, ils auraient voulu venir habillés différemment, avec un petit cadeau. Mais Stromae et Coralie ne voulaient pas de photos qui fuitent. Il n’y en a eu aucune. Certains invités n’ont d’ailleurs confirmé leur présence à ce mariage qu’une fois qu’il a été rendu publique. Stromae est un peu moins control freak, il l’a reconnu lui-même. La paternité lui a fait du bien. Emmener son fils à l’école, le ramener sont de nouvelles priorités. Il est mieux dans sa peau qu’il y a dix ans.

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Gala : Faut-il craindre une nouvelle éclipse, comme celle de six ans qui a précédé l’album Multitude ?

Thierry Coljon : Je ne pense pas qu’il se fixe de dates. Avant de se retirer en 2015, il avait déjà évoqué à la télévision hollandaise son envie de disparaître un peu, pour ne pas lasser les gens. Il n’a jamais cessé d’écrire ou de composer pendant qu’il se soignait. Il pourrait se retirer à nouveau pour réaliser un long-métrage, il a étudié le cinéma, ça le passionne. Ce sera peut-être pour monter une comédie musicale ou écrire un livre pour enfants. Comme tous les créatifs, il ne se pose pas de limites. Je doute qu’il abandonne complètement la musique.

Crédits photos : Cyril Moreau / Veeren / Bestimage

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