Interview de Jane Seymour : “Vieillir a aussi des avantages !”

À 72 ans, la célèbre héroïne de “Docteur Quinn, femme médecin”, série créée il y a trente ans déjà, peut se targuer d’une belle carrière. Elle nous en livre quelques anecdotes croustillantes…

C’est un petit bout de femme juchée sur une paire de talons aiguilles vertigineux. Ajoutez à cela, une plastique irréprochable emballée dans une robe bleu électrique. Du genre qui flashe les mirettes ! Sans oublier ce sourire qui fleure bon la sincérité et la bienveillance.

À 72 ans, l’Américano-Britannique Jane Seymour partage avec nous quelques souvenirs et anecdotes du tournage de Vivre et laisser mourir. Un James Bond sorti en salle en 1973, il y a tout juste cinquante ans et dans lequel elle donnait la réplique au regretté Roger Moore. L’occasion également de revenir sur les grandes étapes de sa vie, de sa carrière et notamment sa participation à Docteur Quinn, femme médecin, une série devenue culte qui avait rencontré un grand succès dans nos contrées.

France Dimanche : En 1973, il y a tout juste cinquante ans, vous incarniez l’envoûtante Solitaire, une cartomancienne voyante et vierge qui était également la compagne du redoutable et redouté Dr Kananga…

Jane Seymour : J’avais 20 ans quand j’ai tourné ce James Bond. Roger Moore était beaucoup plus vieux que moi. Je me souviens de ma première fois avec lui sur le plateau. La production avait prévu de me photographier. Je devais être nue, et seuls mes cheveux, qui étaient plus longs et plus épais qu’aujourd’hui, étaient censés recouvrir mes seins ! Quand j’y songe, je me dis que je n’avais vraiment pas froid aux yeux. Quelque part, j’étais même plutôt insouciante ! Pour les besoins de la promotion, je devais aussi embrasser Roger pendant la séance photo. Sa femme, Luisa, l’a alors engueulé parce qu’il s’y prenait comme un manche !

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“Être au lit avec Roger Moore pour la scène de sexe était vraiment embarrassant.”

FD : Sans blague…

JS : Je vous jure que c’est vrai ! Je l’entends encore lui dire : « Non Roger, on n’embrasse pas une dame ainsi ! Pas comme une bête ! Vas-y ! Recommence ! ». La production m’avait offert le rôle sans me faire passer aucune audition. Être au lit avec Roger Moore pour la scène de sexe était d’ailleurs vraiment gênant. Roger était si peu à l’aise et si timide que nous avons dû refaire la prise des dizaines de fois. Je finissais par m’endormir pendant les nombreuses pauses. Les techniciens, qui étaient adorables, ne me réveillaient pas. Ils attendaient que les lumières et la photographie soient réglées pour venir me voir avec une tasse de thé !

FD : Pour jouer Solitaire, la production voulait Catherine Deneuve. C’est pourtant vous qui avez décroché le rôle. Qu’est-ce que vous aviez en plus qu’elle n’avait pas ?

JS : Je pense qu’il cherchait une brune ! Je crois surtout qu’Albert R. Broccoli, qui était tout puissant en tant que producteur de ces 007, m’avait repérée dans La Grande Aventure de James Onedin. Une série britannique dont l’action se déroulait à Liverpool au XIXe siècle.

FD : Est-il vrai que Roger Moore était comme un grand enfant sur le plateau ?

JS : Roger était un homme charmant. Il était vraiment très drôle. Je me souviens qu’il avait demandé à ce que l’espion qu’il incarnait ne sorte jamais sans son cigare. Une clause dans son contrat stipulait d’ailleurs qu’il devait être approvisionné en Montecristo pendant toute la durée du tournage. Il était surtout connu pour ses coups pendables ! Un jour, il m’a joué un tour que je ne suis pas près d’oublier.

FD : Racontez-nous…

JS : Nous déjeunions chaque jour avec les équipes du plateau sur ces grandes tablées montées sur des tréteaux. Je m’asseyais systématiquement avec les autres acteurs. Je ne sais pas pourquoi, mais le sel et le ketchup étaient toujours placés en bout de table. Si bien que je dérangeais invariablement les autres convives pour qu’on me les passe. Et au cours d’un déjeuner, alors que je demandais du sel pour la énième fois, tout le monde s’est levé en même temps et est parti. Je n’ai rien compris. J’avais 20 ans. J’étais dévastée. J’ai même commencé à pleurer. Je pensais qu’ils en avaient marre que je les importune. Roger et les techniciens ne sont même pas revenus me dire que c’était une blague. Ce que je n’ai découvert que bien des années plus tard, en lisant l’autobiographie de Roger Moore. Il y avait même un passage dans lequel il écrivait que son plus grand regret était de m’avoir fait cette farce ! Avant qu’il ne meure, j’avais passé une heure avec lui en Angleterre. J’étais seule avec lui. Je lui ai dit que j’avais lu cette histoire dans son livre. J’ai même ajouté que j’avais apprécié qu’il réalise à quel point cela m’avait blessée.

“Parfois je me demande si je n’ai pas eu plusieurs vies.”

FD : Quand vous regardez dans le rétroviseur de la vie, êtes-vous nostalgique de vos 20 ans ?

JS : Il est vrai que j’étais un peu plus souple, que je courrais plus vite et sans être essoufflée. J’avais aussi la peau beaucoup plus lisse. Mais en y réfléchissant bien, vieillir a aussi des avantages. On n’est plus en phase avec soi-même déjà et on aborde l’existence avec plus de sagesse et de philosophie. Quand j’y songe, j’ai eu une vie incroyable. J’ai vécu des choses extraordinaires, j’ai rencontré des gens fascinants. J’ai tellement de souvenirs plein la tête que, parfois, je me demande si je n’ai pas eu plusieurs vies, plusieurs destins ! Aujourd’hui, je n’ai plus rien à me prouver ou à prouver. Je dispose d’une liberté totale ! Comme je ne suis plus mariée [Jane a divorcé de son quatrième mari en 2015, ndlr], je suis une femme libre et 100 % indépendante. Je dirige ma propre entreprise [de meubles et décoration, ndlr]. Je vais même vous avouer quelque chose. Si j’avais su que c’était si chouette d’être seule, je l’aurais fait bien plus tôt ! [Rires.]

FD : Qu’est-ce qui vous en a empêché ?

JS : Le courage et probablement la peur de décevoir ou de m’opposer aux bons usages ! J’ai été élevée à une autre époque ! Celle où les femmes avaient tendance à croire que les hommes savaient mieux qu’elles et ne les laissaient pas s’exprimer ! J’ai mis des années à comprendre que c’était faux ! Aujourd’hui, je ne suis plus sous la coupe d’un homme. Je vis pour moi. Je voyage, je peins, etc. Et puis, entre nous, je ne vais pas aller sur Tinder pour aller trouver l’âme sœur !

“Je suis une mamie très concernée par le réchauffement climatique.”

FD : Bref, vous profitez de la vie…

JS : Oui ! J’ai ma maison à Malibu. Au bord de la mer. Tous mes enfants vivent en Californie. Dans mon potager, que j’enrichis avec du compost, je fais pousser mes légumes. J’ai aussi une basse-cour avec des poules. Je recycle mon eau. J’ai installé des panneaux solaires sur mon toit et je conduis une Tesla. Je m’efforce d’être une bonne citoyenne et de montrer l’exemple à mes petits-enfants. Bref, je suis une mamie très concernée par le réchauffement climatique.

FD : Comment faites-vous pour afficher une telle ligne ?

JS : Honnêtement, il n’y a aucun secret. J’ai une vie saine, voilà tout. Il n’y a ni régime miracle, ni pilules spéciales, ni entraînement spécifique avec un gourou à domicile. Le matin au réveil, je ne me pose pas la question de ce que je vais absorber tout au long de la journée. Bien sûr, ça ne veut pas dire non plus que je mange n’importe quoi ! Je m’efforce d’équilibrer les menus et d’opter pour des portions modérées.

FD : Pas de sport ?

JS : Chez moi, j’ai une salle entièrement équipée d’appareils de musculation. Mais il faut bien l’avouer, je ne m’en sers pour ainsi dire jamais. Je suis quelqu’un de très occupée dans la vie. Le temps qu’il me reste, je préfère le consacrer à ma famille plutôt qu’à mon ego !

FD : Finalement, vous êtes une sacrée vernie : un physique impeccable, un métier de rêve, de beaux enfants…

JS : Incontestablement. Mais j’ai aussi eu mon lot de souffrances. Comme toutes les femmes. Avant d’accoucher de Kristopher et de John, j’ai subi deux fausses couches, dont une en direct à la télévision ! J’avais commencé à ressentir de violentes contractions alors que les caméras étaient braquées sur moi. Comme le programme était en direct, je me suis efforcée de rester souriante. À la fin de l’émission, James [Keach, son mari, ndlr] m’a prise dans ses bras et m’a transportée d’urgence à l’hôpital. Avec un métier « standard », j’aurais peut-être pu réagir autrement. Seulement voilà, j’exerce la profession de « performer ». Je me devais de dissimuler mes souffrances car comme vous ne l’ignorez pas « the show must go on » !

FD : Comment avez-vous réagi à la fin de Docteur Quinn ?

JS : J’étais abasourdie, triste. Je ne comprenais pas pourquoi, après six ans d’un succès planétaire, ce show vendu dans 98 pays s’arrêtait net ? Pour moi, c’était un peu comme si on tuait la poule aux œufs d’or. Mais je n’ai pas l’impression que le « docteur Quinn » soit vraiment mort. Elle est encore en moi et dans tous les esprits. La seule chose qui m’a fait du mal, à la rigueur, c’est la disparition d’une grande partie des décors originaux de la série. La ferme a été démontée, ainsi que l’école, l’hôtel, la gare, l’église. Tout cela coûtait trop cher à entretenir.

FD : Et quid du costume du docteur Quinn. L’avez-vous gardé ?

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JS : Et comment ! Il trône encore aujourd’hui fièrement dans mon dressing ! Ainsi que ma valise de médecin, mon chapeau et mes bottines. Il ne me manque plus que le cheval et des malades à soigner ! [Rires.]

FD : Est-il vrai que vous parlez couramment le français ?

JS [en français dans le texte] : Oui ! Et je peux même dire sans aucun accent !

FD : Où avez-vous appris la langue de Voltaire ?

JS : Il m’a toujours été très facile d’apprendre d’autres langues ! Ma mère, qui était née aux Pays-Bas, parlait cinq langues couramment. Mon père, qui était anglais d’origine polonaise, maîtrisait aussi le français. J’ai aussi séjourné quelques mois à Genève. Très vite, j’ai pris l’accent suisse. J’ai aussi passé un peu de temps en France, où je me suis familiarisée avec le bordeaux et l’argot !

FD : L’argot ? Intéressant ! Pouvez-vous nous en donner un petit échantillon ?

JS : « T’as les boules ! », ou « Ramène ta fraise ! » Pas mal, hein ? [Rires.]

Propos recueillis par Franck ROUSSEAU, notre correspondant à Los Angeles

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