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Interview 1H avec Paul El Kharrat : “J’adorerais tomber amoureux et avoir des enfants !"
Des Douze Coups de midi aux Grosses Têtes, il a éclairé l’autisme Asperger sous un jour solaire. Mais dans un nouveau livre, Paul révèle sa part d’ombre. Interview vérité.
Public : Pourquoi avoir écrit ce livre ?Pour aider ceux qui s’interrogent sur le syndrome d’Asperger ?
Paul El Kharrat : Je voulais parler du syndrome, certes, pour que des gens se reconnaissent et obtiennent potentiellement un diagnostic. Mais je souhaitais aussi faire prendre conscience de tous les efforts que j’ai dû fournir, de ce que j’ai dû endurer pour en arriver là. Je ne suis pas uniquement rayonnant, agréable, gentil, comme à la télé. Je suis parfois aussi agressif, dépressif et peu tolérant.
“Je suis parfois agressif et peu tolérant”
Vous expliquez que devoir toujours vous adapter aux autres est épuisant. Impossible pour vous de décrocher ?
Non. Je ne fais que réfléchir, songer, méditer. Ça ne s’arrête jamais. Certains arrivent à se vider la tête, pas moi. Même la nuit, je suis tourmenté. Votre mémoire extraordinaire vous fait retenir tout ce que vous lisez. Mais vous n’oubliez pas non plus les contrariétés… C’est ça. Je me rappelle d’ailleurs surtout le négatif : s’il y a une tache d’huile sur un océan de bonheur, je m’arrête dessus. Et encore, je m’améliore, grâce à la prise de médicaments.
Dans le livre, vous parlez de votre démon intérieur, “un singe balafré” avec “des yeux de sang et des petites cornes” !
Oui, je le visualise. Cela en devient quasi schizophrénique, un dédoublement de personnalité. Cet autre démoniaque me perturbe, me torture, agit même contre ma volonté… Il se réveille à cause de l’action des autres : ils me font parfois vivre un enfer, par une erreur, une incompréhension, un manque de patience.
Votre syndrome d’Asperger a été diagnostiqué à 16 ans. Quelle a été votre réaction ?
J’étais soulagé de savoir enfin ce dont j’étais porteur.Ma mère était comme moi. Pour mon père, ça a été plus douloureux. Il avait une vision de l’autisme un peu rétrograde, voire archaïque. Mais quand on lui a expliqué la diversité et les spécificités des troubles du spectre autistique, c’est allé un peu mieux.
Vous dites que cela a donné un sens à votre enfance difficile. Toutes ces insomnies, ces crises de nerfs, les défis permanents envers votre mère…
Envers ma mère, et envers la mort ! Enfant, j’ai bu de l’eau de Javel, j’ai renversé une table en verre sur moi, je me suis frappé la tête contre du bitume, j’ai léché le sol de parkings, j’ai mangé des plantes, brouté de l’herbe… J’en avais marre de ma vie.
Comment avez-vous réussi à participer aux Douze Coups de midi, alors que vous sortiez d’une dépression ?
J’avais la volonté de m’amuser, de rendre les choses plus légères et culturelles. En apprenant que les sélections du jeu passaient chez moi, à Grenoble, je me suis dit que ça pourrait me plaire.
Votre phobie de la foule, de la lumière et du bruit ne vous a pas retenu ?
C’est une angoisse, mais je fais de mon mieux pour m’y accoutumer. Je lutte contre mes soucis de concentration, quitte à m’épuiser.
Vous dites ne pas décoder le second degré. Comment vous êtes-vous intégré aux Grosses Têtes ?
En amont, j’avais déjà une forme d’humour, j’aimais faire des boutades… Et ça s’est accentué dans l’émission. J’ai laissé libre cours à mes blagues à la finesse indubitable. (Rires) Je plaisante beaucoup plus, je me lâche, ce qui est agréable. Et j’apprécie les autres sociétaires, comme Bernard Mabille, Christine Bravo, etc.
“Mentir m’est impossible”
Vous confiez dans le livre n’avoir pas vraiment d’amis, et vous sentir plus proche de personnages historiques. Ils comblent votre solitude ?
C’est ça. Les gens morts ne peuvent pas me répondre. Dans la vie, lorsque je fais connaissance, je suis souvent déçu. Ma tendance à ne pas accepter l’erreur d’autrui me freine en amitié et en amour.
Vous déclarez pourtant vouloir tomber amoureux !
Oui. J’aimerais être avec quelqu’un et me dédier à cette personne. Et pour ça, je suis prêt à faire des efforts, à limiter un peu certaines occupations, comme mes parties de Questions pour un champion.
Vous pourriez mentir aussi, vous qui avez fait sentir à vos ex qu’elles étaient moins intelligentes que vous ?
Non, mentir m’est impossible.
Vous aimeriez avoir des enfants ?
J’adorerais. C’est vrai que je suis un grand enfant, mais plein d’adultes le sont et deviennent parents !
Aujourd’hui, votre père et votre mère sont rassurés que vous ayez placé vos 700 000 euros de gains ?
Oui. Ma mère m’aide à le faire. Et cela les apaise de me voir aller à Paris, tout seul, depuis trois ans. La prochaine étape est de m’y installer, pour être plus proche des activités qui m’intéressent.
Vous pensez guérir de la dépression ?
Non. Vivre dans cette société ne me le permettra jamais, vu ma grande sensibilité et mon inacceptation de la norme sociétale. Je pense que je retomberai de manière récurrente dans la dépression. Mais j’essaie de ne pas trop y penser, et d’accepter les moments de joie. Je tends à une forme de bonheur. Il faut un degré d’espérance : quand on est près d’abandonner, une voix dit toujours de continuer.
Propos recueillis par Maëlle Brun
Dates clés :
2 juin 1999 : Naissance à Saint-Germain-en-Laye, d’un père sportif et d’une mère haut fonctionnaire. Il est l’aîné de trois enfants.
29 avril 2019 : Première participation aux Douze Coups de midi. Il y reste 153 jours et remporte près de 700 000 euros de gains.
2020 : Il entre aux Grosses Têtes, sur RTL. Grâce à sa soif de culture et sa mémoire prodigieuse, il accumule les bonnes réponses.
Octobre 2022 : Sortie de Bienvenue dans mon monde, chez HarperCollins. Une introspection aussi franche que touchante.
Jeanette Atme Daou
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