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France Gall : L'étoile de Berger
Cinq ans déjà que la muse de Michel Berger nous a quittés, laissant derrière elle une empreinte musicale à l’épreuve du temps. Sans elle, « on danse encore sur les accords qu’on aimait tant, mais pas comme avant »…
“Michel, à qui on demandait un jour pourquoi il m’avait épousée, avait répondu : “Pour sa force” », disait France Gall. Il en fallait pour se produire à 17 ans à l’Eurovision. Et il en a fallu pour refuser le rôle de Lolita à tête de linotte qu’on voulait continuer à lui faire jouer à 20. Puis pour remonter sur scène, le cœur ankylosé et enlacé au souvenir de Michel Berger, l’homme de sa vie, dont le cœur s’était, lui, arrêté de battre à l’été 1992. Il lui en a fallu aussi pour triompher de son cancer, en 1993, et pour survivre à la mort, au presque commencement de sa vie, de sa fille Pauline, atteinte de mucoviscidose, en 1997. Mais la bête immonde est revenue pour un rappel… le dernier, laissant comme « un goût amer en nous » le 7 janvier 2018.
Tout pour la musique
C’est le 9 octobre 1947 qu’Isabelle, Geneviève, Marie, Anne Gall voit le jour à Paris. Elle grandit dans la musique : initiée au piano à 5 ans, à la guitare à 11, avec un grand-père fondateur des Petits Chanteurs à la croix de bois et un père parolier pour Piaf et Aznavour. À la fin de l’année scolaire 1963, alors qu’elle doit redoubler, son père l’incite à enregistrer son premier disque. Mais pas question de faire de l’ombre à une autre Isabelle (Aubret) : elle devient « France » !
Bien entourée par ses parents et ses frères
Elle gagne, en 1965, l’Eurovision grâce à Serge Gainsbourg
Michel Berger et France Gall en duo pour l’émission télévisée Stars, sur TF1, en 1980.
Comme presque tous les yé-yé, elle chante d’abord une adaptation d’un standard américain, Ne sois pas si bête. Un an plus tard, son père lui écrit Sacrée Charlemagne, qui s’écoule à deux millions d’exemplaires ! Denis Bourgeois, son directeur artistique, fait alors appel à Serge Gainsbourg, un auteur-compositeur-interprète encore confidentiel. Il lui cisèle des tableautins pop : Laisse tomber les filles, Attends ou va-t’en, et, surtout, Poupée de cire, poupée de son, qui lui vaut de remporter l’Eurovision en 1965 pour le Luxembourg. Claude François fait pleurer le téléphone de sa loge en lui annonçant qu’il la quitte. Leur rupture va lui inspirer Comme d’habitude.
Dans l’ère faussement rose bonbon de Salut les copains, la Lolita abusée textuellement par la tête de chou Gainsbourg a des envies d’ombre. Elle a encore le goût amer des paroles polissonnes des Sucettes de son pygmalion, dont elle n’a pas perçu le double sens. Seul émerge des ondes l’aileron de son Bébé requin, en 1967.
En 1969, elle tombe amoureuse de Julien Clerc, l’étoile montante de la comédie musicale Hair. Mais tandis que le jeune homme mène sa carrière au rythme de la cavalerie, la sienne marque le pas. Elle n’apparaît plus guère qu’en couverture de Mademoiselle age tendre pour étaler sa romance…
Elle l’aime, elle l’adore
Et puis, en 1974, il y a cette voix entendue à la radio. « Celui qui chante », c’est Michel Berger, fraîchement abandonné par Véronique Sanson. France sait comprendre sa musique, le sollicite. Il fait la fine bouche. Elle s’accroche, se retrouve choriste de Mon fils rira du rock’n’roll, un de ses morceaux. À l’écoute de La Déclaration d’amour, l’ex-poupée de cire fond. Elle quitte Julien Clerc qui, à son tour, écrit une chanson de rupture, Souffrir par toi n’est pas souffrir.
Un répertoire à deux têtes
France devient la première « groupie du pianiste ». La gamine malléable à la voix fluette qui n’a plus sorti d’album depuis 1968 revient au sommet en 1976 avec son premier disque signé Berger, simplement intitulé France Gall. Des sommets qu’elle ne quitte plus. La même année, elle est du casting d’Émilie ou la Petite Sirène, pour TF1. Deux ans plus tard, elle est l’une des têtes d’affiche de l’opéra-rock à succès Starmania.
Sa voix devient inséparable des accords convulsifs de son homme-piano. Dancing Disco, Paris, France, Débranche !, Babacar… Elle enchaîne les albums, aussi féconds qu’irrésistibles, et les tournées à guichets fermés à l’assaut des Zénith. Le tandem donne Tout pour la musique, dessine la bande-son stylée des années 1980, et se mobilise pour les causes humanitaires.
Il manque quelqu’un près de moi…
Pourtant, à la fin de cette décennie dorée, le couple traverse une zone de turbulences. Berger s’échappe souvent en Californie et France s’éloigne des projecteurs. Elle emmène ses enfants au Sénégal, où elle finit par acheter une maison, en 1990. Elle accepte de retourner en studio, mais à deux voix. En 1992, Double Jeu scelle leurs retrouvailles en musique. Ils décident de passer leurs vacances à Ramatuelle (Var). L’été est meurtrier : le 2 août, Michel Berger succombe à une crise cardiaque. France remonte sur scène en hommage à celui « qu’aucune musique au monde ne saura remplacer ». Mais, en 1997, à la mort de leur fille Pauline, à l’âge de 19 ans, elle se retire définitivement. Elle apparaît juste aux côtés de Johnny, à l’Olympia, à l’été 2000, le temps de reprendre avec lui Quelque chose de Tennessee. Elle s’implique ensuite dans la comédie musicale, Résiste, pensée avec son compagnon Bruck Dawit (ingénieur du son de Prince, Queen ou Michael Jackson), et Marion Motin (chorégraphe de Stromae et d’Angèle). Un mois après Johnny, celle qui a su amener « ce je-ne-sais-quoi que d’autres n’ont pas » à la chanson rejoint le « paradis blanc », le 7 janvier 2018.
“Tant de libertés pour si peu de bonheur…”
France Gall s’est cognée à la vie comme peu d’artistes. Après le décès de son mari, elle est opérée d’un cancer du sein. « J’ai ressenti quelque chose de violent dans mon corps à la mort de Michel », avait-elle confié. Elle veut donner de la voix, enchaîne les spectacles. Mais la santé de sa fille décline. Ses voies respiratoires s’obstruent, elle s’éteint le 18 décembre 1997. « À la mort de Michel, j’ai eu besoin de chanter. Avec celle de Pauline, j’ai eu besoin de silence. » En 2012, France expliquait à Paris Match : « La maladie de notre fille a été une tragédie dans notre existence. Il m’a épaulée, jour après jour. Quand l’un faiblissait, l’autre était là pour le relever. » Elle prend ses quartiers au Sénégal. En février 2016, elle apprend la récidive de son cancer. Elle tait le mal qui la ronge, épargne la troupe de Résiste. Hospitalisée le 29 décembre 2017, elle décède le 7 janvier 2018, aux côtés de son compagnon et de son fils Raphaël.
Dominique PARRAVANO
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