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Florian Zeller : pourquoi il n'a pas voulu tourner son film The Father en français
Auréolé de deux trophées aux derniers Oscars, dont celui du meilleur scénario, The Father, le premier film de Florian Zeller, sort ce 26 mai au cinéma. Rencontre avec l’écrivain, dramaturge et désormais jeune réalisateur.
Premier long métrage de Florian Zeller, The Father est une première flèche droit dans notre cœur de spectateur. Ce film, que l’écrivain et dramaturge adapte de sa propre pièce, raconte la trajectoire intérieure d’Anthony, 81 ans, dont l’existence se brise peu à peu sous nos yeux… La force de The Father, c’est d’aborder la démence à travers le regard de celui qui en est atteint. Et on est troublé, paumé, en manque de repères, comme ce père, tous plongés dans un huis clos dont le décor d’appartement change à mesure que la mémoire se délite, que toute réalité se distord. Incroyable de nuances, Anthony Hopkins livre une performance magistrale qui lui a valu l’oscar du meilleur acteur. Dans le rôle de sa fille, Olivia Colman est bouleversante de sincérité et d’émotion contenue. Alors forcément, il nous tenait à coeur de rencontrer le metteur en scène.
Télé-Loisirs. Quand vous montez la pièce de théâtre Le père, en 2012, l’idée d’en faire un film vous trotte déjà dans la tête ?
Florian Zeller. Non. Quand j’ai écrit la pièce, je ne rêvais pas d’en faire un film. C’est bien plus tard que j’en ai eu, et l’idée, et le désir. Je pense que cela vient de la singularité de ce texte, qui met le spectateur dans une position unique, comme s’il était embarqué dans un labyrinthe d’incertitude. Comme si, au fond, il était dans la tête de ce personnage principal. Je voulais que ce ne soit pas simplement l’histoire de cet homme qui perd ses repères à cause du grand âge, mais davantage une expérience, de ce que cela peut vouloir dire de tout perdre. Cette expérience, j’avais l’impression que le cinéma permettrait qu’elle devienne encore plus immersive, encore plus déstabilisante. Je l’espérais d’autant plus puissante. C’est vraiment ça qui a été mon point de départ. Quand j’ai écrit ce texte à l’époque, je n’étais pas sûr que le public serait disponible pour ce genre de labyrinthe émotionnel et j’ai été surpris, même ému, de découvrir la forte réponse du public, en France, puis dans d’autres pays. Les gens nous attendaient après la représentation, non pas pour nous dire bravo, mais pour partager leur propre histoire. Il y avait quelque chose de cathartique. J’ai eu envie de prolonger cela d’une autre façon, laquelle prendrait toute sa dimension.
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La mise en scène a d’ailleurs quelque chose de l’ordre du thriller psychologique…
C’était mon intention. Quand des scènes semblent complètement contradictoires entre elles, il y a quelque chose qui semble ne pas tourner rond. Cela créé du danger, de l’anxiété. Je voulais mettre le spectateur dans une position active, qu’il fasse partie de la narration, comme si le film était un puzzle et qu’il s’agissait de jouer avec chacune des pièces, de chercher à en arranger la combinaison pour que ça fasse sens. Que chacun réquisitionne, et son cerveau, et son cœur, pour essayer de comprendre ce qu’il se passe.
Quel est l’écueil à éviter quand on adapte une pièce au cinéma ?
Ce que je ne voulais pas, c’était filmer une pièce de théâtre. Il fallait donc trouver un langage visuel qui fasse que ce soit vraiment une expérience de cinéma. Dans le film, cela passe notamment par l’utilisation des décors, qui participent au sentiment de désorientation et d’incertitude. Surtout, l’idée n’était pas simplement de créer un jeu de piste, c’était aussi de créer de l’empathie.
Jamais il n’a été question de tourner le film avec des comédiens français ?
Non, et pour deux raisons, même si cela m’aurait facilité la tâche ! (rires) D’abord, la pièce a été écrite en français et joué par Robert Hirsch pendant 3 ans sur les scènes françaises. C’était une aventure très intense, très forte, très affective pour moi. J’ai admiré, aimé passionnément Robert Hirsch dans le rôle. Peut-être il y a quelque chose de l’ordre de la loyauté en moi qui fait que je ne me serais pas autorisé à le proposer un autre acteur français que lui. Mais pour être sincère, ce n’est pas tellement cette loyauté qui m’a guidé, mais un rêve. C’est-à-dire que quand j’ai commencé à rêver de faire ce film, je voyais Anthony Hopkins. Je sentais qu’il allait être extraordinaire. C’est la seule raison pour laquelle j’ai voulu faire le film en anglais. Ce n’était pas un rêve d’aller sur un territoire anglo-saxon ou de faire un film qui pourrait un jour avoir une histoire à Hollywood, c’était Anthony Hopkins.
Comment on dirige un tel monstre sacré ?
On m’avait prévenu qu’Anthony avait la réputation de ne pas se laisser diriger, d’être peu flexible et parfois même, de pouvoir être agressif dès qu’on tentait d’empiéter sur son territoire. Ce n’est pas du tout l’homme que j’ai rencontré. Au contraire. Cela a été une vraie collaboration, très intime, très longue au sens où ça a été une discussion ininterrompue pendant un an et demi avant de tourner et encore aujourd’hui, on s’écrit des mails quasiment tous les jours. On a réellement partager une aventure ensemble. Je crois que cela tient au fait que c’est une aventure particulière pour lui, dans le sens où je ne lui ai pas demandé de refaire ce qu’il avait déjà fait. Je lui ai demandé d’oser aller sur un autre territoire, un territoire que moi je connaissais très bien. Je savais où je voulais aller, je connaissais les émotions que je voulais explorer et je pense que cela l’a rassuré. Il s’est autorisé à se perdre parce que je pense qu’il savait que moi, je n’étais pas perdu.
Olivia Colman est aussi un nom que vous aviez en tête ?
En fait, c’est seulement une fois qu’Anthony Hopkins m’a dit oui que je me suis autorisé à prolonger le rêve. Cela semblait déjà si peu réalisable sur papier d’avoir Anthony Hopkins que je n’allais pas imaginer tout le casting ! (rires) Mais j’ai vite pensé à Olivia Colman. Elle est pour moi la plus grande actrice d’Angleterre. Cela fait des années qu’elle me fascine. Elle a quelque chose de très à part, de singulier, et en même temps elle est très commune. Je veux dire par là qu’elle est extraordinaire dans sa capacité à incarner un personnage qui nous ressemble tous. C’est un être humain extraordinaire qui, comme Anthony, m’a permis de faire exactement le film que je voulais. Elle était complètement dévouée à ce projet et ça c’était merveilleux pour moi. Elle comprend tout, tout de suite, sans même avoir besoin de parler. Surtout, elle a une sorte d’intelligence émotionnelle qui m’a beaucoup impressionné.
The father s’inspire de votre vécu. Toute création amène-t-elle, consciemment ou non, à livrer une part de soi, peut-être à des fins cathartiques ?
Oui, mais ce n’est pas ce qui justifie la création. Je ne crois pas qu’on fasse un livre, un film ou une pièce de théâtre pour se sentir mieux. Mon objectif, c’est plutôt de partager des émotions. A partir du moment où les choses sont partagées, elles ne sont plus pesantes. Les angoisses, les peurs, tout s’allège dès lors qu’on les partage. Il y a une vraie consolation de se dire qu’on fait partie de la même humanité, qu’on a les mêmes peurs et qu’on se pose les mêmes questions. Ma grand-mère a vécu la démence sénile quand j’avais 15 ans, et donc j’ai été dans cette situation où j’ai vu quelqu’un devenir quelqu’un d’autre et traverser ce processus très douloureux de dégénérescence. J’ai expérimenté ce que c’est que d’être celui qui accompagne, de se sentir complètement impuissant. Mais je sais aussi que c’est une expérience que l’on a tous en soi, ou devant soi malheureusement. Finalement, peu importe si je parle de mon histoire ou pas, ce qui m’importe moi, c’est que le spectateur puisse se dire que je parle de son histoire.
Un mot sur la suite, The son ?
C’est une histoire très importante pour moi. Je travaille dessus depuis de longs mois maintenant, et on va la tourner cet été, avec Laura Dern et Hugh Jackman qui jouent les parents de ce fils. Et je suis très heureux car j’adore Laura Dern qui est pour moi la muse de David Lynch depuis toujours, un des metteurs en scène que je préfère. J’ai une grande impatience à travailler avec eux malgré toutes les innombrables complications liées à la covid.
Justement, The Father sort en salles dans un contexte sanitaire particulier. Quel sentiment vous anime ? Le soulagement ? Un peu de frustration aussi du fait des jauges ?
C’est un peu tout ça pour être sincère, mais ce qui domine c’est quand même la joie d’enfin pouvoir le partager avec le public français. C’est un film que je porte depuis très longtemps. Il a été présenté pour la première fois devant du public à Sundance, il y a un an et demi. C’est la seule fois au fond où j’ai assisté à une projection de mon film avec du public. Cela a été très fort pour moi, il y avait des gens d’Hollywood, c’était très intimidant. Deux semaines plus tard, il y a eu la pandémie. Depuis je n’ai jamais assisté à nouveau à une projection, même avec des amis. Donc je suis vraiment heureux que le film puisse sortir. Evidemment, je me dis que ce ne sont pas les meilleures conditions pour sortir un film mais après, c’est le réel et il faut composer avec. Je préfère me concentrer sur cette joie et cette espérance que les gens viendront et ne soient pas intimidés par le sujet parce que peut-être peuvent-ils penser que c’est un film déprimant. J’espère que les gens pressentiront qu’il y a quelque chose d’autre.
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