Exclusif – Véronique Bevilacqua, sa vie avec Christophe : "Il est devenu prisonnier de son personnage"

Avec sa femme Véronique et leur fille Lucie, Christophe avait construit une relation aussi puissante qu’invivable.

C’est lui qui l’a vue en premier, dans un club au bout de la rue du Cardinal-Lemoine où Alain Kan, son frère, passe des disques pour faire danser les filles. Nous sommes en 1968 et Véronique Kan n’a pas encore 17 ans. « Mais j’adorais danser ! Alors, quand mes parents dormaient, je piquais un Solex dans la cour de l’immeuble où nous vivions, rue des Arènes, et je le retrouvais. Je portais une robe lamée or, c’était l’époque. J’arrive là-bas comme une dingue et, au moment des slows, je rejoins mon frère installé près du bar. » Ce soir-là, un type s’approche de la jeune Eurasienne. « Bonjour, je suis avec le chanteur Christophe. Il vous invite à sa table. » Véronique rigole. « Déjà, j’avais détesté “Aline”. Mais ce genre d’approche, non merci ! Si le mec n’est pas capable de se déplacer lui-même… »

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Christophe, frappé par sa beauté magnétique, se décide finalement à l’aborder. « On a discuté, raconte Véronique, et il m’a parlé de bagnoles. Moi qui étais fascinée par les voitures, ça m’a fait marrer. Physiquement, il se la jouait un peu James Dean. Il était petit mais bien foutu. Il venait de s’acheter un blouson court qui lui allait parfaitement. Et il a noté mon numéro dessus. »

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Alors qu’il doit participer à une course automobile sur le circuit de Magny-Cours, Christophe appelle Véronique pour l’y inviter. Refus catégorique de ses parents. « Ma mère avait entendu parler de l’affaire Michèle Torr. “Tu vois où ça mène, les chanteurs !” m’avait-elle balancé. »

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Malgré l’opposition des Kan, Christophe s’accroche. Il se rend fréquemment rue du Cardinal-Lemoine pour tenter d’apercevoir Véronique. En vain. « J’ai accepté un job de danseuse au Twenty One, un club rue Balzac. Le jour de ma première là-bas, j’ai vu Christophe débouler avec Claude François… » Le chanteur plus trop à la mode devient un régulier du Twenty One. « J’ai commencé à le trouver gentil. On s’échangeait des bracelets. Moi, j’avais des petits flirts à droite, à gauche. Je sentais bien qu’il n’aimait pas. Mais bon, j’ai toujours eu ma liberté… » De fil en aiguille, Christophe convainc Véronique d’arrêter de travailler la nuit. Pour mieux lui tenir compagnie. « Quand je me suis installée chez lui, je n’étais pas totalement amoureuse. Mais j’ai tenté l’aventure, j’avais besoin de vivre ma vie. Et lui avait de grands projets pour nous : il voulait qu’on fasse un enfant, qu’on se marie… Mais très vite, nous n’avons plus eu de thunes. Il a accepté de partir en tournée en Israël. La première fois, cela s’est bien passé. Mais la deuxième, il n’a pas été payé. Le début d’une sale période pour nous. »

Lucie naît le 5 janvier 1971, deux ans après leur rencontre. Le couple s’est marié en quatrième vitesse alors que Véronique était enceinte (« Je m’étais fait faire un ensemble noir pour l’occasion ») et, déjà, la désillusion pointe. Un an après l’arrivée de sa fille, Christophe laisse une lettre à Véronique, dans leur appartement de Pigalle, pour lui annoncer qu’il la quitte. « Un truc du genre : “Tu es la femme de ma vie, jamais je n’aimerai personne comme toi, je continuerai à voir ma fille. Mais j’ai besoin de retrouver une certaine liberté.” » Le chanteur, qui vient de signer un contrat avec Francis Dreyfus, a profité de l’avance pour s’acheter une Lamborghini et filer se la couler douce à Saint-Tropez. « Ça a été très dur, raconte Véronique. Il a été très distant, désagréable. J’étais jeune, j’ai dû emprunter 300 francs à ma mère.

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Quand tu es mariée avec un mec comme Christophe, tu risques de finir à Sainte-Anne ou en taule. Il faut savoir se préserver

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Heureusement, je rencontre quelqu’un qui m’aidera beaucoup, André Blanc, un personnage incontournable d’Aix-en-Provence. Il adore ma fille et je file m’installer avec lui, je revis. Il est évident que je suis passée à autre chose. Que je ne reverrai jamais Christophe. Et puis je trouve “Main dans la main”, sa nouvelle chanson, horrible… »

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L’avance claquée, Christophe comprend sa bêtise. Surtout quand il apprend que son épouse s’éclate en Provence dans les bras d’un autre. « Il a fait le siège de ma mère au téléphone, menaçant de se foutre en l’air, arrêtant de s’alimenter… Il a toujours été le genre de mec à flirter avec le danger. » Véronique finit par se laisser entraîner à Saint-Tropez, « parce que je ne voulais pas que ma fille soit élevée par un autre que son père ». Et c’est ainsi qu’ils vécurent ensemble pendant trente ans. « Quand tu es mariée avec un mec comme Christophe, tu risques de finir à Sainte-Anne ou en taule. Il faut savoir se préserver. J’ai vécu ma vie. Lui aussi était capable de partir une semaine entière sans que je sache où. Et comme il était très menteur, je n’ai jamais réussi à le choper avec une autre nana. »

Les tensions apaisées, la famille s’installe boulevard Flandrin, dans le XVIe arrondissement de Paris, et Véronique assiste à la création d’une œuvre formidable : « Les mots bleus », « Les paradis perdus », « Merci John d’être venu »… « Il était fort pour trouver des sons. Pendant qu’il bossait, je tenais la boutique. Je m’occupais des contrats, des finances. On s’est souvent engueulés à cause de l’argent. Il ne voulait pas chanter sur scène, alors que cela aurait pu nous permettre de vivre mieux. Combien de fois j’ai dû m’énerver parce qu’on ne pouvait pas payer le loyer… » En 1979, Véronique se rend compte que le procès en plagiat intenté par Henri Salvador à Christophe au sujet d’« Aline » n’a pas été plaidé en appel. « Personne ne croyait qu’on pourrait gagner. Pourtant, j’y suis allée et on a gagné ! Ce qui nous a permis de ressortir la chanson en 45-tours et d’en vendre plus qu’en 1965… »

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On s’est souvent engueulés à cause de l’argent. Il ne voulait pas chanter sur scène, alors que cela aurait pu nous permettre de vivre mieux.

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Véronique estime avoir mené une vie de famille normale, ponctuée de moments exceptionnels. « Je n’ai jamais voulu être “la femme de”. Je ne supportais pas la vie publique, je n’allais plus au resto avec lui, encore moins dans les brocantes. Et les deux mois d’été que nous passions à Antibes, c’était sur un bateau pour éviter qu’il soit reconnu sur la plage… » Pas tendre mais complice, elle savait s’effacer, laisser son homme vaquer à sa musique. « Quand il s’est mis à travailler sur Bevilacqua avec Claude Micheli, en 1995-1996, il a passé trois mois sans sortir de son studio… » Avec cet album, Christophe mettait un terme à treize années de silence discographique. « Il s’était senti trahi par son producteur, Francis Dreyfus, qui l’avait délaissé au profit de Jean-Michel Jarre dans les années 1980. Après, il préférait aussi jouer au poker ou aux boules plutôt que de faire des disques. C’est plutôt respectable ! »

Lucie, elle, tente de grandir, de se frayer un chemin dans la mode et la photo. « Ma fille m’a jugée, regrette Véronique. J’étais celle qui punissait quand les devoirs n’étaient pas terminés. Son père lui filait des billets de 500 francs pour qu’elle aille s’acheter je ne sais quoi. Moi, j’ai estimé qu’elle devait apprendre à se débrouiller. Son père n’était pas du même avis… »

Début 2000, Véronique passe ses week-ends chez un homme. Christophe ne supporte pas la situation et s’installe à l’hôtel. « On s’est séparés sur cette histoire… Bon… J’ai découvert après qu’il était déjà avec Marie-Amélie Seigner. A partir du moment où nous n’étions plus ensemble, il ne voulait plus rien me dire sur lui. Mais je remarque qu’il a vraiment vécu une autre vie qui l’a poussé à nous mentir. » Car oui, Christophe n’était pas qu’« un peu menteur »… « Il est devenu prisonnier de son personnage, c’est pour ça que je ne voulais plus organiser de dîners à la maison. Je ne supportais plus de l’entendre raconter n’importe quoi. Il amusait les gens mais tout était faux… Je n’ai jamais compris pourquoi il s’inventait des vies pour exister, d’autant qu’il mentait très mal. C’est quelqu’un qui n’avait pas de vrais amis, des gens à qui l’on parle quand on est mal. En revanche, il multipliait les relations, il se servait des gens. »

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Entre Lucie et son père, il y avait un amour réel mais aussi des rancœurs tenaces…

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Depuis un an, Véronique gère seule l’héritage d’un homme qui n’avait absolument pas prévu de mourir. « Malgré son hypocondrie, il traînait quand même un réel emphysème, dont une crise le conduit à Cochin. Mais tout a été amplifié par le Covid, dont le test est revenu positif. » Transféré à Brest au bout d’une semaine d’hospitalisation, c’est là qu’il s’est éteint le 16 avril 2020. « Avec Lucie, nous n’avons pas pu le voir. Nous avions des nouvelles chaque jour par téléphone. A Brest, il n’y avait quasiment pas de cas de Covid, donc je crois qu’il a été mieux pris en charge que s’il était resté à Paris… » Début avril, les médecins le sortent légèrement du coma profond dans lequel il était plongé. « L’infirmière a noté nos messages pour les lui répéter à l’oreille… Je ne sais pas s’il a compris ce qu’il se passait. Après une surinfection, ils l’ont rendormi… »

Depuis son décès, Véronique s’est replongée dans leur histoire. Ecœurée par « ces maisons de disques qui n’ont pas envoyé de fleurs à l’enterrement », par ces « Jarre ou Mitchell que nous avons reçus si souvent et qui n’ont pas donné signe de vie »… Elle s’est heurtée aussi à la virulence de Lucie, usée par une relation difficile avec ses parents. « Entre elle et son père, il y avait un amour réel mais aussi des rancœurs tenaces… J’aimerais qu’elle s’occupe de son héritage musical, il y a quelques bribes dans l’ordinateur de Christophe. Elle a un sens artistique digne de celui de son père, mais je pense que ça ne se réalisera pas, à ma grande déception. Elle a une vraie colère en elle… »

Demain, Véronique se dévoilera dans un livre. Ecrira sa vie pour mieux s’affranchir de son passé ? « Sans mentir », promet-elle.

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