Eurovision 2021: « On a accepté de participer à condition de rester 100 % Hooverphonic », avance le groupe belge

Hooverphonic participe à la première demi-finale de l’Eurovision ce mardi où il représente la Belgique. « 20 Minutes » s’est entretenu avec Alex Callier, le cocréateur du groupe

Ce n’est pas parce que leur chanson s’intitule The Wrong Place («Au mauvais endroit ») que Hooverphonic est un intrus à l’Eurovision. Ce mardi, il défendra les chances de la Belgique lors de la première demi-finale, retransmise en direct sur France 4 dès 21h. Le groupe, mondialement connu pour son tube Mad About You, devait participer au concours l’an passé avec Release Me, mais après que l’événement a été annulé, la délégation belge l’a reconduit pour l’édition 2021. La chanteuse Geike Arnaert interprétera donc The Wrong Place, en se mettant dans la peau d’une femme qui se réveille un matin au côté de l’inconnu avec lequel elle a couché la veille. Une balade aussi élégante que sarcastique, qui aurait toute sa place en finale. Alex Callier, cofondateur et bassiste d’Hooverphonic, a répondu aux questions de 20 Minutes.

Votre mise en scène est très sobre, plutôt élégante. Vous vouliez quelque chose d’intimiste ?

Oui, c’était important pour nous. La raison pour laquelle on a décidé de participer à l’Eurovision, c’est qu’on avait l’impression que, ces cinq dernières années, les chansons étaient revenues au centre du concours. Il y a de la place pour des artistes comme Salvador Sobral, qui a gagné en 2017. Ce qui prime pour nous, c’est la voix de Geike. Elle doit être au centre de notre univers et c’est pour ça que sur la scène, elle est littéralement au milieu, entourée par les musiciens. C’est sobre, mais cette atmosphère est très belge. Je crois que cela crée un bon contraste avec les autres délégations. Nous sommes de grands fans de la France. Pour être honnête, on trouve la candidature de Barbara Pravi très réussie, c’est très différent de tout le reste. Elle est une très bonne chanteuse, son interprétation est très forte. Elle est notre plus grande concurrente.

Quand on est un groupe connu comme Hooverphonic, n’y a-t-il pas une crainte de concourir à l’Eurovision ? Une pression pour défendre votre image et espérer que cela ne joue pas contre vous ?

Non, je ne crois pas. On a dit au diffuseur belge [la chaîne VRT] qu’on participerait seulement si l’on pouvait rester 100 % Hooverphonic. Il était primordial que toutes les images et la musique restent dans notre univers. La chaîne a accepté de nous laisser le contrôle. Je crois que si on avait fait quelque chose très Eurovision, très loin de ce qu’on fait normalement, on aurait peut-être été en danger. Il y aurait eu le risque de décevoir nos fans. Or, même si notre chanson The Wrong Place n’avait pas concouru, elle aurait quand même été le premier single de notre nouvel album. Les temps ont changé. Quand on était jeunes, il fallait choisir un camp : tu étais alternatif ou commercial. Les jeunes d’aujourd’hui peuvent aller à un concert très underground un jour et le lendemain, ils sont dans un club en train de danser sur de la musique électronique très mainstream. On aime bien ce changement parce qu’on est un groupe éclectique et on apprécie de vivre dans un monde éclectique.

Redoutez-vous de ne pas vous qualifier pour la finale ou est-ce que vous vous dites « On fait notre musique et advienne que pourra » ?

Si Geike chante parfaitement et que tout va bien, on sera contents. On veut une bonne prestation, le reste n’est pas dans nos mains. On ne peut pas avoir de contrôle là-dessus, alors on essaie de ne pas trop y penser. On doit être relax, nous amuser, si tu ne t’amuses pas, tu ne peux pas livrer une bonne performance. Il y a deux ans, on était dans un resto avec Duncan Laurence, deux mois après sa victoire à l’Eurovision, et il nous disait que le plus important était de rester calme. C’est difficile parce qu’on a un change-over [le temps dévolu pour prendre place sur scène juste après le départ du candidat précédent] de 40 secondes. Duncan nous disant – c’était avant le covid – de rester dans notre bulle, même s’il y a une avalanche autour de nous, il faut rester concentrés. On a retenu ce conseil.

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Est-ce que vous avez eu des conseils d’Emilie Satt, avec laquelle vous avez travaillé, qui, elle, a vécu l’expérience de l’Eurovision 2018 au sein du duo Madame Monsieur ?

Oui, elle m’a dit : « Amuse-toi ! ». C’est vrai qu’il y a beaucoup de connexions entre l’Eurovision et Hooverphonic. Emilie a chanté Badaboum avec nous. Luca Chiaravalli, qui a coécrit Release Me, notre chanson de l’an passé, avait écrit Occidentali’s Karma pour l’Italie [Eurovision 2016]. On a aussi beaucoup travaillé avec Dan Lacksman, qui était dans le groupe Telex, représentant de la Belgique à l’Eurovision 1980. On a bossé en studio avec lui. Et, il y a longtemps, on a travaillé avec l’ingénieur du son dont l’épouse était Sandra Kim [la chanteuse belge qui a remporté l’Eurovision en 1986].

Votre chanson, « The Wrong Place » est née d’une blague autour de Johnny Cash, c’est ça ?

C’était vraiment une coïncidence. On était en train d’écouter la radio pendant le déjeuner et un morceau de Johnny Cash est passé. Charlotte Forest, avec laquelle j’écrivais la chanson, me disait qu’elle aimait bien cet artiste. J’ai répondu que moi aussi et, un peu comme une blague, je lui ai dit que ce pourrait être un challenge d’insérer son nom dans les paroles. Elle pensait qu’on n’y arriverait pas. Et puis l’après-midi, tout à coup, ce « Don’t you еver dare to wear my Johnny Cash tee-shirt » («Ne t’avise plus jamais de mettre mon tee-shirt Johnny Cash ») a surgi. C’est ça la magie d’écrire des chansons, même après vingt-cinq ans de carrière, il y a des choses inespérées qui se passent : c’était parfait. C’est même le hook, comme ont dit en anglais, la phrase choc de la chanson. On était après le premier confinement, on s’est dit qu’on allait écrire une chanson sur tout ce qui est suicidaire en ce temps-là : toucher un inconnu, l’embrasser, lui faire une accolade, un coup d’un soir avec quelqu’un que tu ne connais pas, c’est farfelu maintenant. C’est donc une chanson inspirée par le covid mais abordée complètement différemment des autres morceaux sur ce thème.

Vous avez hésité entre cette chanson et « Full Moon Duel » pour concourir. Pourquoi avez-vous finalement choisi « The Wrong Place » ?

Parce qu’ici il y a une sorte de darkness, une atmosphère un peu sombre, avec de la mélancolie mais aussi de l’humour. On trouvait que c’était 100 % Hooverphonic année 2021. Dans la rythmique et tout ça, c’est très actuel, mais dans les guitares et les trucs un peu à la Ennio Morricone et John Barry, c’est très Hooverphonic. Full Moon Duel était cool aussi. Il y avait aussi Thinking About You, par laquelle tout a commencé. On avait dit à la VRT qu’on acceptait d’aller à l’Eurovision si on avait une chanson qu’on aimait bien. Parce que dire oui alors que la chanson reste à écrire, cela mettrait trop de pression. The Wrong Place était écrite sa pression. Un ami commun nous avait présenté Charlotte Forest et moi, on s’était vus en studio pour une sorte de première impression, voir si on pourrait travailler ensemble. On n’avait pas en tête d’écrire un tube ou un single, mais de nous amuser. Dans beaucoup de cas, les chansons naissent dans ce cadre de liberté artistique. Quand tu écris quelque chose de formaté pour la radio, tu n’es pas libre, tu penses trop. Or, il faut écouter ses tripes. D’ailleurs, quand Raymond est passé et a écouté la chanson, il a dit : « ça, c’est pour nous, c’est Hooverphonic ». A ce moment-là, je me disais que Charlotte voudrait peut être la prendre pour elle. Et Raymond a insisté : « Alex, tu ne comprends pas, c’est à nous ! » (rires). Quand Geike nous a rejoint en novembre, elle a écouté les démos et elle a directement dit : « ça, c’est bien » après avoir entendu The Wrong Place.

Votre album « Hidden Stories », sorti début mai, est donc né d’un élan de liberté que vous souhaitiez pour conjurer ce qu’impliquait la pandémie ?

Oui, mais il y a aussi des trucs assez bizarres comme le morceau d’ouverture, A Simple Glitch Of The Heart, qui commence par les phrases « It’s in the air that we breathe. Are we infected ? » («C’est dans l’air qu’on respire. Sommes-nous contaminés ? ») et qu’on a écrite il y a deux ans, alors qu’il n’y avait pas le covid. De temps en temps, tu écris des trucs et après, c’est presque prémonitoire. Mais c’est vrai que la plupart des chansons ont été écrites l’an passé. C’était quand même une année assez bizarre. Il y avait des trucs très difficiles, le fait de ne plus pouvoir jouer en live, d’être confinés… En même temps, on a aussi eu beaucoup de chance, je trouve. Le fait de pouvoir participer à l’Eurovision, de faire un album, ça nous occupait. C’est important pour l’esprit. Cela nous a donné de bonnes perspectives, un but. Les premiers mois de confinement, c’était très triste pour les gens qui étaient malades, mais ça nous a donné quand même du temps pour réfléchir je trouve. On était vraiment dans une bulle, on a pu réfléchir à l’écriture des chansons. Contrairement à d’autres musiciens auxquels j’ai parlé, je n’avais pas de panne d’inspiration. La musique, c’est ma thérapie.

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