Eric Dupond-Moretti, ténor sentimental : sa face cachée

LONG FORMAT – Le 6 juillet 2020, à la surprise générale, Eric Dupond-Moretti était nommé garde des Sceaux du gouvernement Castex. L’avocat médiatique de 59 ans avait surtout battu des manches dans les tribunaux et sous les projecteurs. Carrure imposante, regard pénétrant, gouaille : le natif de Maubeuge a toujours impressionné. Mais derrière son image et sa réputation, Eric Dupond-Moretti cache un vrai sentimental…

Sommaire

  1. Une enfance hantée par le sentiment d’injustice
  2. Les yeux d’Hélène, sa 1ère épouse
  3. La tentation du showbiz
  4. Isabelle Boulay, sa part non négociable

A propos de


  1. Eric Dupond-Moretti


  2. Isabelle Boulay

Outreau, Abdelkader Merah, le frère de Mohamed Merah, Georges Tron, Isabelle et Patrick Balkany, le roi du Maroc et Lalla Salma, Karim Benzema… autant d’affaires et de clients défendus par un seul et même avocat : Eric Dupond-Moretti. Depuis son arrivée au gouvernement Castex, le très médiatique Garde des Sceaux, qui fêtera ses 60 ans ce 20 avril 2021 – est souvent moqué comme un « King-Kong tenu en laisse. » Mais l’homme, également surnommé « Acquitator » pour ses plaidoiries gagnantes pendant plus de 35 ans, s’est habitué à ne pas faire l’unanimité. Vrai qu’il bouscule, comme il tente de le faire à nouveau avec une grande réforme de la justice s’appuyant sur la généralisation des cours criminelles et, en contrepartie, la création de droits sociaux pour les détenus. Pour tenir dans la tempête, il s’accroche à sa légitimité. Surtout, il ne transige pas avec ses valeurs, son sens de l’honneur.

Difficile de l’ignorer. Physiquement d’abord, Eric Dupond-Moretti a tout d’un monstre du cinéma. Il fume beaucoup, aime la corrida et la chasse, sans se soucier du qu’en dira-t-on. On parle souvent de son côté « brutal, voire grossier ». Celui qui se bat pour « la confiance dans l’institution judiciaire » n’a pourtant pas lâché la main du môme qu’il était. C’est même, en grande partie, son enfance hantée par le sentiment d’injustice qui l’a poussé à devenir celui qu’il est aujourd’hui. Selon ses proches, les femmes s’émeuvent plus facilement de ses failles. Ce fut le cas d’Hélène, la mère de ses deux fils. Vrai encore avec Isabelle Boulay, sa compagne très amoureuse. Défenseur du droit, avocat étiqueté « showbiz », désormais garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti est plus surprenant que ce qu’il veut bien laisser paraître…

Une enfance hantée par le sentiment d’injustice

Racines italiennes, enfance modeste... Eric Dupond-Moretti n’est pas aussi bien né que les autres avocats médiatiques. A 4 ans, c’est un enfant confronté à la mort. Son père Jean-Pierre Moretti, ouvrier à l’usine, est emporté par un cancer. Il en garde peu de souvenirs. Enfant unique, particulièrement solitaire, le petit Eric apprend ce qu’est le courage avec sa mère Elena, femme de ménage. Mais c’est sa grand-mère Louise qui se charge plus particulièrement de son éducation.

Dans son livre À la barre (éd. Michel Lafon), Eric Dupond-Moretti la décrit comme « une juste ». Communiste horrifiée par la barbarie nazie, Louise a en effet caché deux enfants juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Plus tard, fervente cruciverbiste, elle apprend à son petit-fils le goût des mots. Et probablement celui de la cigarette, puisqu’elle était une grande fumeuse ! Dans le spectacle inspiré par son livre, Eric Dupond-Moretti lui rendra d’ailleurs hommage, clope à la bouche.

« J’ai décidé de devenir avocat à quinze ans (…) Je suis condamné à plaider »

Une autre mort l’a marquée : celle, plus que mystérieuse, de son grand-père Paolo. En 1957, quatre ans avant la naissance de son petit-fils, l’homme est retrouvé sans vie, le crâne fracassé, le long d’une voie ferrée. Assassinat? Accident? Eric Dupond-Moretti n’aura jamais la réponse, malgré une plainte déposée par son oncle. Marqué par cette « injustice faite à un petit immigré italien », le garde des Sceaux expliquera qu’elle fait « partie de l’ADN de (s)a famille », dans le podcast La Cour des grands, en juillet 2020.

Ce sont ses drames de la petite enfance qui l’ont dirigé vers une carrière de pénaliste. Vocation confirmée le 28 juillet 1976, par sa « détestation de la peine de mort ». « J’ai décidé de devenir avocat à quinze ans. J’avais entendu à la radio que Christian Ranucci, l’homme du ‘pull-over rouge’, avait été exécuté à l’aube. Ce n’est pas le récit d’une vocation que je fais ici, mais d’une sorte de fatalité. Je suis condamné à plaider », a-t-il relaté à France Info. Depuis son inscription au barreau de Lille, Eric Dupond-Moretti n’aura eu de cesse de défendre avec ferveur la présomption d’innocence.

Légende photo : Eric Dupond-Moretti avec sa mère Elena, à l’avant-première du film Chacun sa vie de Claude Lelouch, en 2017.

Les yeux d’Hélène, sa 1ère épouse

« Il y a une fêlure intérieure, une faille que les femmes sentent en général très bien », a confié Stéphane Durand-Souffland, ami d’Eric Dupond-Moretti, au sujet du pénaliste dans les colonnes de Vanity Fair, en 2018. L’une de ces femmes, ce fut Hélène, la mère de ses deux fils Raphael et Clément, aujourd’hui âgés de 30 et 27 ans. Mal à l’aise avec son physique, qui, de son propre aveu, n’aide pas à draguer en boîtes de nuit, Eric Dupond-Moretti a toujours su user des mots comme d’une arme de séduction.

« Je l’ai trouvée très belle, à la barre je n’ai parlé que pour elle »

C’est lors d’un procès d’assises qu’il rencontré Hélène au début des années 90. Elle est jurée. « Elle a été tirée au sort, c’était un signe », confiera-t-il à Libération. Devant elle, l’avocat se fait tout petit. « Je l’ai trouvée très belle, à la barre je n’ai parlé que pour elle », confirmera-t-il dans le magazine ELLE. Coup de foudre au tribunal donc, mariage, famille… et « divorce houleux ». Eric Dupond-Moretti s’est imposé dans les années 2000 comme le recordman des acquittements, probablement au détriment de sa vie de famille.

« Mon mari a une conscience professionnelle exacerbée. Ce qui le rend très occupé, très exigeant et très stressé »

Le quotidien avec « Acquitator » n’est pas simple à vivre pour Hélène. Dès 1995, l’épouse s’en ouvre sur France 3, dans un numéro de l’émission Français, si vous parliez ! ayant pour thématique « Je vis avec un bourreau de travail ». « C’est fatiguant. Mon mari est un passionné dans son travail et a une conscience professionnelle exacerbée. Ce qui le rend très occupé, très exigeant et très stressé », confie-t-elle à l’époque. Le verdict finit par tomber, inéluctable : chacun sa vie.

Légende photo : Eric Dupond-Moretti dans sa célèbre robe d’avocat en 2015 au tribunal correctionnel de Lille. Cette même robe qui lui a permis de rencontrer sa première femme Hélène, jurée à un procès d’assises Assises dans lequel il plaidait.

La tentation du showbiz

Il y a le barreau et puis… il y a le cinéma. A mesure qu’il devient un avocat médiatique, Eric Dupond-Moretti se laisse approcher par le showbiz, qui sait le flatter. Il se lie d’amitié avec Jean-Paul Belmondo, Gérard Darmon, Pierre Perret. Tente une première expérience de comédien sur un court-métrage du jeune réalisateur Antoine Rimbault. C’est Claude Lelouch, très impressionné par sa présence, qui l’impose sur le grand écran avec un rôle tout trouvé : celui un président de cour d’assises dans le film Chacun sa vie sorti en 2017. Eric Dupond-Moretti satisfait son besoin d’être aimé, d’être applaudi. « Il y a du Lino Ventura chez lui », affirmera même le réalisateur d’Un homme et une femme.

Vient ensuite le théâtre. « Acquitator » se décide à monter sur les planches, sous la direction de son ami Philippe Lelouche, en 2019. Le spectacle est un seul-en-scène, intitulé A la barre. Vif succès au Théâtre de la Madeleine, Brigitte Macron le repère déjà. Grand amateur de variété française, Eric Dupond-Moretti fréquente à son tour les salles de spectacles, comme L’Olympia où il est toujours accueilli comme une star. C’est pourtant lui le plus impressionné quand il rencontre des artistes. Le môme de Maubeuge continue de se sentir « comme un enfant » dans le monde du showbiz. « Il est émerveillé par ce qu’il voit, ceux qu’il côtoie alors qu’il n’aurait jamais cru, et en même temps, les artistes sont curieux de le rencontrer« , a parfaitement résumé Arnaud Delbarre, ancien directeur de l’Olympia.

Légende photo : En octobre 2019, Eric Dupond-Moretti prend la pose aux côtés de Claude Lelouch, le réalisateur qui l’a fait tourner dans Chacun sa vie.

Isabelle Boulay, sa part non négociable

Leurs univers étaient lointains. Et pourtant, Eric Dupond-Moretti et la chanteuse Isabelle Boulay se sont rencontrés en 2016, grâce à des amis communs. Une rencontre décontractée qui leur plaît. Malgré la distance, l’histoire se poursuit depuis bientôt cinq ans. Ils ont passé le premier confinement séparément, elle au Québec, lui en France. Durant l’été 2020, ils ont toutefois réussi à se retrouver à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Idem pour les fêtes de fin d’année. Révélé par une photo volée « dans des conditions dégueulasses » selon Éric Dupond-Moretti, leur couple cultive néanmoins la discrétion.

« Avec elle, j’ai peur »

Pour vivre heureux, ils vivent cachés. Les déclarations enamourées sont rares. « Quand vous allez voir une artiste de son calibre chanter, c’est un moment magique. Par sa voix, par ses qualités d’interprète. (…) Et, en même temps, j’ai toujours la trouille qu’elle se prenne le pied dans le micro, par exemple. Je ne suis plus un spectateur lambda. Avec elle, j’ai peur. Derrière, il y a un travail colossal », confiait Eric Dupond-Moretti en 2019, dans l’émission Thé ou café, sur France 2. Lorsqu’il s’est lancé sur scène à son tour, il a pu compter sur le soutien d’Isabelle pour l’épauler. « Elle a été très présente, j’ai beaucoup répété avec elle. Elle m’a beaucoup soutenu, beaucoup aidé« , confirmera-t-il.

« C’est une drôle de bête, tendre, sensible »

Du côté de chanteuse québécoise, ces confessions au Parisien fin 2020 : « C’est une drôle de bête, tendre, sensible, très compassionnelle. Il est très humain et en même temps, il a ce feu en lui. C’est un homme en colère. » Leur vie de couple a beaucoup changé avec la nominaton d’Eric Dupond-Moretti à la Justice. Les paparazzis sont aux aguets, mais Isabelle préfère s’en amuser. « Je ne m’enorgueillis pas de cette chose-là. J’essaie d’être là pour lui, comme une amoureuse est là pour son amoureux », a-t-elle résumé dans une émission canadienne. Soutien de taille, d’autant plus appréciable que l’actuel garde des Sceaux se dit prêt à « aider » Emmanuel Macron pour la présidentielle 2022 et « n’exclut plus » de se présenter lui-même à un scrutin. Pour Dupond-Moretti, la vie reste une plaidoirie.

Légende photo : Isabelle Boulay, photographiée en 2014. Elle ignore encore qu’elle va tomber sous le charme bourru d’Eric Dupond-Moretti deux ans plus tard.

Crédits photos : Crédit : Bestimage / Direction artistique GALA

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