Emmanuelle Béart : violée pendant 4 ans !

Jusqu’à ses 14 ans, l’actrice a subi l’innommable. Dans un documentaire bouleversant sur l’inceste diffusé sur M6, elle parle enfin de cette "blessure d’enfance inguérissable".

Longtemps, trop longtemps, elle n’a rien dit. Emmanuelle Béart a attendu ses 60 ans, fêtés cet été, pour prendre la parole et dénoncer les actes abominables qu’elle a subis préadolescente pendant quatre ans, jusqu’à ses 14 ans. Son agresseur n’est pas son père, le chanteur Guy Béart, mais un proche de la famille.

Le bouleversant témoignage de l’actrice, et ceux de quatre autres victimes d’incestes, sera diffusé le 24 septembre sur M6, à 23 h 10. Emmanuelle Béart cosigne la réalisation de ce documentaire coup de poing intitulé Un silence si bruyant, espérant ainsi participer à la libération de la parole. « Je ne voulais pas prendre la parole, je voulais faire un espace de parole pour les autres. Confrontée à elles, à leur sincérité, à leur courage, je me suis dit que je devais moi aussi parler », confie l’héroïne de Claude Berri dans Manon des sources.

“Tu déchires mon sommeil comme tu déchires ma chemise de nuit”

Chaque année, selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, 160 000 mineurs sont victimes de violences sexuelles en France, tandis que 5,5 millions d’adultes en ont été victimes dans leur enfance, le plus souvent par une personne du cercle familial ou amical. En prenant la parole, Emmanuelle implore donc les pouvoirs publics de répondre à cette situation dramatique par une action politique et sociétale de grande ampleur. Pour la comédienne, la justice n’est pas à la hauteur déjà en ne prenant pas assez en compte la parole des victimes. « Si quelqu’un me dit que je n’aurais pas dû parler, je pense que je l’efface de ma vie ! » affirme l’actrice dans le magazine Elle, à l’occasion d’un entretien poignant.

Ce qui la choque le plus, finalement ? « Cette putain de société qui n’écoute pas ses enfants ! » « L’idée de départ du documentaire vient de moi. J’avais tenté deux ou trois fois d’imaginer une fiction autour de l’inceste […]. Dans une classe de trente enfants, trois ont probablement été abusés sexuellement. C’est un phénomène d’une ampleur inouïe », observe Emmanuelle Béart. « Pourquoi on se tait, surtout dans un premier temps ? Parce qu’on a peur, parce qu’on a honte. Selon la situation et la personne qui vous agresse, on se dit : “Et si c’était moi qui avais provoqué ça ?” […] Et puis il y a la peur, aussi, de ne pas être cru », ajoute-t-elle.

“Je hurle dans le silence”

Dans le documentaire de M6, la sexagénaire raconte le calvaire qui a été le sien, en s’adressant directement à son agresseur, ce proche de ses parents dont on ne sait pas s’il est toujours en vie : « J’ai 11 ans. Tu déchires mon sommeil comme tu déchires sans bruit aucun ma chemise de nuit. J’ai très froid. Aucun cri ne sort de ma bouche. Quand il fait jour à nouveau, tout semble intact comme si de rien n’était. Et si mon père, ma mère, mon école, mes amis ne voient rien, c’est que tout peut recommencer. Et tu recommenceras pendant quatre ans. Aujourd’hui, les séquelles restent plantées là. Mes nuits sont blanches. Je hurle dans le silence comme des milliers d’autres que personne n’entend. »

Par deux fois, en 1999 et en 2014, dans l’émission animée par Catherine CeylacThé ou Café, la comédienne a abordé le sujet, se contentant toutefois de parler d’une « blessure d’enfance inguérissable« . Le moment n’était pas venu de préciser les choses. « Il y a un grand secret, concédait-elle alors. Dans chacun de mes rôles, dans mes révoltes, il y a forcément des résonances de ce que j’ai vécu. Le grand secret qui compose mon être est intact. Je n’en dirai jamais plus. Il faut faire quelque chose de ses blessures car c’est important. »

C’est fait. À travers ce documentaire exceptionnel, la comédienne prend enfin la parole et la donne à d’autres victimes. Dans les colonnes de Elle, l’actrice raconte qu’elle a parlé de ce qu’elle subissait enfant à sa grand-mère : « C’est elle qui m’a sauvé la peau. Elle m’a permis de sortir des griffes de cet homme. J’ai été sortie du cercle familial et envoyée en pension. J’en ai parlé à mes parents, mais c’était plus tard, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que j’avais honte de n’avoir rien dit. C’est fou… »

FRANÇOIS PERRET

Source: Lire L’Article Complet