Emmanuel-Philibert de Savoie : « avec Clotilde, on a traversé des hauts et des bas »

Le prince de Venise est un visionnaire. Alors que le monde tangue, lui fonce et ouvre son premier restaurant à Los Angeles. L’amour, ses filles, son épouse Clotilde Courau, la politique, la maladie, Emmanuel-Philibert de Savoie parle de tout avec élégance et sans tabou. Rencontre.

A propos de

  1. Emmanuel-Philibert de Savoie

  2. Clotilde Courau

  3. Vittoria de Savoie

L’homme aime l’exactitude. La politesse des rois, enfin dans son cas des princes. Emmanuel-Philibert de Savoie, prince de Venise, prince de Piémont, héritier de la Maison royale d’Italie, apprécie aussi la ponctualité. Peut-être parce qu’il court toujours entre deux rendez- vous, deux fuseaux horaires. Aujourd’hui à Monaco, hier à Genève, demain à Rome, dans deux mois à Los Angeles. Partout un peu chez lui, jamais vraiment quelque part. Il reste cet enfant né en exil, interdit de séjour en Italie pendant plus de trente ans. Un prince sans royaume devenu citoyen du monde qui réfléchit en français, rêve en anglais et se décrit en italien. Son passé prestigieux, le petit-fils du dernier roi italien Umberto II l’a intégré, digéré (la Maison royale de Savoie a régné mille ans sur une partie de l’Europe, à laquelle elle a donné 18 comtes, 14 ducs et 11 rois). Seul son futur l’intéresse. Confidences.

GALA : Monseigneur, vous venez d’ouvrir un restaurant italien, Prince of Venice, dans le quartier de Westwood à Los Angeles. Un projet ambitieux en pleine crise sanitaire ? EMMANUEL-PHILIBERT DE SAVOIE : On ne peut pas tellement s’arrêter quand on mène à bien des projets, même en pleine crise. Il faut avancer, regarder devant, penser et imaginer le futur. Mon concept de restaurant est très adapté à la situation actuelle : il est fondé sur la commande et la livraison. Prince of Venice n’est pas un établissement où l’on s’assoit, où l’on est servi à table. Les pâtes fraîches sont déposées dans de petits bols que l’on peut déguster partout. L’étape suivante est d’en ouvrir une cinquantaine aux Etats-Unis et dans le monde.

GALA : Comment vous est venue cette idée très actuelle ?
E.-P. DE S. : J’ai lancé, il y a quatre ans, un food truck de pâtes fraîches outre-Atlantique qui fonctionne très bien. J’étais alors avec mon ami Johnny Hallyday. Il voulait manger des pâtes à l’huile, à l’ail et au piment. On n’en trouvait nulle part à Los Angeles. Il y avait plein de food trucks de nourriture du monde mais aucun n’était dédié à la cuisine italienne. Rentré chez Johnny, je lui ai préparé moi-même les pâtes. Voilà comment est née cette idée.

GALA : Vous avez travaillé dans la banque, vous avez créé une griffe de vêtements, vous avez été animateur de télévision en Italie… Vous êtes un bâtisseur ?
E.-P. DE S. : J’ai énormément d’idées en tête et j’aime les concrétiser. Un jour, Pierre Cardin m’a dit : « Chaque idée que tu as, essaie de la concrétiser. Sur une centaine, il y a en a une qui marchera mais si tu ne les réalises pas toutes, tu ne sauras jamais laquelle est la bonne. » Alors, j’ai toujours mille projets et à chaque fois, je tente. D’ailleurs, je dis souvent à mes deux filles Vittoria et Luisa qu’elles doivent aller de l’avant, réaliser leurs envies. Je déteste les phrases qui commencent par : « J’aurais dû. »

GALA : Vous vous êtes transformé en chef d’entreprise ?
E.-P. DE S. : Je ne supporte pas ce terme. Je me définis comme un entre- preneur. On ne bâtit rien tout seul. J’ai une équipe qui m’aide dans toutes mes activités. J’ai plein de centres d’intérêt. Je suis curieux de nature, j’aime être en mouvement. Peut-être pour me prouver que je suis vivant.

GALA : En 2019, vous avez dévoilé vos problèmes de santé. Allez-vous mieux aujourd’hui ?
E.-P. DE S. : Il y a quelques années, j’ai eu un mélanome dans la cloison nasale qui a été enlevé et qui est revenu en 2019. Mes problèmes de santé ne sont pas derrière moi, ils sont monitorés. J’ai la chance d’être suivi à l’hôpital Lariboisière à Paris par le professeur Herman. Il est exceptionnel et j’ai confiance en lui.

GALA : Vous êtes résident monégasque, votre épouse et vos filles vivent à Paris. Vos affaires vous mènent aux Etats-Unis. Où vous sentez-vous chez vous ?
E.-P. DE S. : Dans un avion. Là, je suis bien. C’est l’unique endroit où je n’ai pas Internet et où mon téléphone ne passe pas. Personne ne peut me joindre.

GALA : Héritier de la Maison royale de Savoie, petit-fils du dernier roi d’Italie Umberto II, vous êtes un prince sans royaume…
E.-P. DE S. : Oui, je n’ai plus de royaume mais j’appartiens à un pays que j’aime, l’Italie. Et j’essaie de faire plein de choses avec les ordres dynastiques de la Maison royale de Savoie. On a une délégation dans chaque région d’Italie qui développe nos œuvres de bienfaisance. On compte une vingtaine de projets – de la maison d’accueil des familles des enfants malades à des programmes culturels pour des jeunes défavorisés. Je lève beaucoup d’argent pour ces projets.

GALA : On murmure que vous auriez des ambitions politiques en Italie.
E.-P. DE S. : J’aime l’étymologie du mot politique. J’adore mon pays et ses concitoyens. Si c’est ça faire de la politique, alors oui j’ai des ambitions !

GALA : Allez-vous vous présenter aux élections ?
E.-P. DE S. : Pas pour l’instant. Mais je ne peux pas vous dire non, cela serait vous mentir.

GALA : La Maison royale de Savoie a mis fin à la loi salique. Votre fille aînée, la princesse Vittoria, 17ans, peut prétendre au trône. Qu’est- ce que cela représente pour vous ?
E.-P. DE S. : Je crois beaucoup en mes deux filles. Vittoria ne sera pas seule, elle sera toujours aidée et épaulée par sa sœur, Luisa. Elles sont en accord, elles s’entendent à la perfection. Je suis certain qu’elles pourront travailler ensemble pour l’Italie. On parle entre nous de l’histoire de la famille, de ce que l’on pourrait faire. Toutes mes décisions, je les prends aussi avec elles. Elles m’accompagnent de plus en plus dans mes voyages. Je les forme toutes les deux. Vittoria, l’aînée, sera l’héritière mais il n’y a pas de Vittoria sans Luisa et de Luisa sans Vittoria. Et leur mère Clotilde fait aussi un travail merveilleux dans ce sens. On est très en phase, en symbiose là-dessus.

GALA : Avec Clotilde Courau, vous allez célébrer vos dix-huit ans de mariage, le 25 septembre. Elle habite à Paris, vous à Monaco. Vous ne partagez pas le quotidien mais que de jolis moments. Est-ce le secret des couples qui durent ?
E.-P. DE S. : Notre couple, c’est une forte amitié, une complicité et un désir de vérité. Tout cela, c’est de l’amour.

GALA : Vous vivez votre histoire dans l’absence ?
E.-P. DE S. : Est-ce que l’amour, c’est d’être tout le temps ensemble ? L’amour, c’est penser à l’autre quand on est loin, et être heureux quand on est ensemble. On a traversé, comme tous les couples, des hauts et des bas. Mais nous avons réussi à trouver une écoute et un vrai dialogue entre nous. Un franc-parler. Avec Clotilde, on se dit tout.

GALA : Vos filles ont-elles conscience d’être des princesses ?
E.-P. DE S. : Elles sont très modernes, Vittoria a un compte Instagram. Mais elles se consacrent à leurs études. Vittoria veut se spécialiser dans l’économie et l’écologie. Mais au-delà de leurs titres, elles savent qu’elles doivent avoir la tête sur les épaules. Avec Clotilde, nous sommes là pour les accompagner.

Crédits photos : Real Casa di Savoia via Bestimage

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