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"Elle échappe aux codes, à la pensée unique" : Marianne Faithfull vue par Étienne Daho, Carla Bruni ou Caroline de Maigret
Cette aristocrate du rock sort un nouvel album, envoûtant hommage à la littérature anglaise. À cette occasion, nous avons demandé à cinq célébrités, liées à elle par l’amitié et l’admiration, de l’évoquer. Autant d’éclats de vie…
«Je n’ai pas fait un disque consacré aux grands poètes anglais parce que j’ai atteint un âge vénérable, tonne la voix de Marianne Faithfull, ombrageuse comme une tempête de William Turner. J’y pense depuis mes 20 ans.» L’idole de la pop culture couronne le rêve d’une vie en sublimant les vers de Lord Byron ou de Shelley, mis en musique par le violoniste Warren Ellis et orchestrés par Brian Eno et Nick Cave, son ami, à qui l’on doit le titre de l’album : She Walks in Beauty (Universal).
«Ces poètes sont des rock stars absolues», affirme-t-elle. La vie de Marianne Faithfull tient d’un tableau en clair-obscur. Fille d’une aristocrate autrichienne et muse du Swinging London. Ex-fiancée de Mick Jagger et petite-nièce de Leopold von Sacher-Masoch. Figure de mode et artiste, qui a côtoyé l’enfer et en est sortie avec l’aide d’amis comme Francis Bacon. Ceux qui ont été touchés par sa poésie racontent.
En vidéo,la rencontre de Lulu Gainsbourg et Marianne Faithfull
Charlotte Rampling : « L’égérie du Swinging London et ma pote pour toujours »
«J’ai rencontré Marianne dans les années 1960 en plein Swinging London. Nous étions très jeunes et nous vivions dans une liberté, une créativité et une euphorie contagieuse, qui électrisaient les rues, les cafés, les salles de spectacle, non sans une forme d’excès. Je me souviens de la première fois où je l’ai vue chanter As Tears Go by ,des Stones, dans un club. Mick Jagger était à côté de moi, on était une bande, et nous débutions tous ensemble. Marianne avait une voix merveilleuse, elle était très belle, d’une beauté à part, pas plastique, avec quelque chose en plus. C’était la fiancée de Mick, mais pas seulement : elle sortait ses albums, puis a écrit les paroles de Sister Morphine, le hit des Stones, pour lequel elle a d’ailleurs eu du mal à être créditée. Nous étions débridés, et ce n’était pas toujours facile de maintenir le cap. Marianne est partie dans un voyage à la Kerouac, entre poésie et drogues, une errance sans toit, dans la rue. Et elle est revenue avec une autre voix et un album bouleversant, Broken English, qui a relancé une carrière et mène à ce magnifique She Walks in Beauty. Marianne et moi sommes vraiment devenues amies quand elle s’est installée en France : deux Anglaises à Paris ! Elle a eu une très belle carrière également comme actrice de cinéma, a croisé des cinéastes comme Godard dans Made in Usa, où elle jouait son propre rôle. Notre quête commune a été d’être entières, de vivre nos choix artistiques sur notre peau, ce qui est dangereux. Même si en ce moment elle est repartie vivre à Londres, on se parle tout le temps. C’est ma pote pour toujours.»
Charlotte Rampling sera à l’affiche de Benedetta, de Paul Verhoeven, avec Virginie Efira. Sortie prochainement
Marianne Faithfull et Mick Jagger sortant du tribunal. (Londres, le 18 décembre 1969.)
Étienne Daho : « Une interprète qui te touche au plus profond »
«On lui doit la sublime Ballad of Lucy Jordan, un hymne féministe (reprise dans Thelma et Louise, NDLR). Mais, comme pour Jeanne Moreau, on ne pense pas à Marianne comme à une féministe. Elle n’incarne pas un rôle, elle est. Elle a une autorité qui fait qu’elle n’a jamais été une victime, même dans les années 1960, où elle était une parure au bras de Jagger. Nous sommes amis depuis vingt ans : on a travaillé, chanté ensemble, à un moment, elle a même habité chez moi. J’ai des souvenirs musicaux absolument déchirants d’elle. Son parcours est plus cohérent qu’on ne l’imagine. Marianne a toujours été consciente de ce qu’elle était : exigeante, curieuse, aventurière, éclectique, très cultivée. Tout ça a nourri ses collaborations artistiques : PJ Harvey, Cat Power, Blur… Cet album avec Warren Ellis et Nick Cave me transperce : c’est rare, une interprète qui te touche au plus profond. Certains acceptent d’être soumis. Pas elle. Elle échappe aux codes, aux genres, à la pensée unique.»
Dernier album : Surf, Parlophone. Exposition de ses tenues de scène, dont il a fait don au Palais Galliera, le Musée de la mode de la Ville de Paris.
Silly Boy Blue : « C’est une héroïne transgénérationnelle »
«C’est un modèle pour ma génération. J’ai commencé à l’écouter à 15 ans : elle était pour moi une muse fascinante, comme Nico avec le Velvet Underground. Plus tard, en écoutant ses albums, elle m’a prouvé que les filles pouvaient écrire des chansons sublimes. Grâce à elle, j’ai connu Joni Mitchell et toutes ces songwriteuses qui ont changé l’histoire de la musique et ma propre destinée. Quand je cherche l’inspiration, j’écoute No Moon in Paris, qu’elle a écrit avec Nick Cave, une ballade céleste. Je suis une musicienne de pop française : toute notre musique est influencée par des artistes comme Marianne Faithfull. She Walks in Beauty me donne envie de lire Keats, Shelley et Lord Byron. Son album, magnifique, nous ramène à des choses essentielles après une année d’isolement, d’arrêt de tout.»
Prochain album : Breakup Songs, Sony. Sortie le 18 juin.
Carla Bruni : « Elle est mon professeur de vie, ma complice »
«C’est Marianne qui m’a initiée à la poésie anglaise.Elle m’a coachée pour mon album No Promises, où j’avais mis en musique des poètes anglophones. On étudiait Yeats, allongées dans l’herbe. Elle connaissait l’histoire cachée derrière chaque vers : grâce à elle, j’ai découvert qu’il écrivait pour la comédienne Maud Gonne, l’une des premières féministes. Mick Jagger et Keith Richards sont entrés dans l’art et la poésie grâce à Marianne. J’ai vécu avec elle boulevard Saint-Germain : nous passions nos journées au lit à lire et à fumer. C’était le paradis, l’ancien temps. Je l’ai vue découper le rôti aussi bien qu’Alain Ducasse. “Ma mère m’a appris la broderie et tout ce qu’il faut pour être une épouse parfaite”, m’avait-elle raconté. C’est drôle, cette liberté qu’elle a prise : totale, absolue, folle. Nous avons en commun notre solitude et une capacité à la transgression. She Walks in Beauty… Ce titre, c’est elle, sa puissance, sa beauté, sa voix. Sa voix ne laisse pas indemne, elle piège et transperce.»
Dernier album : Quelque chose, Universal. Remix de Voglio l’amore, par Yuksek. Elle vient d’enregistrer un duo avec Tanya Chua, l’une des plus grandes chanteuses chinoises, sortie en juin.
Caroline de Maigret : « C’est une icône de mode »
«Ce qui m’intéresse chez Marianne Faithfull, c’est qu’elle dépasse le statut de muse. Elle a été mise en lumière par les Stones, mais, très vite, c’est l’artiste sublime, qui incarne la nonchalance rock, qui prend le pas par son talent et sa force de femme. C’est une inspiration. D’un point de vue esthétique, je ne peux que lui rendre hommage avec ma frange épaisse et mes cils chargés de mascara. Marianne Faithfull, pour moi, c’est l’actrice en combinaison de cuir noir de La Motocyclette de Jack Cardiff, la blonde en minijupe aux grandes lunettes de soleil. Et puis la chanteuse en costume d’homme que j’ai vue sur scène, toujours sensuelle, féminine. Tout lui appartient : c’est la mode qui la suit et non l’inverse. C’est là qu’on reconnaît les icônes. Marianne Faithfull est l’épitome du rock’n’roll.»
Productrice du nouvel album de Yarol Poupaud, Hot Like Dynamite, sur le label qu’ils ont fondé ensemble, Bonus Tracks Records.
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