Elizabeth : le dernier combat

Pour la Reine, pour la mémoire du duc, pour redorer l’image ternie des Windsor, l’heure est à l’apaisement.

L’image est frappante. La reine Elizabeth, de noir vêtue, isolée dans le chœur de la chapelle Saint-Georges de Windsor, voûtée par les années et la perte du compagnon de toute une vie, le prince Philip, devant lequel elle s’incline, tête baissée, en prières.

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À 95 ans ce 21 avril, la souveraine britannique semble si seule, murée dans sa douleur et dans sa dignité… La mort du prince constitue une première étape vers ce que les Britanniques considèrent comme la fin d’une ère. La Reine a perdu son roc, celui qui avait confié à son secrétaire particulier, Michael Parker, après son mariage en 1947 : « Mon premier, deuxième et ultime emploi est de ne jamais laisser tomber la Reine. »

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La tâche incombe désormais à sa famille. Les Windsor ont resserré les rangs autour de la souveraine. Les quatre enfants du couple ont multiplié les visites pour la soutenir. La sincère émotion de chacun semble même avoir, un temps, éloigné les nuages amoncelés depuis l’entretien télévisé dévastateur accordé à Oprah Winfrey par les jeunes Sussex. Les princes William et Harry ont d’ailleurs paru renouer leurs liens distendus ; ils ont pu se parler franchement, dissiper quelques malentendus. La consigne semblait claire : l’heure est à l’apaisement pour la Reine, pour la mémoire du duc, pour redorer l’image ternie des Windsor. Il se murmure que le prince de Galles, profondément ému par la mort de son père, a trouvé du réconfort auprès de ses deux fils réunis. Il n’avait pas vu Harry depuis plus d’un an.

De nombreuses questions restent cependant en suspens. Si les obligations du prince Philip avaient déjà été réparties entre les membres de la famille royale depuis sa retraite en 2017, chacun se repositionne dans le cercle intime de la Reine pour accompagner les dernières années de son règne. Ceux qui escomptent une abdication prochaine en seront pour leurs frais, et le prince Charles, 72 ans, est encore prié d’attendre aux marches du trône. Il s’est fait une raison, après un demi-siècle de patience, continuant de défendre les causes chères à son cœur tout en assumant les responsabilités dont sa mère s’est déchargée, notamment les voyages officiels. Ainsi représentait-il, avec son épouse Camilla, le Royaume-Uni aux cérémonies du bicentenaire de l’indépendance de la Grèce, pays si cher au poète lord Byron.

L’éternel héritier incarne une sorte de prince régent au nom de la Reine. Ne jamais oublier le modèle absolu d’Elizabeth II : son aïeule Victoria, dont elle connaît chaque passage du journal intime, elle qui note également tous les soirs ses impressions. La reine Victoria avait délégué au prince de Galles, futur Edouard VII, le soin de la représenter dans la plupart des événements officiels. Malgré le deuil, la reine Elizabeth a pourtant continué d’assumer sa mission et a repris le cours ralenti de son « travail ». Elle a présidé l’audience de congé accordée au Lord Chamberlain, le comte Peel, avant de recevoir le nouveau titulaire de la charge, le baron Parker de Minsmere.

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Fils préféré d’Elizabeth II, Andrew ne cache pas son envie : devenir un pilier pour sa mère

Selon Sarah Richardson, professeur d’histoire britannique moderne à l’université de Warwick, « le décès du prince Philip pourrait constituer un tournant dans l’avenir ; la Reine pourrait être tentée de prendre du recul dans ses fonctions officielles, même si elle continuera à faire son devoir ». La monarchie britannique est sacrale. La souveraine, ointe par les saintes huiles lors de son couronnement à l’abbaye de Westminster en 1953, n’imagine pas abandonner son trône comme un fonctionnaire prendrait sa retraite. Elle accomplira son devoir jusqu’à son dernier souffle. L’ordre de succession sera scrupuleusement respecté : Charles, puis William, puis son fils George. Ainsi se met en place une monarchie duale ; la Reine demeure la monarque en titre, déléguant des bribes à son fils Charles.

En coulisses, à Windsor, où la Reine est recluse, les siens avancent leurs pions. Assis à trois sièges de sa mère aux obsèques, le prince Andrew, duc d’York, espère tirer profit de sa proximité affective avec la Reine pour opérer un retour en grâce. Il a dû renoncer à toute activité officielle après que fut révélée son implication dans le scandale sexuel lié au pédocriminel Jeffrey Epstein. Mais c’est lui qui, le premier, s’est exprimé dans les médias sur l’état d’esprit de la Reine après la disparition de son époux. « Elle est très songeuse. Elle ressent sa mort, sa perte, plus que quiconque. Il laisse un vide immense dans sa vie. Mais nous, la famille, les proches, nous nous mobilisons et nous sommes là pour la soutenir. »

Fils préféré d’Elizabeth II, Andrew ne cache pas son envie : devenir un pilier pour sa mère. Il a sans doute été déçu lorsque celle-ci a décidé que les hommes de sa famille assisteraient en jaquette aux funérailles, autant pour éviter que le prince Harry, privé de ses titres militaires, ne se sente humilié que pour empêcher le prince Andrew de parader en uniforme de vice-amiral de la Royal Navy… Ironie mordante, ces deux princes sont pourtant les seuls à avoir mené une carrière active au sein de l’armée.

Enfant préférée de son père, la princesse Anne a été autorisée par sa mère, malgré le deuil, à poursuivre ses tâches représentatives. Elle s’est rendue sur l’île de Wight pour présider au Royal Yacht Squadron une manifestation en souvenir du prince Philip qui, grand amateur de yachting, participa aux célèbres régates de Cowes. Indépendante, peu sensible en apparence, Anne devrait jouer sa partition en solo, comme de coutume, tout en demeurant soucieuse de ne jamais faire d’ombre à son frère aîné, avec qui elle s’entend bien.

La comtesse de Wessex, Sophie, est devenue au fil des ans une « presque fille » de la Reine, qui ne tarit pas d’éloges sur elle

La personnalité royale qui attire désormais la lumière est le prince Edward, comte de Wessex. Le dernier fils d’Elizabeth II, 57 ans, devrait relever le titre de duc d’Édimbourg que portait son père. Promis à Edward lors de son mariage en 1999 avec Sophie Rhys-Jones, le grade pourrait lui être accordé avant l’accession au trône de Charles. C’est d’ailleurs Edward qui assume les fonctions paternelles pour remettre le prix du duc d’Édimbourg, un programme d’encouragement à la jeunesse créé en 1956. Mieux, la comtesse de Wessex, Sophie, est devenue au fil des ans une « presque fille » de la Reine, qui ne tarit pas d’éloges sur elle. De tous les Windsor, c’est elle qui fut la plus présente aux côtés de la souveraine.

Avec Edward et leur fille, Louise, elle foulait les pelouses du château de Windsor pour découvrir les monceaux de fleurs déposés par les Britanniques. C’est elle qui s’est exprimée sur les ultimes instants de son beau-père. « C’était si doux ! Comme si quelqu’un le prenait par la main et s’en allait… Très, très paisible. Et c’est tout ce que vous voulez pour quelqu’un, n’est-ce pas ? Je pense que c’est tellement plus facile pour la personne qui s’en va que pour les personnes qui restent… Nous sommes tous assis ici à nous regarder les uns les autres, en train de dire : “C’est horrible !” » a-t-elle raconté. Sophie n’aurait jamais distillé de telles nouvelles, face caméra, sans autorisation.

« La Reine pense aux autres avant de penser à elle, elle a été formidable », a-t-elle tenu à ajouter. Elizabeth II devrait prochainement lui confier d’autres responsabilités, notamment celles attribuées à Harry et Meghan, tel le Queen’s Commonwealth Trust. Autre symbole fort : la famille royale a publié une charmante photographie de la Reine et du prince Philip, le couple souriant et complice au sommet des Coyles de Muick, près de Balmoral, en 2003. Une image inédite et « privée » capturée par la comtesse de Wessex… Son mari, le prince Edward, le cadet, prend une sorte de revanche sur ses aînés. Lui qui fut moqué pour ses velléités de « travailler », qui semblait effacé, peu porté sur la chose royale, a su se rendre indispensable.

Elizabeth II, veuve, se console avec les siens. Dans la Bentley royale bordeaux qui la ramenait au château après les obsèques, elle aurait glissé à sa fidèle dame d’honneur, lady Susan Hussey, qui partage son confinement, que rien ne valait une famille unie pour la réconforter et rendre hommage à un tel homme, son époux. Si la femme est meurtrie, la Reine assumera la fonction jusqu’au bout.

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