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Charlotte Cardin : “Ce qui est ringard, c’est de chercher la nouveauté à tout prix”
Chanteuse, musicienne, mannequin et gymnaste, la Canadienne Charlotte Cardin sort Phoenix, un album tout en rythme et en sensualité. Une jolie pop sous influence.
La belle Canadienne se promène dans ses partitions d’une voix aussi élancée que sa silhouette et hypnotise comme le feu d’une chandelle. L’oracle Elton John l’a glissée au top de sa playlist Spotify, et, après deux EP et des concerts sur les scènes de Montréal, Londres et Paris, Charlotte Cardin livre un superbe premier album, Phoenix, chez Warner.
Madame Figaro. -Comment décririez-vous l’univers sonore de cet album, et où l’avez-vous composé ?
Charlotte Cardin. – J’ai écrit ces chansons dans un studio à Montréal, pendant deux ans et demi, en travaillant ma voix, ma guitare Fender et mon piano. C’est une pop sombre, influencée par toutes les musiques que j’écoute : le jazz, le rock, le hip-hop, la trap. J’aime les productions à la Finneas O’Connell – le frère de Billie Eilish -, cette mouvance pop de qualité, dansante bien que très noire, influencée par le jazz et le blues.
De qui avez-vous hérité votre passion pour la musique ?
J’ai grandi dans une famille musicale. Ma grand-mère était prof de musique, et il était essentiel pour mes parents mélomanes que j’apprenne à jouer d’un instrument. J’ai débuté le piano à 6 ans avec le songbook d’Elton John et les partitions de Chopin, et j’ai pris des cours de chant classique pendant dix ans. À 16 ans, j’ai été foudroyée par une chanson de Radiohead, No Surprises, qui m’a donné envie de composer, d’aller sur scène. Mon producteur m’a découverte peu après, à 18 ans, dans un jingle que je chantais pour une marque de café.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Le cinéma. J’adore les films de Godard, et mon clip de Passive Aggressive, tourné en pellicule, s’inspire de l’esthétique de son film Une femme est une femme, avec Anna Karina, de son utilisation de la couleur, des bleus obsessionnels et des rouges saturés qu’on retrouve chez lui, comme chez David Lynch et Pedro Almodóvar. Je suis aussi inspirée par la façon de danser de Mick Jagger et de David Bowie, qui sont pour moi les symboles de la liberté, de l’avant-garde, des mille nuances entre féminin et masculin.
« Les jazz women nous ont ouvert la voie »
Votre génération se réfère beaucoup aux groupes des années 1970…
J’ai hérité de mon père une collection de vinyles rock, blues et jazz. Il voulait s’en séparer de peur de faire vieux ! Nous vieillissons tous, mais je ne pense pas qu’une chanson comme Masters of War, de Bob Dylan, ou les mélodies de Portishead puissent un jour devenir ringardes. Ce qui est ringard, c’est de chercher la nouveauté à tout prix. Grâce à Internet, notre génération a accès à tout. Et pour beaucoup, Fleetwood Mac est un groupe émergent !
Le nombre de femmes qui percent aujourd’hui en musique dépasse celui des hommes. Comment l’expliquez-vous ?
Je le remarque beaucoup en France avec des artistes comme Pomme, Angèle ou Aloïse Sauvage. Ces chanteuses, qui écrivent leurs textes, marquent un changement d’époque. C’est très positif. Il y a toujours eu des icônes féminines en musique, je pense à Nina Simone ou à Kate Bush. En 2021, il y a de plus en plus de musiciennes sur scène. Quand j’étais petite, je ne voyais jamais de femmes qui rockaient dans un groupe.
Vous imposer en tant que femme instrumentiste a-t-il été compliqué ?
Bien sûr. On m’a souvent suggéré de faire l’impasse sur mon piano ou ma guitare et de danser sur scène… Les jazz women nous ont ouvert la voie mais, dans le monde de la pop, les musiciennes ne sont pas assez respectées et représentées. On a Kim Gordon, PJ Harvey, Suzi Quatro, Chrissie Hynde, Lady Gaga, Alicia Keys, Taylor Swift… Mais si vous y réfléchissez, il n’y en a pas tant que ça de connues, et celles qui le sont sont souvent considérées comme des excentriques. Si, petite, j’avais vu plus de musiciennes, j’aurais peut-être fait de la basse et non du piano, l’instrument conseillé aux filles.
En vidéo, « Le Blues de Ma Rainey »
Vous considérez-vous comme une artiste féministe ?
Je suis mannequin, j’ai donc marché sur la passerelle, posé pour des maisons de mode, mais cela ne m’empêche pas de faire des clips habillée en tomboy ni de donner un concert en streetwear, d’être un soir hypersexy et l’autre pas, comme beaucoup de mes collègues, dont Lady Gaga. Je suis féministe, mais je n’adhère pas à cette mise en cause de tout que j’observe sur les réseaux sociaux, cette cancel culture, qui consiste à dénoncer par principe. J’ai 26 ans et j’ai besoin avant tout de connaître, pas d’effacer.
Quelles sont les femmes qui vous inspirent ?
J’adore Gabrielle Chanel pour son anticonformisme, pour sa création de vêtements féminins avec des tissus qui, avant, n’étaient destinés qu’aux costumes masculins, mais aussi pour avoir été la première à mettre des poches sur des robes. J’admire Annie Leibovitz pour son talent de portraitiste, sa capacité à montrer la force, la sensualité et la douceur d’une femme. Et aussi Lady Gaga, parce qu’elle représente la femme de 2021 : celle qui ne s’excuse pas d’exister.
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