Benjamin Lavernhe : “Je ne m’impose rien, si ce n’est garder le sourire”

L’acteur est à l’affiche de la troisième et dernière saison d’Un entretien, la minisérie de Canal +.

Odieux marié dans Le Sens de la fête, meilleur ami «attachiant» dans Mon inconnue, amant pleutre dans Antoinette dans les Cévennes, ébouriffant Scapin à la Comédie-Française dont il est sociétaire, Benjamin Lavernhe est de ces comédiens dont la seule présence à l’écran redonne le sourire. En attendant son retour au cinéma, il porte avec brio la troisième et ultime saison d’Un entretien, la minisérie acide de Canal + dans laquelle il joue un DRH proche du burn-out. Le dispositif est coriace : chaque épisode scanne le quotidien du héros sur deux niveaux, les pensées des personnages s’exprimant en voix off, en parallèle des dialogues. Un ping-pong jubilatoire pour le spectateur qui compatit et s’identifie, intégrant dès lors le fan-club déjà bondé du comédien.

Madame Figaro. – Racontez-nous la genèse de cette série…
Benjamin Lavernhe.
– Tout part d’un court-métrage de Julien Patry dans lequel je jouais un candidat à l’embauche qui passait un entretien avec un DRH : on y entendait leurs échanges mais aussi leurs pensées. L’enjeu était de jouer le contraste, entre le sourire affiché et le désarroi intérieur par exemple. C’est un exercice très particulier, une gymnastique à apprivoiser. Ce film en disait long sur le monde de l’entreprise et l’état dans lequel un entretien d’embauche nous plonge, entre stress, volonté de bien faire, paranoïa, «survigilance»… Un sujet si vaste que je n’ai pas hésité quand Julien m’a proposé de prolonger l’expérience en série et de me faire passer de l’autre côté du bureau, à la place du DRH.

En vidéo, « En entretien », la bande-annonce

Pour cette dernière saison, le contexte pandémique s’est naturellement imposé ?
La pandémie ajoute plus de contraintes, de danger et de mal-être à la vie des salariés, qui craignent d’autant plus pour leurs emplois. Mon personnage, lui, se voit nommé «directeur du bonheur» : ce poste, qui existe réellement dans certaines entreprises, représente une tâche insurmontable pour cet homme qui subit son travail. Dans une période d’angoisse et d’incertitude comme celle que nous traversons, cette injonction au bonheur peut sembler totalement absurde.

La ressentez-vous dans votre vie ?
Je ne m’impose rien, si ce n’est garder le sourire et éviter d’afficher mon mal-être éventuel devant mes camarades de jeu. Essayer de positiver un peu et chercher la lumière peut être salutaire dans cette période. À la Comédie-Française, notre administrateur fait tout pour que le moral de la troupe tienne et nous avons la chance de maintenir le lien grâce à Théâtre à la table. Nous répétons une pièce pendant cinq jours, elle est ensuite captée et diffusée en ligne le samedi soir. C’est une manière de résister, de continuer à faire entendre des grandes œuvres, de faire vivre notre art. Mais, en l’absence de perspectives, notre volonté est mise à l’épreuve. Peut-être faut-il en profiter pour tenter de nouvelles choses ?

Lesquelles ?
Écrire, par exemple… C’est en gestation, mais je n’ai encore rien couché sur le papier.

Un entretien évoque la quête de sens au travail. Comment, justement, donner du sens quand rien n’en a autour ?
En choisissant des projets qui me passionnent et qui parfois embrassent des problématiques sociales ou politiques. Je tourne Dans un monde idéal, le premier film de la romancière Émilie Frèche sur Le Refuge solidaire, cette association qui s’occupe des migrants à la frontière franco-italienne. Ce genre d’aventure nourrit, vous connecte avec le monde, vous tourne vers les autres, alors que le confinement invite au repli sur soi. C’est d’autant plus important pour moi que je peux avoir une propension à être coupé du réel et à m’évader dans mes pensées.

Vos autres films à venir traitent aussi de sujets en prise avec l’époque ?
Délicieux raconte la naissance du premier restaurant en France. Éric Besnard y fait travailler nos cinq sens et rend hommage aux cuisiniers qui nous manquent tant depuis des mois. J’ai aussi tourné Les Choses humaines, l’adaptation du roman de Karine Tuil par Yvan Attal sur un sujet assez sensible : je joue l’avocat d’un jeune homme jugé pour viol.

On vous attend également dans Le Discours, l’adaptation du roman de Fabcaro ?
C’est un film très drôle de Laurent Tirard qui, d’une certaine manière, évoque Un entretien dans la rapidité de jeu : on ouvre le cerveau des personnages pour accéder à leurs pensées. Sauf que dans Le Discours, mon personnage les verbalise en s’adressant directement au spectateur, avec des regards caméra, en brisant le quatrième mur. Ce dispositif m’excitait autant qu’il m’effrayait. Mais je suis fier du résultat et j’espère que cette comédie remontera bientôt le moral des troupes.

Un entretien, de Julien Patry, 30 épisodes de 6 minutes, à partir du 10 avril à 12 h 25, sur Canal+ et sur MyCanal.

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