Adèle Haenel, actrice sans fards et résistante

  • Accusations d’attouchements envers Christophe Ruggia
  • Féministe et résistante
  • César de la meilleure actrice
  • Une simplicité touchante

Née le 1er janvier 1989 à Paris, Adèle Haenelgrandit dans une famille d’intellectuels. C’est entourée de sa mère, professeure et son père, traducteur, qu’elle développe sa passion pour le théâtre. Repérée à l’âge de 13 ans par Christophe Ruggia, elle joue dans Les Diables en 2002. Avec une vingtaine de films à son actif, Adèle Haenel compte pas moins de 11 nominations et 3 récompenses.

Accusations d’attouchements envers Christophe Ruggia

Le dimanche 3 novembre, l’actrice française s’est livrée, deux ans après le lancement du mouvement #MeToo. Dans une longue enquête publiée par Mediapart , elle accuse le réalisateur Christophe Ruggia d’ »attouchements » et de « harcèlement sexuel ». 

Durant la préparation du film, son tournage, puis sa promotion, Adèle Haenel explique avoir été victime d' »harcèlement sexuel permanent » de la part du réalisateur, alors âgé de 37 ans, et avoir subi « des baisers forcés dans le cou », des « attouchements » sur le « torse » et les « cuisses ». À l’époque, l’actrice avait entre 12 et 15 ans. 

Je me sentais vraiment mal, si sale que j’avais envie de mourir.

« À chaque fois je savais que ça allait arriver. Je n’avais pas envie d’y aller, je me sentais vraiment mal, si sale que j’avais envie de mourir. Mais il fallait que j’y aille, je me sentais redevable », s’est-elle confiée. 

L’actrice a souhaité s’exprimer, car, selon elle, « le silence joue toujours en faveur des coupables ». Une décision engagée, poussée par la diffusion en mars 2019 du documentaire sur Michael Jackson, Leaving Neverland, révélant des témoignages accusant le chanteur de pédocriminalité. Et aussi, lorsqu’elle a appris que Christophe Ruggia s’apprêtait à tourner un nouveau film avec des adolescents.

Féministe et résistante

Lorsqu’elle est interviewée pour la promotion de ses films, l’actrice aime explorer la psychologie de ses personnages tout comme rebondir sur leurs intrigues pour revendiquer ses engagements personnels. 

Je me revendique féministe.

« Moi, je me revendique féministe, » dit-elle à Marie Claire en 2017, lors d’une interview croisée avec Adèle Exarchopoulos pour la sortie de Orphelines. Plus loin, elle explique pourquoi elle existe qu’exister demande une sacrée dose de combat » : « On est écrasé par les injonctions. Il faudrait être comme ci ou comme ça. En fonction d’où tu es né, de ta couleur de peau, de ton orientation sexuelle, de ton sexe…, j’assimile ça à de la fausse vie, de la vie plate, sans intérêt. Moi c’est là où j’envoie chier tout le monde, et où l’acte d’exister devient une résistance. Donc on peut appeler ça un petit combat. »

Dans son dernier film Portrait de la jeune fille en feu, écrit pour elle par Cécile Sciamma, Adèle Haenel incarne une femme qui tombe amoureuse d’une peintre, censée la peindre pour qu’elle soit ensuite bonne à marier. Un film contre les conventions, et qui oppose le « female gaze » féministe d’une réalisatrice, Céline Sciamma, au « male gaze » objectivisant qui domine le 7e art. 

Au micro de France Inter, le 13 septembre, le journaliste Ali Badou parle d’images « old school » pour décrire les scènes sensuelles du film. Adèle Haenel, elle préfère évoquer la vision stéréotypée de la sexualité des femmes dans le cinéma : « Ici, il ne s’agit pas de simulation, mais d’invention, ce sont des images dont on manque en tant que femmes. »

Adèle Haenel explique : « Le regard masculin a été pendant très longtemps associé à un regard neutre, parce que l’immense majorité des films sont produits par des hommes qui regardent des femmes. Il faut dire que ce regard a une origine et un rapport avec la domination masculine. »

César de la meilleure actrice

Après cinq années sans tourner, on la retrouve dans Naissance des pieuvres (2007), le premier film de Céline Sciamma. Elle y incarne Floriane, capitaine d’une équipe de natation synchronisée, qui vit ses premiers émois amoureux. Un rôle qui lui permettra d’être nommée aux Césars, dans la catégorie « Meilleur espoir féminin ». En 2012, elle est nommée une deuxième fois pour son rôle dans L’Apollonide : souvenir de la maison close (2011) de Bertrand Bonello. Elle reçoit également le prix Lumière de la presse étrangère de la « Révélation féminine de l’année ». 

C’est un mélange de femme fatale et d’ado brutasse.

Deux ans plus tard, elle est sacrée « Meilleur actrice dans un second rôle » avec le film Suzanne de Katell Quillévéré, avant de connaître la consécration en 2015, en recevant le César de la Meilleure actrice, pour son interprétation de Madeleine Beaulieu dans Les combattants (2014), premier long-métrage de Thomas Cailley. D’elle, il dit : « C’est un mélange de femme fatale et d’ado brutasse »,  quand son ex-compagne, la réalisatrice Céline Sciamma estime, « cette femme est en fusion ». 

Une simplicité touchante

Si son talent d’actrice est reconnu par l’industrie du cinéma français, sa personnalité conquiert le cœur du public. Qui est Adèle Haenel ? Cette personne touchante qui peut faire rire toute une salle avec juste un mot « Voilà », lors de son discours de remerciement aux César en 2015 : « Ça fait vraiment un drôle d’effet ». C’est le super-pouvoir de cette actrice dont le naturel et la simplicité détonnent dans cet univers glamour et convenu.

En 2013, toujours sur la scène des Césars, elle lâche : « Je voulais remercier Céline… Parce que je l’aime. » Une déclaration d’amour à Céline Sciamma et un coming out sans prise de tête, qui passe relativement inaperçu. 

S’en émeut-elle ? Au contraire : « J’ai fait les choses à mon échelle. Ce qui est drôle, c’est qu’après la cérémonie des César, c’est comme si personne n’avait entendu. Je me suis dit ‘Tant mieux, je n’ai pas envie d’en parler' », confit-elle plus tard au magazine LGBT Têtu. En effet, bien qu’engagée, l’actrice « refuse d’être un porte-drapeau ».

Je ne révèle rien de moi.

Car si elle se donne dans ses rôles, Adèle Haenel est pudique concernant sa vie privée : « Je ne révèle rien de moi. Personne ne saura jamais qui je suis, et pour moi, cette décision est un acte de résistance », peut-on lire dans les pages de Madame Figaro.

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