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À la recherche de Marie-France Pisier
« Où est-on mieux qu’au sein de sa famille ? » demande la mère. « Partout ailleurs », répond Colette. L’actrice qui dit ces trois lignes de dialogue s’appelle Marie-France Pisier, elle a 17 ans, Antoine et Colette, en 1962, de François Truffaut est son premier film, et ce court métrage, une leçon inaugurale de cinéma.
Trois lignes qui résonnent comme une prémonition. Car du commencement jusqu’à l’issue, fatale, c’est bien sa famille qui modèlera le destin de Marie-France Pisier, entre puissance, fureur et tragédie.
Actrice d’une génération
À la recherche d’une actrice que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, à moins d’être cinéphiles et d’avoir été subjugués par l’actrice de Truffaut donc, mais aussi de Téchiné, Rivette, Buñuel, Zulawski et des dizaines d’autres.
Quant à ceux qui sont nés avant Instagram, ils se souviennent vaguement d’une beauté radieuse à l’intelligence acérée, d’une voix dans les hauteurs, un de ces timbres qui zigzaguent, dirait Téchiné, d’un sourire ravageur, de cette façon de dire « assezamusant » en faisant la liaison ou d’écrire – dans Le bal du gouverneur – bicyclette plutôt que vélo.
Les plus de 20 ans se souviennent de la bombe en cuissardes posant en couverture de Lui, de la pétroleuse sans filtre qui, un jour sur deux, ne cachait pas son âge et trouvait délectable de jouer une salope, de sa signature dans le « manifeste des 343 salopes », justement. Voilà pour les résidus de souvenirs, poussières d’étoiles qui flottent autour d’une personnalité démodée par une industrie du cinéma vorace de jeunesse et d’illusions.
Une mort suspecte
Le 24 avril 2011, Marie-France Pisier est découverte morte au fond de sa piscine, le haut du corps encastré dans une chaise de jardin. Une disparition hollywoodienne, sauf qu’à trois heures et demie du matin cette nuit-là, à Saint-Cyr-sur-Mer dans le Var, la fiction n’est pas invitée.
La familia grande, bombe à fragmentation lâchée sur le microcosme intellectuel de gauche, est dédié à Marie-France Pisier. En refermant ce livre, on se dit qu’on aurait dû mieux la considérer. Non pas juste la regarder mais l’écouter. Car Marie-France Pisier, femme engagée, droite et têtue, avait des choses à dire, elle ne s’en est d’ailleurs pas privée.
Au regard du secret révélé par Camille Kouchner, la mort de sa tante est encore plus mystérieuse. Suicide, comme l’a conclu l’enquête de gendarmerie qui a duré près de deux ans ? Accident ? Assassinat ? Le livre a relancé les spéculations. Nous, il nous a donné envie de partir à la recherche de Marie-France Pisier.
L’art de s’exprimer haut et fort
Qui était vraiment ce poids apparemment léger d’1 m 58 de sex-appeal ? Par où commencer ? Décrocher le téléphone en pleine tempête médiatique, c’est prendre le risque d’essuyer les refus de ceux et celles qui l’ont aimée de près.
Bernard-Henri Lévy, avec lequel elle a vécu une passion dans les années 70, avait dit oui puis non. Georges Kiejman, son ex-mari, a dit non en expliquant : « Je ne veux pas participer si peu que ce soit à la fabrication médiatique d’une Marie-France que je ne reconnais pas. » La fille de Marie-France, Iris Funck-Brentano, actrice comme sa mère, a préféré rester silencieuse. Démarrons alors par la facette publique d’une femme qui, pardon Maître Kiejman, ne craignait pas de dire très haut très fort dans les médias ce qu’elle pensait.
Actrice féministe et talentueuse
Pour son deuxième film Pourquoi pas moi ? le réalisateur Stéphane Giusti, alors tout jeune, cherchait l’incarnation d’une femme emblématique de la gauche embourgeoisée. « Une Fabienne Servan-Schreiber, tu vois ? Le genre taulière du manoir. » Marie-France Pisier a 55 ans, se remet d’un cancer du sein – elle en développera un second quelques années plus tard. Elle accepte le rôle, même si les assurances refusent de couvrir une actrice en rémission.
« Son personnage devait être un peu ringard. ‘Tout le monde a une dimension, disait-elle. Même les cons en ont une.’ Comme elle gardait toutes ses fringues, elle nous a dégoté un petit tailleur Agnès B. en cuir de 1978, bien ringard. Ça la faisait marrer. Elle m’avait dit très sérieusement : ‘J’aurais pu être comme le personnage du film, une bourge allumée qui ne voit pas ce qui se passe dans sa propre famille. Ne rien voir, ça arrive dans toutes les familles.’ On était en 1998, ça sonne bizarrement aujourd’hui. »
Pour le réalisateur installé au Royaume-Uni, Marie-France Pisier était, comme Delphine Seyrig qui n’a pas eu une carrière à la hauteur de son talent, beaucoup trop intelligente et touche-à-tout pour se tailler une carrière à sa mesure : « Marie-France avait beaucoup d’humour et un côté extrêmement vachard. Un jour sur le tournage, on déjeune avec Johnny. Il lui balance une pique sur sa voix. ‘C’est drôle, répond-elle. J’ai exactement la même voix que quand tu voulais coucher avec moi.' »Bim !
« Beaucoup d’actrices sont lustrées d’un vernis féministe. Elles se font passer pour Simone de Beauvoir, mais tu grattes un peu, derrière il n’y a rien. Marie-France, c’était le contraire. Elle pouvait agacer même avec ses prises de position, elle s’en foutait. »
À la recherche d’une Amazone
Dans les années 60 et 70, Marie-France Pisier et sa sœur Évelyne, inséparables et précédées d’une réputation d’incroyable liberté sexuelle, mettent le feu dans les rangs intellectuels de gauche. L’expédition à Cuba en 1964, avec Bernard Kouchner, reste attachée à leur légende.
Membre de l’Union des étudiants communistes (UEC), le futur ministre a des vues sur Évelyne, qui tombe amoureuse de Fidel Castro. Il se console avec Marie-France. Les amants valsent, se partagent, rien n’est grave. Après quatre ans de passion avec le Lider Maximo, Évelyne se range en épousant Bernard Kouchner.
Marie-France distribue La cause du Peuple avec Sartre, joue au scrabble avec Simone Signoret, gueule sur les barricades en 1968 avec sa sœur, Perdriel et Cohn-Bendit, elle teint en noir les cheveux de Dany le Rouge pour lui faire passer la frontière clandestinement, ça l’a bien fait marrer, sa liaison avec lui aussi probablement.
À la recherche d’un destin aux antipodes
On ne naît pas affranchie, on le devient. Si les sœurs Pisier se montrent aussi libres, elles le doivent à l’éducation maternelle. La mère, née en Indochine, y a épousé un fonctionnaire maurrassien. Évelyne et Marie-France naissent. À l’invasion du protectorat français par les Japonais, Paula et ses deux filles sont internées dans un camp. Marie-France n’a pas 1 an, elle débute sa vie le ventre vide.
Libérée six mois plus tard, la famille est expédiée en Nouvelle-Calédonie, où naîtra Gilles, le petit frère. Dans Le bal du gouverneur, best-seller publié en 1984, Marie-France raconte la vie coloniale à Nouméa. Libre, insoumise, Paula dynamite les conventions de ce petit milieu rassis d’expatrié·es.
À l’école, ses filles en bavent, isolées par la réputation de leur mère. Le couple divorce, Paula embarque ses trois enfants, deux mois de traversée en paquebot, cap sur Nice. Des années de dèche et de folle légèreté commencent. Paula Caucanas domine, statue du Commandeur en short et décolleté vertigineux. « Femme sans culture, sans argent, elle a poussé ses enfants au zénith », raconte l’auteure Sylvette Desmeuzes, amie intime de Marie-France.
Actrice et étudiante
Ne pas étudier n’était pas une option. Marie-France démarre sa carrière d’actrice tout en faisant du droit, puis elle décroche une licence de sciences politiques. Ses cachets vampent le quotidien.
Sylvette Desmeuzes note que Comme un avion, le film sur sa mère écrit et réalisé et interprété par Marie-France, n’est pas qu’hagiographique. « Elle y rejoue des scènes qu’elle a vécues, comme des nuits sans dormir à la veille d’un examen, parce que Paula dansait toute la nuit dans la pièce à côté. Ou encore se baladant en short si court qu’on lui voyait les poils pubiens. »
En attendant, la scandaleuse a préparé ses filles comme un éleveur de pouliches de compétition. « Elles étaient brillantes et puissantes, observe l’écrivaine Marie Lebey. Un gynécée à l’arrogance bruyante. Nous, on est plus fortes que les hommes, on est les meilleures. » Marie Lebey fait une pause. « Cette attitude, c’était surtout Évelyne. » Marie-France Pisier a-t-elle passé sa vie à vouloir être à la hauteur de ces deux femmes qu’elle vénérait et qui l’ont trahie ?
« C’était une casse-cou, elle nageait toujours 10 m trop loin. » Indocile et intrépide, la marque de cette vraie-fausse bourgeoise. « Le féminisme de Marie-France se résumait à un principe catégorique, écrit Camille Kouchner. Y arriver par soi-même. Pas question de renoncer à quoi que ce soit sous prétexte qu’on a ses règles. On se lève et on lutte mais on ne lutte pas bêtement. Résultat : toutes les filles Pisier et Kouchner ont un truc spécial : il faut y aller. »
À la recherche d’une éternelle gamine
Invitée par la Radio Télévision Suisse en 1977 dans le cadre de la promotion de Barocco d’André Téchiné, le journaliste lui demande si l’intelligence est un handicap au cinéma. « Il y a une forme de lucidité qui peut gêner dans un premier temps, une forme d’esprit critique et de repli sur soi. » Puis elle lâche, impériale d’aplomb et de désinvolture en robe d’été jaune : « Je suis le mouton noir de la famille. »
Elle fume comme un pompier, bien calée dans son pouvoir d’attraction : « Tout le monde est d’accord pour dire que les rides, c’est très émouvant ». Bien plus tard, à la cinquantaine, elle s’échappera des tournages pour des allers-retours éclairs en Suisse, où elle se fait poser des fils d’or. Et revendiquera ses injections, « bien plus modernes qu’un lifting. On est belle, on le reste ».
Je suis le mouton noir de la famille.
Je me repasse en boucle l’interview de la fin des années 60, en ligne sur le site de l’Ina. « Est-ce que tu crois que l’image qu’on a de toi, très gentille avec ta petite robe blanche et tes grands cheveux correspond à ce que tu es ? », demande la journaliste à la jeune actrice révélée par Truffaut. « Ce que je suis ?! (…) Je me demande pourquoi c’est toujours aux filles à qui on demande de jouer à ce petit jeu. Je dévoile mon moi intérieur avec tact et intelligence. Ce serait beaucoup plus drôle si vous faisiez ça avec des garçons. »
Une gamine joueuse de 17 ans qui défiait l’ineptie en croquant des bonbons, sûre de son charme incendiaire. Marie-France Pisier était bien partie pour rester cette fille-là toute sa vie.
Des amis devenus sa famille
Jusqu’au suicide de Paula en 1988, sa mère atteinte, à 66 ans, d’un double cancer du sein. « Un acte impardonnable, assène Marie Jaoul de Poncheville, auteure, actrice et réalisatrice. Marie-France ne s’en est pas remise. » D’autant moins que deux ans plus tôt, son père s’était tiré une balle dans la tête.
Ses amis ont été une famille plus douce à Marie-France Pisier. Geneviève Brisac est devenue la sienne lors d’une série de lectures de Simone de Beauvoir et Virginia Woolf, en 2006. « Dans ces amitiés-là, ce n’est pas qu’il n’y a pas de rivalité, elle est surmontée. Marie-France était féministe, tout simplement, ce n’est pas la peine de tourner autour du pot. Elle était difficile, mais tous les gens bien sont difficiles. »
Un beau compliment à l’intelligence. Sandrine Dumas, actrice et metteuse en scène, reste bouleversée par la générosité de la comédienne. « J’étais jeune, c’était ma première mise en scène, et pourtant elle tenait à me mettre en avant, m’invitant avec des gens pas de ma génération, mais des gens de valeur. La sororité. C’est le cadeau qu’elle m’a fait. »
À la recherche de Marie-France Pisier, un début de soirée en plein hiver
Je me perds dans le dédale de rues pavées coincées entre le jardin du Luxembourg, la place Saint-Sulpice et la rue de Vaugirard pour rencontrer Christian Gasc, le costumier légendaire du cinéma français, intime de Marie-France Pisier. La nuit de couvre-feu prend des airs de province.
La petite table est encombrée de trucs et de machins, couverte d’une nappe en dentelle. Jetés en vrac, des cartons d’invitation où le créateur prend des notes en prévision de ses mémoires qui se termineront, il le sait déjà, par une déclaration d’amour à Marie-France Pisier.
Frêle et raide comme la justice, Cricri le confident, crinière blanche sur rouge. Rouges le pantalon, les souliers, les foulards, rouge le souvenir brûlant de l’amie disparue, noir et blanc la plupart des photos de l’amie qui tapissent l’abri de cet inconsolé. « J’ai habité chez elle au 5e longtemps. Quand un appartement s’est libéré au 6e, elle s’est portée caution pour moi. »
« Ministre des finances de la tribu »
Marie-France, toujours prête à épauler financièrement le clan. Estampillée « ministre des finances de la tribu » par son ex-mari Georges Kiejman. C’est dans cet immeuble qu’elle a rencontré son mari Thierry Funck-Brentano, DRH chez Lagardère, cousin germain d’Olivier Duhamel. « Un fils de famille, remarque Marie Lebey. Olivier Duhamel et lui se prenaient pour les Kennedy. » En attendant, c’est Marie-France qui achète un appartement plus grand rue Guynemer.
« Marie-France pouvait sérieusement affirmer : ‘Thierry vit chez moi' », racontera Marie Jaoul de Poncheville. Après la naissance de Mathieu, leur premier enfant, ils achèteront ensemble une seconde aile, celle des enfants. Et les parents auront chacun leur chambre, confie Cricri. Dans ce biotope favorable au bon développement de la bourgeoisie de gauche, Marie-France habite à quelques minutes seulement de la rue Joseph-Bara, où vivent sa sœur Évelyne et son mari Olivier Duhamel.
Un quartier où elle se sent chez elle, bien plus qu’à Sanary, le fief de ces derniers, où elle cessera d’aller. « Elle ne pouvait plus supporter l’arrogance de Duhamel, se souvient Sylvette Desmeuzes. Il était odieux, ivre de puissance. Et Évelyne a commencé à se comporter comme lui. » Avec Thierry, elle s’installe 10 km plus loin, à Saint-Cyr-sur-Mer. « Elle n’aimait pas cette maison, précise Marie Jaoul de Poncheville. Trop proche de Sanary. »
À la recherche d’une incorruptible
Un jour de 2008, Évelyne débarque rue Guynemer. Son fils « Victor » vient de lui révéler qu’Olivier Duhamel l’a violé. La terre s’ouvre sous les pieds de Marie-France Pisier. Le drame de trop qu’Évelyne Pisier transforme en tragédie. Marie Lebey s’en indigne encore. Évelyne refusait de quitter son mari. « Je ne veux pas habiter une chambre de bonne, a-t-elle expliqué à Marie-France. Je me souviens de son petit regard noyé de tristesse. C’était comme si on lui avait menti toute sa vie. »
Révoltée par le vol incestueux de son neveu
Sylvette Desmeuzes se souvient comme si c’était hier du coup de fil de l’actrice en fin d’après-midi, la voix qui tremble. Rendez-vous à La Rotonde. Marie-France commande un whisky pour chacune. « ‘Bois, tu vas en avoir besoin’, me dit-elle. Marie-France était révulsée. Non seulement Évelyne avait choisi de protéger son mari contre ses enfants, mais elle justifiait le viol. Olivier aurait fait ça par amour. Le garçon était si fragile qu’il voulait lui donner confiance en lui, l’éduquer. » Nausée.
« Enfin le combat reprend, rit et pleure Christian Gasc. Elle qui voulait que tous les habitués de Sanary sachent. Elle téléphonait et envoyait des mails. C’était sa croisade, et nous, on était les Croisés. On avait la mission de ne pas nous taire, nous non plus. »
En 2005, Évelyne Pisier publie Une question d’âge, roman autobiographique à peine déguisé qui raconte les difficultés de l’adoption, le suicide de la mère, la dépression insondable, l’alcool. Dans ce livre écrit trois ans avant que la vérité de l’inceste explose la famille, Évelyne dit tout.
Pas besoin de clé pour décrypter les personnages. La mère adoptive est professeure de droit, le père adoptif, « Thierry » (le prénom du mari de Marie-France !) est, comme Olivier Duhamel, un brillant universitaire au réseau très puissant. Quant à la fille adoptée, l’auteure a fondu son fils et sa fille adoptés avec Duhamel en un seul personnage, elle accuse son père de la violer. Une enquête ouverte.
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Des rivalités avec sa soeur Evelyne
Marie Jaoul de Poncheville revient sur un épisode saisissant. « À l’époque, la boutique Sonia Rykiel, boulevard Saint-Germain, faisait souvent ses vitrines avec des livres à succès. Celui d’Évelyne tapissait une vitrine entière. J’étais chez Marie-France, elle a attrapé le bouquin et l’a jeté par la fenêtre : ‘Voilà ce que je fais de ça.' » Savait-elle déjà, intuitivement, inconsciemment ?
Une scène de La familia grande suggère un rapport de domination entre les sœurs Pisier. En 1995, Marie-France joue Claudel au théâtre. Évelyne croit pouvoir exiger qu’elle renonce, elle l’injurie, l’humilie. « Claudel, cet infâme, ce vieux réac ! Comment peux-tu faire ça à maman ? Tu n’as donc rien retenu ! Aucun sens critique ? L’art ne justifie pas tout. Ne renonce pas au combat idéologique. Sois courageuse. De quel côté aurais-tu été en 1940 ? »
Évelyne ne va pas la voir jouer au théâtre, interdit à sa fille Camille d’y aller, qui bien sûr y va. Évelyne était-elle jalouse de Marie-France ? « Moi, moi, moi, et tous les autres sont des cons, c’était un peu ça, Évelyne, agressive, arrogante », analyse Marie Lebey.
En 2016, Évelyne Pisier entreprend cette fois la rédaction de ses mémoires. Sa mort, en février 2017, en interrompt brutalement l’écriture. À la demande d’Olivier Duhamel, Caroline Laurent, jeune éditrice d’Évelyne, termine Et soudain, la liberté. La dédicace ? « Pour tout ce qu’il sait et que je n’ai pas besoin de dire : merci à Olivier. »
Selon Le Point, « Victor », le fils violé d’Évelyne avait tenté « instamment de dissuader Caroline Laurent, de lui faire entendre qu’elle (s’approchait) d’une histoire familiale bien plus noire qu’il n’y paraît. Sans succès. » Quand le livre sort, les enfants Kouchner sont horrifiés. L’homme de Sanary y occupe une place centrale et valorisée, et Marie-France Pisier est effacée de l’histoire. Sollicitée, Caroline Laurent n’a pas répondu à notre demande d’interview.
Marie-France Pisier, une héroïne
Partie à la recherche de Marie-France Pisier, j’ai trouvé une héroïne. Jusqu’au bout, malgré deux cancers et des trahisons familiales purulentes, Marie-France Pisier a donné le change. « C’était une courageuse, résume Sandrine Dumas. Quand j’ai refermé le livre de Camille Kouchner, j’ai éprouvé une fierté totale. Son côté grande gueule prenait enfin tout son sens. »
Après 2008, les sœurs Pisier, sœurs de sang, sont restées fâchées. Car Marie-France n’avait pas désarmé. Toutes et tous devaient savoir. Elle avait mobilisé Marie Jaoul de Poncheville : « Au cas où je meure, continue. » Marie Jaoul de Poncheville a honoré sa promesse : témoigner à la Brigade de protection des mineurs.
L’enquête sur la mort de l’actrice retrouvée sans vie au fond de sa piscine le 24 avril 2011 a été classée sans suite. Encore aujourd’hui, pas un de ses proches n’adhère à la thèse du suicide. Seule Évelyne, qui s’est fendue d’un « Marie-France nous a plaqués », y croyait. Sandrine Dumas, elle, ne spécule pas : « C’est trouble. Mais dans toute cette boue, Marie-France marche sur les eaux. Toute droite. »
(*) Éd. du Seuil.
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Avec Isabelle Huppert et Isabelle Adjani dans "Les Sœurs Bronte" d’André Téchiné, en 1979.
Marie-France Pisier, dans les années 60, chez elle, avec le portrait de sa sœur Évelyne au mur
Marie-France Pisier, avec Jean-Pierre Léaud, sur le tournage de "L’amour à 20 ans" de François Truffaut, en 1962
Avec Alberto Korda, lors d’un match de baseball dans lequel joue Fidel Castro, à Cuba, en 1964
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