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À la mort d’Elizabeth II, le prince Charles pourrait-il abdiquer pour William ?
Elizabeth II a fêté ses 95 ans le 21 avril dernier. Elle est depuis 2015 la souveraine britannique détenant le record du plus long règne de l’Histoire britannique, battant celui de la reine Victoria, morte en 1901 après 63 ans de règne. En 2022, elle célèbrera ses 70 ans à la tête de Royaume-Uni et du Commonwealth.
Mais le décès du prince Philip, survenu le 9 avril 2021, marque une nouvelle étape pour la monarchie britannique. Après le départ du prince Harry et de Meghan Markle, un noyau dur s’est formé autour de la reine, avec en premier plan, le prince Charles, héritier de la couronne, et son fils, le prince William, toujours accompagné de son épouse Kate Middleton. La question de la succession de la reine se fait plus que jamais pressante.
Dans un sondage publié fin avril, YouGov remarque un regain de popularité du prince de Galles avec 58% d’opinion favorable, alors que son image a longtemps été ternie par son mariage malheureux avec Diana Spencer. Comment se prépare la transition vers le règne du prince Charles ? Pourrait-il renoncer au trône pour laisser la place à son fils, deuxième dans l’ordre de succession ?
Éléments de réponse avec Philippe Chassaigne, professeur d’histoire contemporaine à l’université Montaigne de Bordeaux, spécialiste de la Grande Bretagne et de sa monarchie*.
Un sommet pour moderniser la monarchie pour les règnes de Charles et William
Quelques jours après les funérailles du duc d’Edimbourg, la presse britannique a annoncé la tenue prochaine d’un sommet présidé par le prince Charles et le prince William pour évoquer l’avenir de la monarchie britannique. Une annonce très solennelle qui n’a pourtant rien de surprenante, estime Philippe Chassaigne : « La reine a 95 ans et même si elle a l’air d’être en parfaite santé, elle n’est pas éternelle. C’est un peu ce qu’il s’est passé à la mort de la reine Victoria. Après un très long règne, il est bien évident que des choses qui étaient pertinentes au début du règne ne le soient plus à la fin, ou en tout cas, au début du règne de son successeur. On peut notamment se demander si le couronnement de Charles ressemblera exactement à celui de sa mère, en 1953. »
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Associer Charles et William n’est cependant pas anodin, selon lui, pour « réfléchir à l’après Elizabeth II ». Sans compter que ce sommet arrive à un moment particulier où la famille royale a perdu plusieurs de ses membres actifs. Le prince Philip s’était retiré de la vie publique en 2017. Fin 2019, le prince Andrew, troisième enfant d’Elizabeth et du duc d’Edimbourg a aussi renoncé à ses engagements royaux en raison de son implication dans l’affaire Epstein. Début 2020, le départ du prince Harry et de Meghan Markle, désormais installés en Californie avec leur fils Archie, aussi.
« La question du maintien tel quel ou d’une adaptation de tout le cérémonial qui entoure la monarchie va se poser, explique le professeur d’histoire contemporaine. Entre 1953 et maintenant, très peu de choses ont changé. La reine utilise toujours le carrosse d’apparat, qui date de George III, au XVIIIeme siècle. Tout cela pourrait être allégé. Mais ce n’est pas non plus évident parce que le cérémonial attire les foules. »
La question du maintien tel quel ou d’une adaptation de tout le cérémonial qui entoure la monarchie va se poser.
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Charles, préparé depuis toujours à devenir roi à la mort d’Elizabeth II
Si depuis plusieurs années, la question de la possible abdication du prince Charles, âgé de 72 ans, pour son fils, William se pose, l’expert de la monarchie est catégorique : « C’est totalement inenvisageable. On n’abdique pas chez les Windsor depuis qu’Edouard VIII l’a fait en 1936. Ça reste un traumatisme ».
Et de souligner qu’un tel acte ne pourrait de toute façon pas être simplement décidé par le prince Charles. Elle impliquerait tous les pays sur lesquels règne le souverain. « Lorsque Edouard VIII a abdiqué, il a fallu que le Parlement britannique et les Parlements de tous royaumes du Commonwealth dont il était le souverain ratifient. Si Charles renonce à la couronne, il faut que le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, etc, valident. Ça pourrait aussi être l’occasion pour des pays comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande de dire ‘dans ce cas, nous proclamons une République’. Tandis que si Charles monte sur le trône, le processus sera moins facile à mener pour les Républicains de ces pays-là « , précise le spécialiste.
Si Charles renonce à la couronne, il faut que le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, etc, valident.
Le prince Charles attend de monter sur le trône depuis des années et s’y prépare. Né Prince de Galles et officiellement investi en 1969, Charles est destiné à régner depuis sa naissance, le 14 novembre 1948. Il prendra normalement le nom de règne de Charles III. « Lorsqu’il deviendra roi, il sera le souverain le plus âgé à monter sur le trône du Royaume-Uni. Il devancera Edouard VII et Guillaume IV, qui avait 64 en 1830 », souligne Philippe Chassaigne.
Si la question du titre que portera Camilla Parker-Bowles, épouse du prince Charles depuis 2005, se pose à l’heure actuelle, le professeur d’histoire contemporaine nuance : « C’est l’épouse du roi, donc logiquement la reine consort. À moins que le Parlement adopte une loi et que les Parlements des autres royaumes du Commonwealth adoptent aussi une loi stipulant que Camilla ne peut pas porter le titre de reine ».
Charles III, une autre approche de la Couronne
En revanche, une chose est sûre, lorsque Charles deviendra roi, son règne sera court. « Un règne de transition, clarifie l’historien, qui pourra être une bonne chose pour la monarchie afin de procéder à des ajustements ».
« Charles s’est toujours vu comme un futur modernisateur de la monarchie », note Philippe Chassaigne, évoquant des interviews du prince de Galles dans les années 60-70 dans lesquelles il s’expliquait sur son rôle en tant que futur roi. « Dans la titulature britannique, le souverain est défenseur de la foi, un titre qui remonte au XVIe siècle, sous la règne d’Henri VIII. Charles a expliqué que comme le Royaume-Uni est une société multiconfessionnelle, le titre pourrait être changé en ‘défenseur des fois’ « . Pour rappel, le monarque est aussi considéré comme le chef de l’Église anglicane, pourtant très minoritaire en Angleterre.
Charles s’est toujours vu comme un futur modernisateur de la monarchie.
À la mort de Diana, en 1997, le prince de Galles avait soutenu une modernisation de la monarchie et « entendu les reproches d’une partie de l’opinion publique qui ne comprenait pas la retenue des Windsor ».
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Moderniser la monarchie britannique ne devrait tout de même pas se faire trop rapidement. « Si Charles III arrivait en vélo ou en trottinette électrique à l’inauguration de son règne, ça ferait les gros titres, mais je ne suis pas sûr que le public apprécierait forcément », constate par une semi-plaisanterie l’expert, à l’heure où le faste de la famille royale fait encore rêver et où les produits dérivés se vendent partout dans le monde.
En près de 70 ans de règne, Elizabeth II a continué d’apparaître lors de grands événements annuels, toujours avec des tenues et chapeaux hauts en couleurs, au balcon avec sa famille, et célébrant en grande pompe tous les dix ans son accession en trône en défilant en carrosse royal aux abords de Buckingham Palace.
« Le décalage avec les réalités pourrait paraître plus apparent avec Charles, et surtout avec William, concède l’historien. C’est pour cela que Charles tient à associer William aux discussions. Il sait très bien que les décisions qui vont être prises s’appliqueront à son règne mais aussi à celui de son fils ».
Quels rôles pour le prince William et Kate Middleton ?
Associer William, un atout pour la côte de popularité de la monarchie également ? « Le prince Charles est respecté, mais il a quand même un certain âge alors qu’aujourd’hui, tout passe par l’image », analyse Philippe Chassaigne. Multipliant les apparitions publiques au nom de la Firme, tout en se détachant de l’image officielle de la famille royale en personnalisant leurs réseaux sociaux, le prince William et Kate Middleton ont « parfaitement intégré les codes et les attentes de la monarchie constitutionnelle ».
Lorsque son père sera roi, William deviendra prince de Galles et sera premier dans l’ordre de succession au trône, sans pour autant partager la couronne : « William se rendra utile pour la Nation et attendra de monter sur le trône ». Pour l’épauler, il pourra compter sur Kate Middleton, duchesse de Cambridge depuis 10 ans, parfaitement rodée au protocole et consciente des enjeux liés à la couronne.
Le début du règne de Charles sera cependant différent de celui de sa mère. Charles III ne sera en effet plus à la tête de l’immense royaume hérité par Elizabeth II à la mort de son père le 6 février 1952, rappelle l’expert : « Elle avait encore le premier empire colonial au monde, avec la moitié de l’Afrique. Puis il y a eu la décolonisation, le retrait des protectorats, du Golfe persique notamment, la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997. Pendant le règne de Victoria, le Royaume-Uni était devenu la première puissance mondiale, mais sous Elizabeth II, il a perdu sa place de très grande puissance mondiale ».
Le règne d’Elizabeth II, « absolument essentiel dans l’histoire du pays », laisserait donc place à une succession assurée par le fils aîné de reine, comme le veut la tradition, sauf si cette dernière venait à décéder après celui-ci.
* Auteur du livre Histoire de l’Angleterre, des origines à nos jours, 4e édition, Flammarion.
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