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1 Heure avec… Frédéric Deban : “Pendant cinq ans, j'ai vécu comme en prison"
Adulé pendant des années, le Grégory Lacroix de Sous le soleil a vu sa vie basculer en 2014, en devenant sourd. Un handicap qu’il a récemment vaincu ! Rencontre avec un revenant.
Public : Votre nouveau livre, Journal d’une renaissance, raconte la fin d’un cauchemar, celui de votre surdité…
Frédéric Deban : Oui, j’ai été comme en prison pendant cinq ans. Le 18 décembre 2014, le soir de mes 50 ans, je suis devenu sourd. J’écoutais du Michael Jackson au casque, à donf, et en me mêlant à une bagarre, j’ai pris un coup de bouteille sur la tête. Le lendemain, en me réveillant, j’avais un bruit énorme dans le cerveau, de la puissance d’un Boeing en phase de décollage. Moi qui avais déjà très envie d’avoir 50 ans, j’ai été servi ! (Rires.)
Au début, vous avez pensé que ce serait passager ?
Bien sûr. Je ne savais pas ce qu’était un acouphène. J’ai vite découvert combien c’est épuisant. D’abord, le fait de ne plus s’entendre : il faut se concentrer, et on vous prend pour un fou car vous criez au lieu de parler. Et puis vous devenez une éponge. Chaque émotion est multipliée par mille. C’est un combat permanent : on se dit que sans remède, on devrait se jeter sous une bagnole. D’autant que c’est un sujet assez tabou, surtout pour un artiste connu. Quand je suis allé demander une allocation d’handicapé, les gens me regardaient bizarrement, par exemple.
Vous aviez honte de votre surdité ?
Oui, je donnais la fausse excuse d’un accident de plongée. Pendant des années, je me suis excusé d’être sourd.
Vous dites avoir perdu beaucoup d’amis…
Ma vie d’avant m’a déserté. J’étais à la fois dans un vacarme intérieur et un terrain vague de silence. Mais je n’en veux à personne : ne pouvant pas téléphoner, je me suis forcément coupé des autres. Tout y passe : les amitiés, la libido… On est terrassé.
Pourtant, une solution vous était proposée : l’implant cochléaire. Pourquoi l’avoir longtemps refusé ?
Le côté irréversible me faisait peur. Sans oublier une question d’image : Sous le soleil passant encore à la télé, on me demandait des selfies dans la rue. Je ne me voyais pas avec une pastille sur la tête. Ce n’est pas glamour. Mais un jour, j’ai compris qu’il fallait arrêter de me la péter et que l’image ne servait à rien sans le son ! En plus, on me reconnaissait de moins en moins…
Au réveil de votre opération, on vous a pourtant reconnu !
Oui. En novembre 2019, je me suis finalement fait poser un implant par un ponte, le professeur Frachet. Et en me réveillant de l’opération de trois heures, une infirmière me tend une feuille et un stylo, et je lis sur ses lèvres « Grégory, un autographe ! C’est pour ma mère, elle vous adore. Elle s’appelle Cricri ». Je signe et là, elle sort son appareil et prend une photo avant de disparaître !
« On me poursuivait en me chantant Sous le soleil! »
Ça enferme, le succès d’une série comme Sous le soleil ?
Ça vous vole tout, même votre nom ! Dans la rue, on m’appelait Grégory : dire que je détestais ce prénom, qui me rappelait l’affaire… Sinon, des troupes de gonzesses me couraient après en chantant le générique écrit par Pascal Obispo ! Comme on ne me proposait rien après la série, j’ai préféré disparaître. Je me suis retiré dans la campagne bordelaise, avec des hectares et des animaux. J’ai joué au Robinson, en vivant sur mes économies. L’avantage, c’est que je peux passer des sushis aux pâtes avec une facilité déconcertante, moi qui ai grandi en ayant faim.
Abandonné par vos parents, vous avez été ballotté de foyer en foyer. Cela a déterminé toute votre vie ?
L’enfance, c’est le socle. Un père, une mère sont des référents, pour vous aimer, vous éduquer. Mon adolescence a été difficile. J’ai arrêté l’école en sixième, et j’ai rencontré une nana de douze ans de plus que moi. On est partis bosser en Corse dans un club naturiste, puis à Saint-Barth. J’y suis resté de 15 à 19 ans, à tenir une baraque à hot dogs, et à croiser Yannick Noah, Richard Gere, Johnny Depp… Un jour, à la plage, une femme qui était dans la mode m’a proposé de faire du mannequinat. Je n’étais pas dégueulasse physiquement : au moins un truc que mes parents m’ont refilé ! J’ai fait deux shootings, puis un agent m’a parlé d’un petit rôle dans Parole de flic avec Alain Delon. Je n’avais qu’une réplique, mais le lendemain, Delon m’a convoqué pour me dire que c’était très bien ! Des années plus tard, il m’a forcément vu dans Les Cœurs brûlés, où j’étais l’amant de Mireille Darc. Une femme extraordinaire, douce, qui embrassait bien !
« L’amour, ce n’est pas ma came… »
Mieux que Bénédicte Delmas, Laure, de Sous le soleil ?
Oui, Béné ne supportait pas qu’on l’embrasse ! Avec elle, il ne fallait pas mettre la langue. (Rires.) Et elle avait une peau très fragile. Comme j’avais un peu de barbe, elle finissait avec des plaques rouges sur le visage.
Elle a été votre grande histoire à l’écran. Et à la ville, vous êtes amoureux ?
L’amour n’est pas ma came. Comme on ne m’a pas autorisé à aimer pendant mon enfance, c’est devenu un réflexe, qui me poursuivra. J’en ai pris pour perpète. Je ne voulais pas non plus devenir père, de peur de ne pas savoir. Ma place reste celle de l’enfant, sans parents. Je n’ai d’ailleurs jamais eu beaucoup d’amis. Sur les tournages, je ne tissais pas de liens. Sauf avec Marie-Christine Adam (Blandine Olivier dans Sous le soleil, ndlr), qui est un trésor, et Romeo Sarfati (Louis Lacroix, ndlr), qui est comme mon frère.
Quels sont vos projets désormais ?
Enfin jouer mon seul en scène autobiographique, que le Covid a retardé. Mon handicap m’a fait réaliser combien la vie est précieuse. Et aujourd’hui, j’ai droit à un bonus incroyable !
Dates Clés :
1. 18 décembre 1964
Naissance à Meaux d’André, de son vrai prénom. Son père ne le reconnaît pas et sa mère l’abandonne dans un couvent alors qu’il n’a que 4 ans.
2. 1992
Il se fait connaître du grand public grâce à la saga Les Cœurs brûlés, dans laquelle il joue l’amant de Mireille Darc.
3. 1996
Sur une terrasse parisienne, il est repéré par la casteuse de Sous le soleil. Elle lui propose le rôle de Grégory, initialement offert à Sagamore Stévenin.
4. Mai 2021
Sortie de son quatrième livre, Journal d’une renaissance (éditions Trédaniel). Un ouvrage bouleversant qui raconte sa victoire sur le handicap.
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Propos recueillis par Maëlle Brun
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