Compléments alimentaires : faut-il avaler la pilule ?

De plus en plus désirables et prometteurs, les compléments alimentaires font tout pour nous emballer. Gélules belle peau, vitamines énergisantes, cures pour équilibrer notre microbiote intestinal ou apaiser notre stress… quelques repères dans cette quête de beauté intérieure.

« On peut lire les évolutions de la société à travers notre prise de compléments alimentaires», raconte Virginie Franceries, directrice commerciale d’Oenobiol, géant historique du secteur. Elle n’a pas tort : le marché, en pleine mutation depuis trois ans, a encore été bousculé avec la crise. Du côté d’Oenobiol, seuls les produits contre la chute de cheveux (parfois due au stress, ou même au Covid) ont progressé en 2020. «La minceur, elle, s’est écroulée avec 40 % de baisse. Les diktats sur le physique sont passés au second plan. Ce marché, qui pèse 100 millions d’euros, a été le plus touché.»

Mais tous les secteurs ne sont pas dans le même cas : les vendeurs de bonbons vitaminés Les Miraculeux, eux, ont observé à l’annonce du second confinement des pics de vente de 25 % sur la référence sommeil et de 42 % sur la référence stress. Ces deux catégories sont d’ailleurs celles qui se vendent le mieux en France. «On ne fait plus vraiment la différence entre la beauté et le self care. Bien dormir permet aussi d’effacer les signes de fatigue le matin», continue l’experte. Cette fusion entre beauté et bien-être est capitalisée par certaines marques comme Holidermie ou la toute jeune ligne Days of Confidence, qui propose des combinés de crèmes, sérums et compléments pour booster la sérénité, l’immunité ou la radiance de la peau.

«Ces nouvelles venues ont donné un coup de pied dans la fourmilière cosmétique, raconte Philippe Guillermic, cofondateur de Days of Confidence. On considère que la beauté de la peau est déterminée à 80 % par le style de vie et ce que l’on mange. Mais on souhaite aussi offrir aux clientes le plaisir d’appliquer une crème, qui traite les 20 % restants», résume-t-il.

Des compléments à gogo

Aux États-Unis, consommer des compléments alimentaires fait partie du quotidien. En Europe, les Britanniques en sont les plus friands. Ici, un Français sur deux a déjà essayé, selon un sondage OpinionWay pour Synadiet réalisé en 2019, mais seulement 24% en prennent plusieurs fois par an. Cette spécificité française devrait changer petit à petit, car notre rapport à la santé commence à se rapprocher de celui des Anglo-Saxons : par peur de consulter, ou face à la difficulté d’accès à un médecin, on préfère prévenir que guérir.

En vidéo, quels aliments pour une belle peau ?

La part de gâteau devrait grossir dans les prochaines années, et les entrepreneurs l’ont bien compris : chaque jour, une nouvelle gamme apparaît sur le marché. Il faut dire que lancer sa marque est facile, car les producteurs d’actifs proposent des mélanges déjà préparés, disponibles à partir de 250 pilules. On peut aussi commander un seul kilo d’actifs. Et certains s’occupent de tout, y compris de fabriquer l’étiquette et le packaging. Du coup, cela permet de se lancer sans énorme investissement… ni connaissance.
Cette course à la nouveauté fait naître de nouveaux produits, de plus en plus ludiques. Le marché des «bonbons santé» a explosé : + 44 % en trois ans au niveau mondial, ce qui porte le marché à 6 milliards de dollars. En France, les laboratoires D-Lab, qui existent depuis dix ans, ont lancé Birdie, une gamme spécialisée, et Oenobiol s’intéresse aussi au secteur. Mais on trouve aussi des paillettes aux probiotiques à saupoudrer chez Inners, des comprimés à sucer chez Gallinée et des poudres à dissoudre (souvent du collagène, de la spiruline, car il en faut beaucoup) chez Apnée, Aime ou D+ for Care.

La bonne dose de vitalité

Alors faut-il y succomber ? Certains nutritionnistes freinent des quatre fers : «Attention à la complémentation sauvage», répètent-ils. Ils voient de nombreux patients qui souvent mangent plus sainement que la moyenne des Français en abuser. «Cela peut poser un problème, car les plantes peuvent interagir entre elles. Gare à la surdose», explique Laurent Chevallier, médecin nutritionniste. Attention donc à ne pas mêler plusieurs cocktails pour les cheveux, le stress, la peau, etc. Certains antioxydants, comme la vitamine E ou le sélénium, pris à trop haute dose peuvent créer des déséquilibres.

«En théorie, on ne doit prendre des vitamines et des minéraux que si l’on est déficient, rappelle Laurent Chevallier. Cela doit être justifié sur un plan médical.» Les professionnels sérieux posent des questions et proposent un dosage sanguin avant d’établir les besoins. «Toutefois, on ne peut pas nier que la qualité nutritionnelle des aliments a baissé ces dernières années, nuance Véronique Liesse, nutritionniste et diététicienne. Nous faisons également face à plus de pollution. Notre organisme a besoin de se défendre, et on élimine donc plus de nutriments. Par exemple, on sait aussi que le stress provoque des pics d’adrénaline, qui accélèrent l’élimination du zinc.» En fait, si vous respectez les doses et ne multipliez pas les suppléments pris au même moment, vous ne courez pas de danger. Les médecins incitent à pallier certaines carences, en vitamine D notamment. Véronique Liesse conseille d’ajouter de l’iode dans son alimentation, ainsi que du magnésium et de la vitamine C. Mais surtout, sans surdoser !

Le juste mix

Comment choisir le bon ? Tous les actifs ne sont pas de même qualité. Si vous optez pour des compléments naturels, une bonne piste est de regarder la composition pour vérifier si ce sont des extraits de plantes plutôt que des plantes entières. Pour Fleur Phelipeau, fondatrice de D-Lab, c’est la clé. «Chaque partie de la plante renferme des actifs différents, confirme-t-elle. Dans le cas de l’ortie, par exemple, les racines ou la feuille ne contiennent pas les mêmes molécules. Si on se contente de broyer la plante, dans certains cas, on obtient jusqu’à 99 % de fibres que le corps n’utilise pas. Un extrait, c’est une plante plus concentrée, dont on a isolé les molécules intéressantes.» Ce que font depuis toujours des laboratoires pharmaceutiques comme, entre autres, Naturactive de Pierre Fabre, Physionorm d’ImmuBio ou D-Lab… On obtient des extraits titrés, où le dosage de la molécule efficace est stable et garanti.

L’autre piste, c’est de regarder la dose journalière proposée : il existe deux tailles de gélules (330 mg et 550 mg, par exemple). Un dosage de 120 mg d’actifs ne fera sans doute aucun effet sur l’organisme. C’est différent pour le collagène, qui est la plupart du temps proposé en poudre à boire, car il faut une haute dose (jusqu’à 10 grammes par jour !) pour obtenir des résultats. Et si vous le pouvez, consultez les études cliniques réalisées par les laboratoires indépendants.

Adaptogènes et prébiotiques

Parmi les ingrédients à la mode, on trouve les adaptogènes. Ces plantes qui poussent dans des conditions extrêmes et ont développé des super molécules pour résister aux agressions : vent, manque de lumière ou sécheresse intense. Elles aident à augmenter notre résistance au stress. «Elles sont intéressantes pour donner de l’énergie, renforcer le corps, sans utiliser d’excitants : je préfère ces plantes à la caféine, qui peut fatiguer», explique Laurent Chevallier. Depuis plusieurs années, des études sont menées, prouvant leur pouvoir. «Nous utilisons des plantes ayant des allégations déposées, affirme Ehsane Cassam-Chenaï, le fondateur d’Hygée, dont la marque propose des poudres aux adaptogènes. La plupart proviennent de Chine, où elles sont aussi séchées et broyées.» Seul hic : leur effet antistress est difficile à quantifier. Chez Hygée, la plus populaire est la poudre La Sérénité, qui aide à trouver le sommeil.

Autre ingrédient incontournable : les probiotiques en tout genre, car les études médicales se multiplient pour découvrir leurs potentiels. Ils font consensus auprès des experts. Sur la peau, leurs bienfaits ne sont plus à démontrer. «Il y a plusieurs études sérieuses, d’envergure, qui ont aussi testé des placebos, qui prouvent l’effet de certaines souches sur l’eczéma et l’acné», décrypte Marie Drago, dont la marque, Gallinée, propose un complément à destination des peaux sensibles qui jouit d’une très bonne réputation. «Le taux de rachat est très élevé», jubile-t-elle.

Elle propose aussi une pastille à sucer pour équilibrer le microbiome de la bouche. Certaines maisons se sont concentrées sur la flore vaginale. Mais les potentiels sont bien plus vastes, car «l’axe intestin-cerveau», soit la façon dont le microbiome intestinal influe sur notre système nerveux et nos humeurs, est un secteur qui fait frétiller les chercheurs. Les équipes défrichent des millions de souches pour déterminer lesquelles ont un intérêt pour le bien-être. Les gummies aux prébiotiques antidépression devraient donc se multiplier dans les années à venir.

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